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L'ancienne Premier Ministre britannique Theresa May visite des nouvelles installations de radiothérapie à Londres.
L'ancienne Premier Ministre britannique Theresa May visite des nouvelles installations de radiothérapie à Londres.
©Daniel LEAL-OLIVAS / POOL / AFP

Scanner

Un nouveau test de dépistage du cancer est étudié en Grande-Bretagne. Basé sur une IRM non invasive, elle constitue selon certains scientifiques une piste prometteuse pour remplacer les tests sanguins et les biopsies.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Un nouveau test de dépistage du cancer est étudié en Grande-Bretagne. Basé sur une IRM non invasive, elle constitue selon certains scientifiques une piste prometteuse pour remplacer les tests sanguins et les biopsies. En quoi consiste ce nouveau test ? En quoi diffère-t-il des tests existants ?

Stéphane Gayet : Le cancer de la prostate est le cancer le plus fréquent chez l’homme en France. Le nombre de nouveaux cas annuels est estimé à un peu plus de 71 000, devant le cancer du poumon (un peu plus de 27 000) et le cancer du côlon ou du rectum (un peu plus de 21 000). En France, le cancer prostatique est la troisième cause de mortalité par cancer.

La triade PSA-échographie-biopsies a été la règle de base, mais fait aujourd'hui l'objet d'une remise en cause

La prise en charge diagnostique et thérapeutique du cancer de la prostate reste souvent insatisfaisante ; on doit l'avouer. Cela fait des années que l'on a mis au point le dosage sérique (dans le sang) de l’antigène prostatique spécifique (APS, en anglais PSA) ; on a cru que l'on tenait là un moyen non invasif (non agressif) et fiable de détecter précocement le cancer prostatique par un simple prélèvement sanguin ; en réalité, cette protéine (antigène), si elle est bel et bien spécifique de la prostate, n'est nullement spécifique du cancer. On en a préconisé le dosage systématique après 50 ans, ce qui a conduit à réaliser des biopsies prostatiques chez de très nombreux hommes, biopsies à la fois sources de sérieux effets indésirables, pas toujours pertinentes et à l'origine de traitements anticancéreux parfois non justifiés. Les biopsies de la prostate sont pratiquées à l'aiguille sous anesthésie locale ou parfois générale, et exposent au danger de douleurs parfois importantes, d'infection bactérienne suppurée, d'hématome et de troubles sexuels, voire de complications plus graves mais très rares.
Cette triade PSA-échographie-biopsies a été le dogme pendant des années. Mais cette pratique systématique est contestée depuis presque dix ans, pour les raisons évoquées. Le bilan n'est pas vraiment satisfaisant, on doit le reconnaître.

Les espoirs légitimes concernant l'IRM multiparamétrique pour le diagnostic du cancer prostatique

Aujourd'hui, de grands espoirs reposent sur l'imagerie par résonance magnétique nucléaire (IRM) multiparamétrique, qui est un examen de plus en plus précis et informatif et qui plus est non nocif (ni invasif, ni irradiant comme le scanner).

La résonance magnétique nucléaire (RMN) consiste à soumettre un corps à un champ magnétique plus ou moins puissant, ce qui a pour effet d'amplifier (résonance) l'absorption et l'émission de radiofréquences (ondes non ionisantes et qui n'ont pas la nocivité des rayons X du scanner et de la radiographie) par le noyau des atomes soumis à ce champ magnétique. La RMN a de nombreuses applications : cela a été une invention historique. La RMN est donc appliquée à la médecine et à la santé plus généralement, pour effectuer des examens morphologiques (examens dits d'imagerie) : c'est l'IRM ou imagerie par résonance magnétique nucléaire. La résonance des noyaux atomiques cesse avec l'arrêt du champ magnétique et l'IRM est considérée actuellement comme un examen sans danger, à la différence du scanner et des radiographies.

