En tournée en Europe, le célèbre chef indien Raoni met en garde sur la déforestation grandissante au Brésil depuis l'arrivée au pouvoir de Jair Bolsonaro alors que l'Amazonie est le poumon de la Terre. Il a été reçu par l’Élysée qui lui apporte son soutien financier. La préservation des peuples autochtones, qui protègent 80 % de la biodiversité, constitue pour de nombreux experts la réponse la plus efficace dans la lutte contre le changement climatique.

Ils protègent 80 % de la biodiversité mondiale. Les peuples autochtones, plus menacés que jamais, pourraient bien faire partie des solutions les plus efficaces dans la lutte contre le changement climatique. De nombreux rapports appellent ainsi à les préserver et à faire respecter leurs droits. Le dernier en date est celui de l’IPBES, la plateforme mondiale sur la biodiversité, qui a publié le 6 mai une évaluation inédite de l’état de la planète en s’appuyant pour la première fois sur les savoirs autochtones.
Ces peuples, qui représentent environ 5 000 groupes et entre 370 et 500 millions d’habitants (5 % de la population mondiale), couvrent 22 % de la surface de la planète, de l’Arctique au Pacifique, sous divers régimes fonciers. "Et c’est là qu’on trouve la nature la mieux conservée", indique Eduardo Brondizio, un des auteurs principaux du rapport. "Cela suggère de concevoir des modes de développement économique et social qui les protège et s’appuie sur eux", commentent Yann Laurans et Aleksandar Rankovic, chercheurs à l’Iddri.
Interdépendance avec la nature
"Ce qui caractérise avant tout les peuples indigènes est leur mode de vie ancestral : ils n’extraient que ce dont ils ont besoin pour vivre, le juste nécessaire, avec des pratiques respectueuses de l’environnement. Ils vont pêcher en barque pour couvrir les besoins de leurs familles, en donnant le temps à la nature de se régénérer. Ils ne sont pas dans une logique d’accumulation car ils sont en dehors des circuits monétaires et financiers", témoigne Monseigneur Roque Paloschi, archevêque de Porto Velho au Brésil et président du Conseil Indigéniste Missionnaire (CIMI), de passage à Paris.
"Les peuples premiers – qui ont encore la possibilité de vivre de façon traditionnelle – ont donc un rapport au territoire qui diverge du nôtre, ils ont pris conscience de leur interdépendance avec la nature. La Terre ne leur appartient pas, ils appartiennent à la Terre. Il est donc essentiel de protéger leurs modes de vie et de culture ancestraux d’autant plus qu’ils vivent dans des écosystèmes vitaux pour le climat" explique Valérie Cabanes, juriste en droit international spécialisée dans les droits de l’homme.
Dans son dernier ouvrage "Homo Natura" (1), elle cite l’exemple des Yanomami, qui ont créé des jardins en plein cœur de la forêt dans le nord du Brésil. S’ils n’utilisent que 0,36 % du potentiel agricole du territoire, leurs repas sont composés de 65 végétaux différents et ils cultivent 89 variétés de plantes. La culture, la pêche et la chasse n’occupent que deux heures trente de leur journée, quatre heures sont dédiées au ménage, cuisine et artisanat, le reste au repos, aux loisirs, à l’éducation et aux relations sociales. "C’est la société du ‘buen vivir’ (bien vivre) dont nous devrions nous inspirer" suggère Valérie Cabanes.
Prémices d’une apocalypse
Mais les peuples autochtones sont de plus en plus menacés, chassés de leurs terres au profit de l’agro-business, notamment au Brésil avec l’arrivée au pouvoir du climato-sceptique Jair Bolsonaro en janvier dernier. "Depuis, nous vivons les prémices d’une apocalypse", écrivaient le 10 avril dernier dans une tribune diffusée mondialement 13 représentants de peuples autochtones. La déforestation, qui avait baissé de manière spectaculaire en Amazonie de 2004 à 2012, est repartie de plus belle en janvier : +54 % par rapport à janvier 2018, d’après l’ONG Imazon.
Autre menace qui pèse sur eux : l’acculturation à nos modes de vie occidentaux. "L’insertion forcée à l’économie de marché crée des inégalités au sein des communautés qui n’existaient pas auparavant, commente Jules Girardet, du CCFD-Terre solidaire. L’accès à la consommation permet à certains d’acquérir des biens matériels (un moteur à bateau, de l’essence, des vêtements, des téléphones…) qui fragilisent la cohésion communautaire. Plus grave encore, les allocations sociales distribuées en zone urbaine ne permettent pas à ces populations de sortir de la misère, mais au contraire renforcent parfois leur marginalisation." 
"Une question centrale à résoudre est celle de leur préservation, de leur soutien, et donc des formes de développement économique et social à inventer qui, à la fois préserveraient leurs spécificités tout en leur permettant d’atteindre les indices de développement humain qui leur paraissent désirables", concluent les chercheurs de l’Iddri.
Concepcion Alvarez, @conce1 
(1) "Homo Natura, En harmonie avec le vivant", Valérie Cabanes, Editions Buchet-Chastel, octobre 2017, 128 pages.

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