Et si l’histoire de l’art s’était écrite sans Vincent van Gogh ? Un scénario catastrophe auquel on a échappé, mais de justesse ! En effet, si le peintre flamand a baigné dans le commerce de tableaux auprès de son oncle à La Haye, une déception amoureuse à Londres le convainc de servir la religion en 1873. Il suit les pas de son père et de son grand-père, pasteurs. Afin de « consoler les humbles », Vincent van Gogh retourne en Angleterre en 1876 pour exercer comme évangéliste auprès des mineurs, mais sa demande est rejetée. Un an plus tard, il entreprend des études en théologie à Amsterdam sous le conseil de son père, mais c’est un nouvel échec. Vincent van Gogh s’obstine et va prêcher la bonne parole dans le Borinage de Wasmes en Belgique, décidant de vivre comme les mineurs. Le contact quotidien de la misère et de la mort ont raison de sa persévérance et, en 1880 – soit à l’âge de 27 ans –, Vincent van Gogh choisit définitivement la peinture. Hélas, il n’en a pas fini avec la misère…
On a en tête cette image de Jacques Dutronc incarnant Vincent van Gogh dans le film de Maurice Pialat (1991), qui s’en prend vivement à son frère Théo. Celui-ci, marchand d’art, ne s’acharnerait pas à vendre ses toiles… Et c’est vrai, mais par stratégie ! Comme l’a récemment écrit Wouter Van der Veen, directeur de l’Institut Van Gogh d’Auvers-sur-Oise, le peintre et son frère pressentaient le succès de l’impressionnisme et voulaient capitaliser sur l’œuvre de Vincent avant de vendre. Que le peintre ait bien voulu céder La Vigne rouge pour 400 francs à Anna Boch, elle-même peintre et mécène belge, en février 1890 est donc un rare témoignage de confiance et d’amitié. Si l’on ajoute l’action d’Helene Kröller-Müller, fondatrice de la collection du même nom aux Pays-Bas, qui a acquis 90 toiles et 185 dessins du maître à partir de 1907, on conçoit le rôle des femmes dans sa reconnaissance.
Le 30 décembre 1888, dans les pages du Forum Républicain, on peut lire : « Le nommé Vincent van Gogh […], s’est présenté à la maison de tolérance n° 1, a demandé la nommée Rachel, et lui a remis… son oreille. » Que de spéculations autour de cette fameuse nuit du 23 décembre 1888, dans la maison jaune à Arles où, après une vive dispute entre Paul Gauguin et le Néerlandais, ce dernier perd une oreille… Qui des deux peintres a tranché ? S’agit-il du lobe ou de l’oreille entière ? Enfin, qui est cette mystérieuse Rachel ? Ces zones de flou ont motivé l’Irlandaise Bernadette Murphy à mener l’enquête dans les archives d’Arles, dans les années 2010. Autodidacte, ses résultats n’en ont pas moins mis tous les experts d’accord tant ils sont probants. Un dessin mis au jour de Félix Rey, le médecin qui a sauvé Vincent van Gogh, atteste que c’est bien l’organe entier, vraisemblablement de l’oreille gauche, qui est tombé – ce qui appuie la thèse de l’automutilation. Quant à Rachel, elle n’avait que 18 ans et ne pouvait exercer comme prostituée, comme on l’a longtemps cru : Vincent van Gogh a été ému par cette pauvre enfant qui faisait le ménage dans la maison close.
Ce paysage fantasmagorique peint depuis l’asile de Saint-Rémy-de-Provence en mai 1889 a longtemps été perçu comme l’alliance pure du génie et de la folie… Pourtant, La Nuit étoilée semble découler d’une observation précise du ciel nocturne. Vincent van Gogh se passionnait pour l’astronomie, et les vastes spirales évoquent des descriptions de la voie lactée. Pas étonnant qu’en 2004 la NASA ait songé au tableau en découvrant les photographies de nuages de poussière autour de la géante rouge V838 Monocerotis, prises par le télescope Hubble. Mieux ! La lumière crépitante représentée en tourbillons saccadés a attiré l’attention de deux chercheurs australiens en 2019 : ils y perçoivent une correspondance troublante avec un phénomène de la mécanique des fluides, inconnu à ce degré de précision du temps de Vincent van Gogh : la turbulence telle que calculée par le mathématicien russe Andreï Kolmogorov… en 1940 ! Vincent van Gogh : peintre psychotique ou peintre prophétique ?
On connaît la fin tragique de Vincent van Gogh, le 29 juillet 1890. Antonin Artaud y a vu un suicide forcé par la société bourgeoise en 1947, mais une autre thèse se fait jour. En 2011, deux journalistes américains s’appuient sur une enquête entamée par John Rewald dans les années 1930. Il est troublant qu’un suicidé se pointe l’abdomen selon l’angle choisi par le peintre, d’autant que celui-ci était en train de se reconstruire doucement à Auvers-sur-Oise. Aucune trace du revolver utilisé par l’artiste après sa mort. De plus, des suspects existent : deux adolescents auraient dérobé l’arme du peintre pour des jeux imprudents. De là, un coup serait parti pour atteindre Vincent van Gogh. Quand on lui demande s’il s’est suicidé, il a cette réponse étrange : « Je le crois, n’accusez personne d’autre ». Une façon de couvrir les jeunes garçons dans un dernier acte d’altruisme ? Plausible, cette version est cependant à prendre avec prudence, a fortiori depuis que l’on a remis la main sur l’arme du crime.
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