En 2040, 60 % de la viande sera synthétique ou végétale

La viande artificielle ou végétale ne suscite pas beaucoup d’intérêt en France. D’ici 20 ans, pourtant, elle s’imposera mondialement, prévoit un rapport issu d’entretiens auprès d’experts et protagonistes de l’industrie agro-alimentaire.

En 2040, 60 % de la viande sera synthétique ou végétale

En France, en 2019, l’idée semble encore lointaine : de la viande in vitro, produite à partir de cellules souches, est certes en train d’être développée par des start-up, en majorité dans la Silicon Valley – et les entreprises de sa florissante « foodtech » dans lesquelles nous étions allés faire un tour – mais le phénomène semble voué à rester minoritaire. Une étude d’un cabinet de conseil américain, AT Kearney, indique le contraire. À l’échelle mondiale, le développement des alternatives à la viande s’annonce à la fois rapide et massif. En 2025, 10 % de la viande mangée dans le monde ne sera plus de la viande traditionnelle, et en 2040, cette part aura grimpé jusqu’à atteindre 60 %, estiment les auteurs. 

Cette viande qui remplira la majorité des assiettes sera à la fois de la viande cultivée (35 %) – celle que les plus sceptiques appellent « fausse viande » et les plus convaincus « viande sans abattage » ou « viande propre » – et de la viande végétale (25 %), assurent-ils. 

Notons que la viande cultivée ne décollera pas tout de suite, selon les prévisions du cabinet, mais l’emportera entre 2025 et 2040 « grâce aux avancées technologiques et aux préférences des consommateurs  ». « Elle gagnera sur le long terme, indiquent les auteurs, en citant des sondages réalisés aux Etats-Unis, en Chine et en Inde. En attendant, la viande végétale jouera un rôle essentiel dans la phase de transition.  »

Source : Rapport d’AT Kearney, « How Will Cultured Meat and Meat Alternatives Disrupt the Agricultural and Food Industry? »

Le prolongement de la dynamique actuelle, celui d’un « passage à des modes de vie flexitariens, végétariens et vegan indéniable  » aussi bien que l’intérêt des investisseurs et des plus grandes entreprises mondiales du secteur comme Tyson Foods – qui vient de lancer ses premiers produits « vegan » – confortent les auteurs dans leurs diagnostics. « Le secteur de l’élevage à grande échelle est considéré par beaucoup comme un mal inutile  », écrivent-ils, sans s’aventurer sur le terrain du débat.

Car celui-ci existe déjà : à peine sortis des laboratoires, les steaks de viande cultivée sont pointés du doigt, notamment à la suite d’une étude parue en février et réalisée par des chercheurs d’Oxford. Celle-ci révélait que l’impact climatique de la viande de synthèse pourrait être encore plus important que celui de l’élevage bovin. Largement discutée, l’étude est pourtant attaquable sur certains points : son scénario de départ imagine des bioréacteurs (nécessaires à la fabrication de la viande cultivée) alimentés au pétrole sans intégrer le souhait des start-up du secteur d’aller vers les techniques les moins polluantes, et par ailleurs, la courbe de la viande de culture telle que calculée à partir de ce scénario du pire « ne dépasserait les courbes de l’élevage tel qu’on le connaît aujourd’hui qu’au bout de quatre siècles d’exploitation ». 

Dans son livre Les véganes vont-ils prendre le pouvoir ? paru en mai aux éditions du Pommier, Thomas Lepeltier se projette également sur la progression de la viande de culture qui pourrait permettre aux omnivores « de se mettre de la chair animale sous la dent sans qu’il ait été nécessaire de tuer des animaux », une étape avant une abolition de l’élevage, de la chasse, de la pêche et de la commercialisation des produits d’origine animale qu’il imagine, en épilogue, pour 2033, rappelant que les projections du cabinet AT Kearney peuvent apparaître, selon le point de vue, aussi radicaux que bien trop timorés.  

 

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Image à la Une : Shutterstock 

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