Middle East Eye rappelle que “plus de 100 manifestants ont été tués dans l’opération, et que des témoins ont raconté avoir vu, pendant l’attaque, des corps jetés dans le Nil. Des cas de viols ont également été rapportés”.

Selon le site, le porte-parole du Conseil militaire de transition – au pouvoir depuis la destitution du président Omar Al-Bachir, en avril – a déclaré : “Nous exprimons à nouveau nos regrets pour ce qui s’est passé. Il y a eu des erreurs dans le plan des responsables militaires, et des fautes graves ont été commises.”

Le porte-parole, Chamseddine Kabbachi, “a également exprimé sa compassion à l’égard des manifestants tués, les qualifiant de ‘martyrs de la révolution’ ”, précise Middle East Eye.

Jeudi toujours, le parquet soudanais a annoncé avoir terminé son instruction sur les malversations financières d’Omar Al-Bachir et l’a inculpé pour corruption, rapporte Al-Jazira. L’ancien président, emprisonné depuis sa destitution et déjà poursuivi pour meurtre, n’est cependant pas près d’être jugé, “car il pourrait désigner chaque membre du Conseil militaire et énumérer ses crimes”, estime un expert interrogé par la chaîne qatarie.

“Si Al-Bachir a été inculpé pour corruption, c’est parce que le Conseil militaire de transition essaie de détourner l’attention de sa propre corruption”, assure Eric Reeves, chercheur spécialisé dans le Soudan à l’université de Cambridge. “Plus ils peuvent charger Al-Bachir et déclarer qu’ils incarnent la relève, plus ils peuvent s’imaginer installer un pouvoir militaire permanent.”

En finir avec la violence

Ces développements surviennent alors que les discussions sur la transition démocratique ont repris, pilotées par l’Union africaine (UA) et l’émissaire américain Donald Booth. Militaires et manifestants ne se parlent plus depuis le 20 mai, mais les diplomates négocient avec chaque partie séparément.

À en croire l’agence de presse soudanaise Suna, les discussions menées par l’UA “avancent bien”. Devant la presse, l’émissaire de l’organisation, Mohamed Al-Hassan Labbat, s’est même déclaré “raisonnablement optimiste”.

La pomme de discorde entre le Conseil militaire et l’Alliance pour la liberté et le changement (ALC), fer de lance de la contestation, reste la répartition du pouvoir dans les futures instances. L’ALC réclame un pouvoir civil dans les plus brefs délais – à l’unisson des États-Unis – tandis que les militaires veulent continuer à piloter la transition.

Selon le Sudan Tribune, “le Conseil militaire est déterminé à ce que la présidence du Conseil souverain (le futur exécutif de la période de transition) revienne aux militaires et non aux civils”, jugeant que “la situation sécuritaire du pays l’exige”.

Dans une colonne d’opinion publiée dans le Washington Post, la journaliste Reem Abbas estime que la priorité est d’en finir avec la violence qui ravage le pays.

“Nous ne pourrons pas commencer à panser les plaies de décennies de conflits si les milices sont encore dans les rues et que nous sommes sous la coupe d’un pouvoir autoritaire, écrit-elle. Le Darfour c’est Khartoum et Khartoum c’est le Darfour, et tout le Soudan doit maintenant s’unir contre la violence qui nous frappe – que ce soit avec nos stylos, nos barricades, nos voix, nos smartphones ou tout autre moyen pacifique à notre disposition.”