La permaculture, un mode de vie

Caroline Gosselin et Steve Breton ont fait de la permaculture un mode de vie. Ils transmettent leurs connaissances durant des cours de design en permaculture, dont la prochaine cohorte sera accueillie chez eux, à Sutton.

La permaculture s’impose de plus en plus comme une solution accessible et durable à ceux qui veulent faire leur part pour l’environnement. Les Suttonnais Caroline Gosselin et Steve Breton en ont fait leur mode de vie et transmettent leurs connaissances depuis des années. Cet été, c’est chez eux qu’un groupe de 35 personnes, dont un Français et un New Yorkais, apprendra tout sur la permaculture.


Curieuse annonce sur les réseaux sociaux ce printemps. Mme Gosselin demandait l’aide de ses concitoyens de Sutton pour une corvée sur son propre terrain. Et des gens ont répondu présents. La différence d’avec les corvées sur les terrains publics, celles qui sont organisées en permaculture, des « permablitz », promettent aux participants de repartir avec de précieuses nouvelles connaissances en échange de l’huile de coude.

Le couple est dans une course contre la montre pour préparer son terrain, soigneusement choisi en 2016, afin d’accueillir le premier groupe de la nouvelle formule du cours de design en permaculture (PDC) de l’organisme Mycélium.

« Les autres PDC qu’on donnait avant, c’était une formule sur quatre week-ends différents pour un total de 12 jours, indique Mme Gosselin. On allait sur différentes fermes assez bien établies. Cette année, on a voulu faire différent et s’implanter sur un seul endroit, le nôtre pour 2019, et faire découvrir aux gens un site en pleine implantation. »

Les connaissances pourront être davantage approfondies puisque tout se déroulera à la même place pendant dix journées intensives. « Ce sera intéressant. Ils verront les étapes de design qui se rapprochent plus de ce qu’ils vont vivre après chez eux que dans une place que ça fait 20 ans que ça fonctionne. »

Fins détails

Mme Gosselin et M. Breton ont choisi avec soin leur nouveau lieu de vie. Plutôt que de regarder l’état de la cuisine, ils ont magasiné pour un terrain où il y aurait assez de place pour un potager, un poulailler, un atelier et où il pourrait y avoir des réserves d’eau pour nourrir les légumes, par exemple.

Installés à flanc de montagne, dans les massifs de Sutton, ils ont trouvé la perle presque rare — le terrain fait face au nord en raison d’une pente, un défaut qui ne compromet pas le projet. Un étang un peu plus haut permet d’irriguer le potager, situé en contrebas. Un plateau permettra aux poules et aux coqs à chair de paître. Et une ancienne écurie fera place à un bâtiment à multiples usages.

L’écurie a été démolie et le bois en bon état a été gardé pour les prochaines constructions, comme la remise et le poulailler, qui partageront le même plancher, et la grange atelier. C’est au rez-de-chaussée de la future grange que se trouvera l’atelier de M. Breton ainsi que celui de Mme Gosselin où elle fera pousser ses semis et transformera ses plantes médicinales. Un loft à l’étage permettra d’enseigner aux groupes. Les bâtiments construits en permaculture doivent avoir plus d’une fonction, souligne la permacultrice.

La construction de la grange fera par ailleurs l’objet d’un « permablitz ». « Elle sera construite en “tenon mortaise”, les murs seront levés à l’ancienne avec des poulies, expose Mme Gosselin. Ça va être assez spectaculaire ! Les gens aiment ça et veulent faire partie de ce permablitz-là parce que c’est très emblématique de l’autosuffisance, de construire sa propre structure. »

Levier important

« C’est énormément d’énergie et de ressources pour tout faire arriver, mais le but est de partager ces connaissances-là. Mon conjoint et moi, on pense que la permaculture est un levier bénéfique pour la population. Dans l’état dans laquelle la planète est, on a besoin de solutions pratiques. La permaculture, ça permet ça. Que ce soit à grande échelle avec quelqu’un qui décide de s’acheter une terre ou un homestead avec six acres à aménager comme nous, ou à petite échelle avec son jardin, c’est le fun d’apprendre des techniques. »

Leur homestead, c’est-à-dire une petite ferme performante, leur permettra de cultiver des légumes en grande quantité, une forêt nourricière contenant des arbres fruitiers et un sol recouvert de plantes bonnes pour l’humain, l’arbre et/ou la nature, en plus d’avoir des œufs et du poulet.

