Européennes : les limites du big-bang populiste au Parlement européen

Ils n’ont jamais été aussi forts et veulent se réorganiser. Mais ils restent divisés. Et surtout, ils seront minoritaires à Strasbourg dimanche soir, malgré leur incontestable dynamique.

 Matteo Salvini, Marine Le Pen et d’autres forces populistes européennes étaient à Milan, le 18 mai, pour une démonstration de force.
Matteo Salvini, Marine Le Pen et d’autres forces populistes européennes étaient à Milan, le 18 mai, pour une démonstration de force. AFP/Miguel Medina

    Marine Le Pen n'a cessé de le répéter pendant la campagne. Si sa formation ne souhaite plus quitter l'Union européenne, c'est parce que le poids des populistes deviendrait tel qu'il serait désormais possible de la changer de l'intérieur. La réalité est autrement plus compliquée.

    Malgré leur indéniable dynamique, les eurosceptiques de droite devraient occuper 150 sièges environ sur 705, selon les projections du site spécialisé Politico. Environ 180 sur 751 tant que les Britanniques sont là. Ils étaient 154 (sur 751) dans le Parlement sortant. Bref, ils devraient se renforcer dans le prochain hémicycle strasbourgeois, mais ne pourront pas empêcher la constitution d'une majorité qui leur est hostile.

    Pour l'heure, les europhobes sont divisés en trois groupes : l'ECR articulé autour du parti conservateur britannique et du Pis polonais, au pouvoir à Varsovie ; l'EFDD qui regroupe les eurodéputés pro-Brexit de Nigel Farage et les populistes italiens de 5 Étoiles ; enfin l'ENL qui réunit le Rassemblement national et la Ligue de Matteo Salvini. Aujourd'hui, ce groupe, avec 37 élus, est le plus petit de la galaxie souverainiste.

    Mais la bonne santé de la Ligue italienne a permis d'agréger au cours de la campagne de nouveaux alliés, venus de l'ECR (comme le parti du peuple danois et le parti des Finlandais), ou de l'EFDD, comme l'Alternative für Deutschland (AfD) allemand. Tous se sont retrouvés le 18 mai dernier à Milan pour une démonstration de force derrière le leadership du ministre de l'Intérieur italien, incontestable homme fort de cette coalition. Résultat : selon toute vraisemblance, l'ENL va devenir la quatrième formation du Parlement européen et la première parmi les europhobes.

    « Un seul groupe ne sera pas faisable »

    Nouvelle dans l'hémicycle, l'extrême droite espagnole, représentée par Vox, pourrait sauter le pas et rejoindre ENL. De quoi permettre la constitution d'un « super-groupe » populiste? Même au RN, on ne fait pas semblant d'y croire. « Un seul groupe ne sera pas faisable. Les Polonais du PiS n'apprécient pas notre russophilie », reconnaît-on dans l'entourage de Marine Le Pen.

    « Désormais, l'ECR est polono-centré et donc beaucoup moins attractif qu'avant, analyse-on au RN. Nous allons désormais faire un travail de fond pour le récupérer morceau par morceau. » Les Démocrates de Suède sont notamment dans le viseur. Également ciblé, l'incontournable Premier ministre Viktor Orban, aujourd'hui suspendu du PPE (droite au Parlement de Strasbourg) où il siège aux côtés de la CDU allemande ou des Républicains français.

    Pour l'instant, l'homme fort de Budapest assure ne pas vouloir s'allier avec le groupe de Marine Le Pen, sa « ligne rouge », comme il dit. « Avec Orban, ce n'est que partie remise », se rassure-t-on au RN. La présence de Matteo Salvini, aux commandes à Rome, est de nature à pousser le Hongrois à sauter le pas. « L'Europe peut sanctionner un petit pays comme la Hongrie. Mais elle n'osera pas le faire avec un pays comme l'Italie qui pèse 60 millions de personnes », confiait-il récemment à The Atlantic.

    Que feront les Britanniques ?

    Restent encore deux inconnues dans cette équation. Un : les populistes confirmeront-ils vraiment leur bonne santé dans les urnes? La performance décevante du populiste eurosceptique hollandais Thierry Baudet, qui n'obtiendrait que trois sièges avec 11 % des suffrages, d'après des estimations sorties des urnes, interpelle. Deux : que feront les Britanniques? Très haut dans les sondages outre-manche, Nigel Farage va peut-être tenter de conserver son groupe EFDD qui aurait logiquement dû disparaître avec le Brexit. « L'avoir avec soi permet de constituer un groupe très large, calcule l'équipe de Marine Le Pen. Mais le caractère éphémère de sa présence rend la chose beaucoup moins intéressante. » Et la tectonique des plaques populistes, elle, encore plus complexe.