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Interview

«Pour Amnesty, Nasrin Sotoudeh est une prisonnière d’opinion»

Un an jour pour jour après l'arrestation de l'avocate Nasrin Sotoudeh, Amnesty International dépose aux autorités iraniennes 1,3 million de signatures à la pétition mondiale pour sa libération immédiate.
par Caroline Protat
publié le 14 juin 2019 à 5h55

365. C’est le nombre de jours qui se sont écoulés depuis l’arrestation de l’avocate iranienne Nasrin Sotoudeh. En raison de son combat contre l'obligation de porter le hijab dans son pays, elle est condamnée par la justice de son pays en mars 2019 à la plus lourde peine prononcée à l’égard d’un défenseur des droits humains selon Amnesty International. A l’occasion de ce triste anniversaire, l’ONG se mobilise à travers le monde pour remettre les 1,3 million signatures récoltées et ainsi faire pression sur les autorités iraniennes afin d’obtenir sa libération immédiate. Entretien avec Cécile Coudriou, présidente de l’antenne France d’Amnesty International.

Qui est Nasrin Sotoudeh ?

Nasrin Sotoudeh est une avocate et défenseure des droits humains iranienne reconnue. Elle dédie son combat aux droits des femmes, dont à la lutte contre l’obligation de porter le voile dans les espaces publics en Iran. En tant qu’avocate, elle a notamment représenté trois femmes qui avaient été inquiétées pour s'être affichées dans l'espace public la tête dénudée. Et c’est en partie pour ce motif qu’elle a été arrêtée il y a un an et condamnée à trente-trois ans de prison ainsi qu’à 148 coups de fouets. Pour Amnesty, Nasrin Sotoudeh est une prisonnière d’opinion. Elle n’a fait qu’exprimer son désaccord avec l'obligation de porter le hijab, n’a eu recours à aucune forme de violence et n'a aucunement violé le droit international. Malgré un précédent emprisonnement en 2010, elle est restée très mobilisée, avec la même détermination malgré le risque d’être à nouveau arrêtée. Aujourd’hui elle fait face à une sentence sans précédent et qui n’a pour seul but que d’empêcher toute voix dissidente de s’élever contre le gouvernement iranien.

Quelle est la situation pour les défenseurs des droits humains en Iran ?

La peine à laquelle est confrontée Nasrin Sotoudeh est la plus lourde peine jamais prononcée contre un défenseur des droits humains dans le pays et est ainsi révélatrice du durcissement de la répression des autorités iraniennes face aux défenseurs des droits humains. Les charges sont complètement surréalistes, surtout pour quelqu'un qui n'a commis aucun crime : acte immoral, outrage à l'ordre public, incitation à la corruption et à la débauche, comme si le fait de ne pas porter le voile était assimilé à de la prostitution. Et son cas n'est pas isolé. Le 1er juin 2019, Amirsalar Davoudi, avocat iranien spécialisé dans la défense des droits de l'homme, a été condamné à trente ans de prison et 111 coups de fouets pour avoir dénoncé des violations via sa chaîne de messagerie Telegram. Et rien qu'en 2018 nous avons recensé 7 000 cas d'arrestations pour «délit d'opinions» en Iran, c'est conséquent. Cette intensive répression des autorités iraniennes est un moyen de montrer aux autres défenseurs des droits de l'homme ce qu'ils risquent et d'étouffer ainsi les contestations.

Qu’attend Amnesty International de la mobilisation devant les ambassades iraniennes ?

Nous avons lancé la pétition «Libérez Nasrin Sotoudeh immédiatement» il y a quelques mois et nous l'avons intensifiée ces dernières semaines. Elle a obtenu un nombre impressionnant de signatures, 1,3 million au niveau mondial, et près de 120 000 rien que sur le territoire français. Aujourd'hui pour ce triste anniversaire, Amnesty organise une mobilisation mondiale où nous allons remettre la pétition signée aux autorités iraniennes dans les ambassades. Cette action est réalisée en simultanéité avec trente-trois autres sections de l'ONG aux quatre coins du monde et nous espérons qu'elle générera de forts rassemblements de citoyens et de personnalités. En combinant mobilisations, pétitions et actions coordonnées avec notre travail de plaidoyer auprès des autorités, nous rendons visible l'intérêt de la société civile pour Nasrin Sotoudeh, qui a reçu de nombreux soutiens, dont celui d'Emmanuel Macron lors de son discours du 8 mars. Cette mobilisation est un moyen de mettre un coup de projecteur sur sa situation et de placer l'Iran sous la pression de la communauté internationale.

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