Échanges de surplus

Avec les surplus, ils comptent faire des échanges avec d’autres producteurs qui se concentrent sur autre chose, comme du sirop d’érable. Sans être autosuffisants à 100 %, ils entretiendront des relations avec des gens qui veulent participer à une économie de partage.

« Dans un système capitaliste, on veut accumuler les surplus, mais ça crée de grandes disparités, de grandes tensions, explique Mme Gosselin. Quand tu vas au bout de ce système-là, ça crée des guerres, des famines, ça crée de grandes iniquités dans le monde qui provoquent de grandes tensions. »

De plus en plus de systèmes d’échange local voient le jour, pour offrir des solutions de rechange au capitalisme, par exemple.

« Les gens comprennent un peu l’idée qu’il y a derrière. La permaculture a quelque chose de rafraîchissant, d’inspirant et de rassurant dans une époque comme la nôtre qui est assez incertaine, souligne la permacultrice. Les prochaines générations vont vivre des choses assez difficiles et il faut les outiller. »

Le PDC chez Caroline Gosselin et Steve Breton se tiendra à la fin août. Un total de 35 élèves seront sur place, en plus d’une équipe d’enseignants et de bénévoles qui prépareront les repas. Pour les quelques dernières places disponibles pour le cours, Mme Gosselin invite les intéressés à visiter le site pdcplus.org.

BIEN PLUS QUE DU JARDINAGE

Nombreux sont les jardiniers qui appliquent certains enseignements de la permaculture dans leur potager. Mais la permaculture est loin d’être seulement du jardinage, précise Caroline Gosselin. 

Plusieurs systèmes composent la permaculture. Le premier est l’énergie. Un permaculteur s’intéresse au type d’énergie qu’il utilise et, s’il est polluant, à ses alternatives. « On a le souci du type et de la quantité d’énergie qu’on va consommer, mais aussi celle qu’on va déployer, dans le sens où tu ne vas pas mettre tes fines herbes à l’autre bout du terrain où il faudra te rendre avec l’arrosoir. »

L’eau est un deuxième système à surveiller. Les permaculteurs trouvent des stratégies pour protéger cette ressource précieuse et pour s’assurer qu’elle percole dans le sol et alimente la nappe phréatique. Mme Gosselin pointe certains problèmes rencontrés aux États-Unis où le sol s’effondre puisque la nappe phréatique s’est asséchée.

Les plantes sont le volet le plus connu de la permaculture. Il faut notamment éviter de se battre pour cultiver quelque chose qui ne peut pas pousser dans notre environnement.

Ensuite vient le sol que les permaculteurs veulent rendre autofertile pour éviter tout intrant chimique. Des techniques comme le paillage du sol du potager sont utilisées. 

Les animaux font aussi partie des intérêts des permaculteurs. « Les animaux doivent faire partie de nos systèmes, même si c’est juste d’accueillir la faune chez soi », indique Mme Gosselin. 

Le but est aussi de produire le moins de déchets possible, poursuit-elle. « Des déchets, dans la nature, il n’y en a pas. Un déchet, c’est quelque chose qui n’a pas d’utilité dans l’écosystème. On veut passer de consommateur à producteur. On est tous consommateurs, mais on essaie de renverser la vapeur. Le permaculteur voit sa vie comme un écosystème à créer. Si tu crées des déchets, c’est que tu n’as pas trouvé d’autre utilité. Nos déchets végétaux deviennent du compost qui servent aux légumes », donne-t-elle en exemple.

Vient ensuite l’environnement bâti. Les bâtiments doivent avoir au moins deux utilités et, idéalement, permettre de récupérer des matériaux.

Et enfin, il y a le dernier et non le moindre, l’humain. « On voit l’humain comme étant séparé de la nature et cette façon de voir les choses fait partie du problème. En permaculture, on le voit comme un autre système tout aussi important que les animaux ou les plantes. Quand tu crées des projets, tu te soucies d’avoir des relations durables, d’avoir des conditions équitables, de créer une communauté autour de toi. Les “permablitz” en sont un exemple probant. Chaque fin de semaine, des gens viennent nous donner un coup de pouce. »