«La grande distribution a une pure vision comptable du bio et en oublie la philosophie»

Lucas Lefebvre, cofondateur du site lafourche.fr, craint que la généralisation du bio en grande surface ne conduise à une baisse des exigences du label AB.

 Selon Lucas Lefebvre, « la grande distribution ne cherche qu’à profiter du label AB sans se soucier de la qualité du produit vendu ».
Selon Lucas Lefebvre, « la grande distribution ne cherche qu’à profiter du label AB sans se soucier de la qualité du produit vendu ». DR

    Lucas Lefebvre, cofondateur du magasin en ligne lafourche, reproche à la grande distribution de faire du bio sans se soucier réellement de la planète.

    Faut-il s'inquiéter de voir la grande distribution investir le marché du bio ?

    LUCAS LEFEBVRE. C'est bien que le bio se développe en grande surface car les consommateurs sont de plus en plus demandeurs de ces produits. Le problème est que la grande distribution a une pure vision comptable du bio et en oublie la philosophie. Elle se contente de respecter ce que demande le label bio européen en interdisant l'usage des pesticides chimiques mais en acceptant que des producteurs bio passent leurs champs au chalumeau pour brûler les mauvaises herbes ou fassent pousser des tomates sous serres chauffées en plein hiver, ce qui est une aberration.

    Pourquoi ?

    Parce qu'une tomate française produite sous serre chauffée a un impact carbone sept fois plus important qu'une tomate française de saison. Il y a aujourd'hui une vraie rupture entre les pionniers du bio qui sont porteurs d'une certaine philosophie et la grande distribution qui ne cherche qu'à profiter du label AB sans se soucier de la qualité du produit vendu ou du fait qu'il ait été conçu par des ouvriers clandestins exploités en Espagne. Le problème est d'appliquer au bio les mêmes techniques que celles qui ont cours dans l'agro-industrie.

    Qu'entendez-vous par respect de la « philosophie » du bio ?

    Les premiers labels bio insistaient sur les valeurs éthiques, le respect de l'environnement et de l'humain. Il fallait par exemple se fournir localement et un éleveur devait acheter son foin à moins de 200 km de sa ferme. Le respect de la biodiversité impliquait de ne pas trop désherber, de maintenir des haies sur son exploitation. Mais tout cela aujourd'hui est en train de passer à la trappe. Car l'UE, pour harmoniser les critères du bio à l'échelle européenne, a tiré vers le bas les exigences du label. Et il y a un énorme lobbying de la grande distribution pour baisser ces exigences car ils veulent du bio plus facile à produire. Cela aura forcément un impact à terme sur la quantité de résidus de pesticides acceptés dans le bio ou le nombre maximum de poules autorisées dans un élevage.