Récit

En Suisse, une grève des femmes pour l'égalité

Ce vendredi, les Suissesses font grève : une journée sans travail, sans tâches domestiques et sans éducation des enfants. Le but : montrer le caractère indispensable du travail visible et invisible des femmes.
par Lucie Lespinasse
publié le 13 juin 2019 à 16h04

Vingt-huit ans jour pour jour après une manifestation historique qui avait rassemblé 500 000 femmes, les Suissesses sont appelées à faire grève vendredi. Une grève «du travail rémunéré, du travail domestique, du "prendre soin", de la consommation et à l'école», afin de montrer que sans les femmes, la société ne fonctionnerait pas et ainsi dénoncer les inégalités salariales, les discriminations et le sexisme. Le manifeste, publié sur les réseaux sociaux et Internet, invite toutes les personnes n'étant pas un homme cisgenre (homme qui se reconnaît dans le genre qui lui a été assigné à la naissance) à ce mouvement national. Les Suisses, non-exclus de la mobilisation, sont, eux, incités à faciliter la participation des femmes à cette journée, en mettant en place des garderies par exemple.

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Ce choix du 14 juin n'est pas anodin. Ce jour-là, en 1981, la Constitution fédérale reconnaît l'égalité hommes femmes. Dix ans plus tard, 500 000 femmes manifestent pour dénoncer la persistance des inégalités, notamment face aux salaires et à la sécurité sociale. Et même si des avancées ont été réalisées depuis, comme l'instauration d'un congé maternité de 14 semaines ou encore le droit à l'avortement, la société suisse reste très patriarcale. D'après l'Office fédéral de la statistique, en 2016, les femmes gagnaient en moyenne 19,6% de moins que les hommes dans le secteur privé et 16,7% de moins dans le secteur public. De plus, leur retour à la vie active après une maternité reste difficile, le congé paternité n'existant pas et les places en crèche étant coûteuses et limitées.

Unies

Ces derniers points font partie des nombreuses revendications des grévistes, qui demandent également une reconnaissance du travail domestique et une tolérance zéro face aux violences sexistes. Les syndicats, initiateurs de cette journée, travaillent depuis des mois à la coordination des actions et ont été rejoints par de nombreux collectifs féministes, nés dans les universités, villes et cantons et rassemblant nouvelles générations et manifestantes de 1991. Leur travail conjoint permet l’organisation d’une journée de mobilisation unique, fait rare en Suisse.

Vendredi s’annonce pacifiste et joyeux, organisé autour d’ateliers, de prises de paroles, de déjeuners ou encore de discussions. A 15h24, heure à partir de laquelle les Suissesses travaillent «gratuitement» (par rapport aux hommes), toutes les femmes sont invitées à quitter leur travail et à rejoindre les différents lieux de départ des défilés, avant de conclure la journée par des soirées festives.

La grève est un symbole fort en Suisse, puisqu’elle n’est légale que sous certaines conditions, non respectées vendredi. Et bien que dans certains cantons (comme celui de Vaud), villes et universités ont autorisé le mouvement, de nombreuses femmes devront travailler. Elles pourront cependant montrer leur solidarité en portant un tee-shirt violet (couleur de la mobilisation) et rejoindre, en fin de journée, les différents cortèges, que les organisatrices espèrent massifs, à l’image de celui de 1991.

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