Amélie Nothomb : "Sans écrire, la vie n’est juste pas possible"

Amélie Nothomb ©Getty -  Eric Fougere
Amélie Nothomb ©Getty - Eric Fougere
Amélie Nothomb ©Getty - Eric Fougere
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Filant la métaphore de l’enfantement, Amélie Nothomb, avec ingéniosité et facétie, nous parle de ses "enfants" : les romans que ses lecteurs attendent chaque année avec impatience.

Avec

La romancière Amélie Nothomb, a accepté de se prêter au jeu des masterclasses de France Culture, une série d’entretiens dans lesquels les artistes et les auteurs livrent "le comment et le pourquoi" de leur écriture - exactement tout ce que déteste l’écrivain Prétextat Tach, le personnage de son premier roman L’Hygiène de l’assassin. Un personnage que l’on n’imagine pas si éloigné d’Amélie Nothomb, et qui a une théorie : pour qu'un auteur parvienne à être passionnant à propos de son oeuvre, il y a deux possibilités, soit il répète tout ce qu’il a écrit dans son livre, soit il dit des choses intéressantes dont il n’a pas parlé dans son livre, auquel cas celui-ci est raté puisqu’il ne se suffit pas à lui-même… Mais dans cette masterclasse, pas de redites pour Amélie Nothomb, uniquement des réflexions passionnantes sur sa "maladie de l'écriture" !

En savoir plus : Amélie Nothomb
Hors-champs

Fille de diplomate belge, baronne nommée par le roi Philippe depuis 2015, Amélie Nothomb publie en 1992 son premier roman Hygiène de l’assassin, unanimement salué par la critique et le public. Prolifique, elle publie depuis un roman par an, attendu avec un engouement toujours renouvelé par le public. En vingt ans de carrière, Amélie Nothomb a notamment été récompensée par le Grand Prix du Roman de l’Académie française 1999, le Grand Prix Jean Giono pour l’ensemble de son œuvre et le Prix de Flore 2007. À la rentrée littéraire dernière, elle publiait Frappe-toi le cœur, un roman qui traite de la relation mère-fille, et nous en parlait dans cette masterclasse enregistrée le 26 septembre dernier. Son prochain roman sort le 22 août 2018, et s’intitule Les prénoms épicènes.

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Amélie Nothomb l’auteure, est elle-même devenue un personnage, quasiment mythique, comme aime à le rappeler Mathilde Serrell qui mène l’entretien de cette masterclasse, avec son grand et sombre chapeau, ses succès à répétitions, ses rituels, et surtout son incroyable relation avec ses lecteurs, fervents adorateurs de la facétieuse écrivaine qui s’est donné comme "contrainte absurde" de glisser dans chacun de ses livres le mot "pneu" : "on sait qu'un manuscrit est de moi si le mot pneu y figure comme signature intérieure."

Fictions / Théâtre et Cie

Pourquoi a-t-elle choisi ce métier obscène d’écrivain plutôt que celui, respectable, de conducteur de train ?

J’ai choisi ce métier obscène d’écrivain parce que j’y ai été acculée, ce n’était pas du tout mon premier choix. J’avais choisi bien d’autres métiers auparavant tels que celui de martyr – ça a très bien marché mais ça ne nourrit pas sa femme ! – ou celle d’être japonaise, ça a été une véritable catastrophe, tout le monde est au courant. Bref, j’avais épuisé mes maigres possibilités parce que véritablement, mes talents sont rares, et généralement ne rapportent rien. Par exemple, j’ai été professeur de baisemain, mais ça ne rapportait rien. (…) J’ai été acculée à ma dernière hypothèse : écrivain. 

Depuis son adolescence, Amélie Nothomb est amoureuse de l'écriture et ne vit que pour elle : 

J’écris depuis que j’étais 17 ans non pas du tout dans l’intention d’être écrivain mais de façon maladive, parce que comment voulez-vous vivre sans écrire ? C’est tellement difficile de vivre que, sans cette chose dont je n’ai toujours pas compris ce que c’était, sans écrire, la vie n’est juste pas possible.

Dès lors, impossible de passer une journée sans écrire.

Ma pire journée est la celle où je n’ai pas écrit. Heureusement ça ne m’est arrivé qu’une seule fois, c’était en septembre 1997, c’était un dimanche, et j’étais en promo pour Attentat ou Mercure. Je me suis dit, je suis fatiguée, je vais rester au lit avec des croissants et un bon livre (…) j’ai connu l’enfer. 

Depuis, elle a contracté "la maladie infectieuse des mots" dont elle parle avec toujours autant de passion, tant le pouvoir qu'elle lui apporte lui semble insensé. 

J’ai fait cette expérience qui consiste à être sauvé par un mot, parce que, comme n’importe qui j’ai fait cette expérience qui consiste à assassiner par un mot. Les mots ont un pouvoir dévastateur : un mot vous sauve, l'autre vous tue. Le jour où j’ai pris conscience de ça, je me suis dit, il y a quelque chose à creuser là-dedans et il y a une vraie nitroglycérine dans le langage, et si je peux la manipuler avec les précautions qui s’imposent, je peux à mon gré, créer ou tuer – c’est extraordinaire !

Mais elle accorde également beaucoup d'importance à ses lectures dans son processus d'écriture. Dans Le Crime du Comte Neville par exemple, son 24ème roman, Amélie Nothomb naviguait entre Le Crime de Lord Arthur Savile d'Oscar Wilde, et Antigone de Sophocle. 

Quand on est enceinte la nourriture joue un rôle capital sur l’enfant, quand on écrit, tout ce qu’on a assimilé joue aussi un rôle déterminant. Il faut se laisser porter par le son, la structure. La structure du "Crime de Lord Arthur Savile" d’Oscar Wilde est tellement révolutionnaire, parce que c’est une enquête policière qui commence par la révélation de l'identité de l’assassin, et l'on attend les dernières pages pour savoir qui est la victime, c’est génial ! Je voulais écrire un crime de cette nature, parce que c’est comme ça que ça se passe en fait : on se doute toute sa vie qu’on est un assassin mais on se demande toute sa vie, mais qui-est-ce que je vais tuer au juste ? 

Les Bonnes feuilles
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Elle termine cette masterclasse par des conseils aguerris à tous ceux qui veulent se lancer dans l'écriture : 

Si votre véritable but n’est pas d’écrire dans les conditions les plus dures, sans aucune garantie que ce que vous écrivez a la moindre valeur, arrêtez tout de suite. Si votre véritable but est d’être dans une anthologie, arrêtez tout de suite, les probabilités que ça se réalise sont tellement faibles, tandis que les probabilités que vous souffriez le martyre sont tellement fortes ! Si vous acceptez qu’une épreuve si dure puisse être le comble de votre plaisir, alors vous pouvez écrire ! 

Fictions / Samedi noir
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Fictions / Samedi noir
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Et pour les images, retrouvez la vidéo de la masterclasse ci-dessous : 

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