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LinkedIn, nouveau terrain de jeu des espions

Les autorités américaines ont repéré des tentatives d'espionnage, possiblement venues de Pékin, sur LinkedIn. Un faux profil, parfaitement crédible, et même doté d'une photo générée par intelligence artificielle, a réussi à entrer en contact avec des experts en politiques et des personnalités gouvernementales à Washington.

LinkedIn est un terrain de chasse idéal pour les agents des services de renseignement.
LinkedIn est un terrain de chasse idéal pour les agents des services de renseignement. (Jean Claude MOSCHETTI/REA)

Par Leïla Marchand

Publié le 15 juin 2019 à 13:03

Katie Jones a un profil LinkedIn tout à fait passe-partout. Une photo professionnelle souriante, un texte de présentation à propos de son travail dans un groupe de réflexion de premier plan et un CV indiquant qu'elle a collaboré avec le Centre d'études stratégiques et internationales de Washington et été diplômée de l'Université du Michigan. Sauf que Katie Jones n'existe pas.

Un reportage d'Associated Press révèle que ce profil a été créé de toutes pièces, à l'instar de toute une armée de profils fantômes de ce réseau social professionnel. « Cela ressemble beaucoup à une opération gérée par un Etat », a déclaré à AP Jonas Parello-Plesner, directeur de programme du think-tank Alliance of Democracies, basé au Danemark.

Contrairement à Facebook, dédié surtout aux amis et à la famille, LinkedIn permet de construire un réseau de contacts professionnels. Ajouter à son réseau une personne inconnue est donc commun. C'est ainsi que « Katie Jones » a réussi à entrer en contact avec 52 personnes, dont un sous-secrétaire d'Etat adjoint, l'assistant d'un sénateur et Paul Winfree, économiste et ancien assistant du président Donald Trump. « Je suis probablement le pire utilisateur LinkedIn de l'histoire de LinkedIn. J'accepte littéralement toutes les demandes d'amis que je reçois », a confessé Paul Winfree à Associated Press en confirmant avoir accepté l'invitation de Katie Jones le 28 mars.

C'est Keir Giles, du think tank londonien Chatham House, qui a eu la puce à l'oreille en découvrant le profil de Katie Jones. Spécialiste de la Russie, tout comme l'affirmait la fausse jeune femme dans son profil, il n'avait pourtant jamais entendu parler d'elle. Son enquête l'a amené à découvrir que l'Université du Michigan n'avait jamais diplômé une personne du nom de Katie Jones, pas plus que le Centre d'études stratégiques et internationales de Washington n'avait collaboré avec elle.

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Une photo de profil générée par intelligence artificielle

Cette pratique n'est pas nouvelle sur LinkedIn. Les autorités britanniques, françaises et allemandes ont toutes émis des avertissements au cours des dernières années, expliquant comment des milliers de personnes ont déjà été contactées par des espions étrangers via ce réseau social. En octobre 2018, la DGSI a directement mis en garde des fonctionnaires et des chercheurs contre « une opération d'envergure des services chinois en vue de pénétrer les plus hautes sphères de l'administration, des cercles du pouvoir et des grandes entreprises françaises ».

La particularité du cas « Katie Jones » est la photo de profil utilisée. Ce portrait d'une femme aux cheveux cuivrés et aux yeux bleus-verts a été généré par une intelligence artificielle. Un regard expérimenté peut distinguer dans la photo des zones plus floues, de légères incohérences, une lueur autour des cheveux, signe que l'image a été créée par des « réseaux antagonistes génératifs » ou GAN. Il s'agit d'un puissant outil d'intelligence artificielle capable de générer des images de visages ou de paysages troublants de réalisme.

Un ex-officier de la CIA déjà condamné

Plus de 260 millions d'utilisateurs se connectent sur LinkedIn chaque mois dans le monde. Un nouveau terrain de jeu, autant qu'un nouveau sujet d'inquiétude, pour les services de renseignement. « Au lieu d'envoyer un espion dans un parking aux Etats-Unis pour recruter une cible, c'est plus efficace de s'asseoir derrière un ordinateur à Shanghai et d'envoyer des demandes d'amis à 30.000 cibles », résume William Evanina, responsable de l'ONCIX, le centre de contre-espionnage américain.

Les espions se font passer pour des chasseurs de têtes, des consultants ou des responsables de think tank et proposent des collaborations généreusement rémunérées. C'est ainsi que Kevin Mallory, officier de la CIA à la retraite, a été contacté par un agent chinois se faisant passer pour un recruteur. Endetté à hauteur de 230.000 dollars, l'ex-officier lui a transmis des détails d'opérations classées secret-défense en échange de rémunération. La justice l'a condamné en mai dernier à 20 ans de prison pour espionnage au profit de la Chine.

Leïla Marchand

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