L’ONU veut connecter le monde entier à Internet d’ici 2030

La moitié de la population mondiale n’a pas accès à Internet, selon António Guterres, le secrétaire général des Nations Unies.
L’ONU veut connecter le monde entier à Internet d’ici 2030

La moitié de la population mondiale n’a pas accès à Internet, selon António Guterres, le secrétaire général des Nations Unies. L’ONU publie un rapport sur le sujet, à la fois inédit et ambitieux dans un contexte peu propice à l’action commune. 

Guerre commerciale entre les États-Unis et la Chine, développement d’un réseau autonome national en Russie, le Soudan coupé d’Internet suite à des manifestations contre le pouvoir en place… C’est dans un contexte peu propice à l’action commune que l’ONU publie ce lundi 10 juin un Rapport sur l’ère de l’interdépendance numérique, afin de lutter contre la fracture numérique. Alors que plus de la moitié de la population mondiale n’a toujours pas accès à Internet, les Nations Unies proposent un plan d’action pour que chaque adulte soit connecté d’ici 2030, grâce à la coopération internationale.

« Le progrès est indissociable de l’utilisation des technologies digitales et des nouvelles formes de coopération », indique le rapport. Un solutionnisme technologique assumé par les deux grands noms qui ont co-présidé l’étude, à savoir Melinda Gates, philanthrope qui copréside la fondation Bill-et-Melinda-Gates avec son mari, ainsi que Jack Ma, fondateur du site commercial chinois Alibaba.com.

Commandé par le Secrétaire Général de l’ONU António Guterres en juillet 2018, le rapport a été mené par le Groupe de haut niveau sur la coopération numérique. Il fait partie du programme de développement durable (impliquant les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD)), censé être appliqué par l’ONU d’ici 2030, qui entend mettre fin à l’extrême pauvreté, développer une « croissance inclusive », réduire la mortalité maternelle, et doubler la productivité des petits agriculteurs.

Donner la parole aux acteurs marginalisés

La principale promesse de l’ONU est d’inclure « les pays en voie de développement et les communautés marginalisées (les femmes, la jeunesse, les peuples indigènes, les populations rurales et les personnes âgées) » dans les discussions sur l’utilisation des nouvelles technologies. « Aujourd’hui, si vous ne donnez pas la possibilité à tout le monde de se connecter à internet, c’est pire que de ne pas avoir accès à l’électricité  », a déclaré Jack Ma lors de la présentation de l’étude. 

Les femmes ont moins accès à Internet, aux services bancaires, aux achats en ligne

L’ONU porte un intérêt particulier aux inégalités qui touchent les femmes. Celles-ci ont en effet moins accès à Internet, aux services bancaires et aux achats en ligne, et ont plus de mal à contrôler leurs dossiers médicaux en ligne, selon le rapport. « Nous attendons du secteur technologique qu’il fasse preuve d’efforts sérieux et durables pour inclure les femmes dans les décisions, lutter contre le harcèlement en ligne et les violences domestiques  », précise l’ONU.

Travailler avec les acteurs publics et privés

Pour mener à bien ces objectifs, l’ONU croit en une coopération internationale entre les États, le secteur privé, les banques, des experts et la société civile. « Personne ne sait comment la technologie va évoluer, mais nous savons que la voie à suivre doit se construire autour de valeurs humaines universelles (inclusion, respect, droits de l’homme, droit international, transparence et durabilité)  », analyse l’ONU. 

Une carte du monde des réseaux sociaux
Une carte du monde des réseaux sociaux

À l’échelle étatique, l’organisation internationale soutient la mise en place de politiques « pour développer un accès à internet plus abordable, en faveur de l’inclusion sociale et économique ; et un accompagnement des travailleurs face aux évolutions de leur métier », indique le rapport. Les Nations Unies encouragent aussi la création de bureaux régionaux afin d’accompagner les gouvernements, la société civile et le secteur privé vers une meilleure coopération et une meilleure compréhension des enjeux digitaux. 

Une coopération avec ou face aux GAFA 

Si les GAFA ne sont pas cités nommément dans le rapport, celui-ci demande aux réseaux sociaux de travailler avec les gouvernements et la société civile pour démocratiser l’accès à Internet et lutter contre les violations des droits de l’homme en ligne. Les auteurs de l’étude ont par ailleurs demandé au Secrétaire général de l’ONU d’analyser comment les accords internationaux sur les droits de l’homme peuvent s’appliquer aux technologies numériques émergentes. Notamment pour développer des normes mondiales sur la cybersécurité, un enjeu délicat puisqu’il nécessite que les États se fassent suffisamment confiance pour partager des données sensibles ou confidentielles. 

Mais avant de « développer des stratégies et de mener des actions » - précise le rapport -, il faut disposer de données précises qui quantifient le problème. C’est pourquoi l’ONU préconise aux institutions comme le FMI, la Banque mondiale ou l’OCDE de déployer de nouvelles méthodes quantitatives. 

La fracture numérique : un enjeu d’avenir

Les solutions mises en avant par le rapport restent assez vagues pour l’instant, puisque il ne s’agit pour la plupart que de recommandations, qui demandent à être entendues et appliquées par les gouvernements et les acteurs privés. Le développement par la communauté internationale d’une « économie digitale inclusive  » sonne comme une idée ambitieuse, alors que les États-Unis et la Chine se disputent en ce moment les marchés des nouvelles technologies et de la 5G… 

Aujourd’hui, 541 communes de France demeurent officiellement situées en zone blanche, c’est à dire sans couverture réseau. Sans compter les 28% des Français âgés de plus de 18 ans qui sont touchés par le phénomène de « l’illectronisme », à savoir un manque de connaissances nécessaires pour utiliser les nouvelles technologies. Pour les populations touchées, cette fracture numérique est un frein à la réalisation de certaines tâches quotidiennes, mais qui deviennent de plus en plus essentielles à mesure que les services publics se digitalisent, comme accéder aux services en ligne de l’État, envoyer des emails ou rechercher un emploi. 

 

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Image à la Une : Melinda Gates, Jack Ma et António Guterres présentent le rapport de l’ONU sur l’ère de l’interdépendance numérique / Pixabay

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