Meurtre vieux de 58 ans élucidé? "Un scénario impossible", selon deux aviateurs

Un mercenaire belge serait l'un des auteurs de l'un des crimes politiques les plus mystérieux du 20e siècle. Selon deux anciens généraux aviateurs, c'est impossible.

Meurtre vieux de 58 ans élucidé? «Un scénario impossible», selon deux aviateurs
Dag Hammarskjöld fut le deuxième secrétaire général de l’histoire des Nations-Unies, entre 1953 et 1961. ©Reporters

Deux généraux aviateurs à la retraite, Wilfried De Brouwer et Karel Vervoort, sont séparément arrivés à la même conclusion: il est techniquement impossible qu'un avion d'entraînement léger Fouga Magister de l'aviation katangaise, piloté par un mercenaire belge, Jan Van Risseghem, ait abattu l'avion qui transportait, le secrétaire général de l'ONU, Dag Hammarskjöld, en septembre 1961, dans le nord de la Rhodésie, en pleine sécession du Katanga.

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Cette thèse d'une possible attaque par le seul Fouga opérationnel de l'aviation katangaise (AVIKAT), immatriculé KAT-93, a fait l'objet de nombreux articles, de livres, d'un documentaire d'un réalisateur et journaliste danois, Mads Brügger, et d'un rapport d'experts onusiens.

Le Suédois Dag Hammarskjöld, le deuxième secrétaire général des Nations unies, avait perdu la vie dans la chute de cet avion, un DC-6 de la compagnie suédoise Transair surnommé Albertina, qui s'était écrasé dans la nuit du 17 au 18 septembre 1961, près de l'aéroport de Ndola, en Rhodésie du Nord, l'actuelle Zambie. Les seize occupants avaient tous péri.

M. Hammarskjöld effectuait alors une mission de paix au Congo ex-belge nouvellement indépendant et devait rencontrer le dirigeant du Katanga qui avait fait sécession du Congo et proclamé son indépendance, Moïse Tshombe.

"Nous sommes à 100% convaincus que le DC-6 n'a pas été abattu par un Fouga. Toutes les rumeurs et théories à ce sujet sont des Fake News", affirme le général en retraite Wilfried De Brouwer, dans un article publié dans le dernier numéro du magazine trimestriel d'une association d'ex-aviateurs, les Vieilles Tiges de Belgique.

Pour appuyer sa thèse, cet ancien pilote de chasse puis de transport cite notamment le rayon d'action insuffisant à ses yeux du Fouga - la distance entre l'aérodrome de Kolwezi, où était basé le KAT-93, et Ndola est de 228 milles nautiques, supérieure à l'autonomie démontrée de ce petit biréacteur léger lorsqu'il était en service à la Force aérienne.

"Le Fouga est supposé descendre, intercepter et abattre le DC-6, grimper à nouveau et rentrer à Kolwezi. Un tel vol prendrait environ deux heures. Les pilotes de Fouga avec de l'expérience savent qu'ils doivent être au sol après 1h20, ceci avec une réserve de maximum 150 l (litres). Si cette réserve est utilisée, il serait possible de voler encore 13-14 minutes, avec la jauge à zéro à l'atterrissage. Une mission Kolwezi-Ndola (interception)-Kolwezi peut donc être cataloguée de mission impossible", souligne M. De Brouwer.

Son ex-collègue Karel Vervoort arrive à la même conclusion dans une série de notes adressées au ministre des Affaires étrangères, Didier Reynders, dont l'agence Belga a obtenu une copie. Il s'agit d'un "accident aéronautique normal" - une collision avec le sol en vol contrôlé, CFIT en jargon aéronautique -, souligne-t-il en mentionnant comme cause possible la fatigue de l'équipage suédois.

Selon cet autre ex-général et un ex-pilote de ligne, Marc Hallemans, le Fouga Magister KAT93 "n'aurait pu ni techniquement ni opérationnellement abattre l'Albertina" et le pilote désigné comme "tueur", Jan Van Risseghem, "ne se trouvait ni au Katanga, ni au Congo au moment de l'accident".

M. Vervoort a assuré à l'agence Belga que la publication quasi-simultanée de ses conclusions et de celle de l'ex- général De Bouwer était fortuite.

L'accident du DC-6 Altertina immatriculé SE-BDY a fait l'objet de plusieurs enquêtes menées par les autorités rhodésiennes et par l'ONU, qui arrivent en général à la conclusion qu'il s'agit d'un CFIT.

En 2017 toutefois, un groupe d'experts dirigé par un ex-juge tanzanien, Mohamed Chande Othman, chargé par l'ONU d'une nouvelle enquête, était arrivé à la conclusion que "sur la base de la totalité des informations que nous avons, il semble plausible qu'une attaque extérieure ou une menace ait été la cause du crash".

Dans ses conclusions, M. Chande Othman indiquait ne pas être en mesure de confirmer l'allégation d'un pilote belge, surnommé "Beukels", ayant assuré en 1967 à un diplomate français, Claude de Kemoularia, qu'il avait abattu l'avion du patron de l'Onu ou poussé à son crash.

"Bien que les conclusions de l'accident aboutissent sans équivoque possible à un +controlled flight into terrain+, des théories de complot apparaissent régulièrement", déplore pour sa part le président des Vieilles Tiges, le général en retraite Gerard Van Caelenberge.

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