L'IRM connaît un succès phénoménal depuis des années, lié au fait que l'on augmente sans cesse sa précision et que l'on ne cesse d'en découvrir les possibilités. On effectue des IRM à la fois fonctionnelles (suivi sur une courte période de temps) et multiparamétriques (on fait varier un grand nombre de réglages de l'appareil pour obtenir divers renseignements).
Partant du constat indiscutable de l'insuffisance de la triade PSA-échographie-biopsies, on essaie de mettre au point des alternatives à ce schéma diagnostique assez – mais de moins en moins cependant – consensuel. Il faut le dire, les données scientifiques et les recommandations évoluent beaucoup en matière de cancer prostatique, avec toutes les difficultés que cela représente pour le chirurgien urologue comme pour le patient. Que dire ? que faire ?

Les auteurs de l'étude citée en référence précisent qu'environ trois hommes sur quatre présentant un taux de PSA élevé ne développeront pas de cancer prostatique et que le test PSA peut également passer à côté de plus d'un cancer sur dix. Cette étude qui a recours à l'IRM, tend à montrer que, chez des hommes présentant des taux pourtant élevés de PSA, on pourrait éviter les biopsies à plus du quart d'entre eux.

Ces experts de l'University College of London espèrent qu'à l'avenir l'IRM détectera bien plus tôt les cancers graves, tout en permettant de rassurer la majorité des hommes sur le fait qu'ils n'ont pas de cancer. Le professeur Mark Emberton et ses collègues estiment ainsi que l'IRM prostatique est une bonne technique, car elle reste relativement peu coûteuse, est assez disponible et que sa fiabilité est devenue particulièrement bonne. Beaucoup d'espoirs semblent donc permis avec elle.

Pour quelle raison le cancer de la prostate est-il difficile à dépister ?

Disons-le sans ambages, ni le diagnostic, ni le traitement du cancer de la prostate ne sont actuellement satisfaisants. C'est lié au fait que la prostate est un petit organe (3,5 centimètres, 25 grammes) profond, non accessible au patient qui peut au maximum éprouver selon le cas des douleurs ou une gêne mictionnelle ou sexuelle, manifestations qui peuvent manquer pendant une partie plus ou moins longue de l'évolution du cancer. C'est également lié au fait qu'il existe plusieurs formes bien différentes de cancer prostatique de gravités très diverses. C'est encore lié au fait que son diagnostic est plus difficile que celui de beaucoup d'autres cancers : il est souvent délicat, à tel point que l'on doive multiplier les prélèvements à visée histopathologique (biopsies pratiquées à l'aiguille et dont les mini fragments de tissu prélevés font l'objet d'une analyse à la fois poussée et très technique au microscope, avec non rarement une vraie une gêne à conclure). Et c'est enfin lié au fait que les méthodes thérapeutiques sont difficiles à évaluer dans leur efficacité : les difficultés thérapeutiques ont, il faut le comprendre, un impact sur le caractère délicat du diagnostic. Pour preuve le nombre énorme d'études et de publications sur le sujet et une certaine valse des recommandations des autorités de santé et des sociétés d'experts (dites "savantes"). Et les patients de s'entendre parfois dire : "Vous avez un petit cancer", "Vous avez un début de cancer", "Vous avez une tumeur qui ressemble à un cancer", etc. Que dire exactement au patient, quand la conclusion de l'anatomopathologiste a la forme d'une succession de précautions verbales et de nuances ? Et le patient de questionner à juste titre : "Mais alors, ai-je ou non un cancer ?", car il n'est pas toujours aisé pour lui de comprendre qu'une réponse n'est pas forcément binaire.

Cette piste est-elle réellement aussi prometteuse que les experts semblent l'indiquer ?

Il est impératif que l'on fasse de gros progrès dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique – les deux aspects sont liés – du cancer prostatique. L'examen clinique (interrogatoire, palpation de la prostate à travers la paroi du rectum par la technique dite du toucher rectal ou TR) est insuffisant. L'échographie reste un examen insuffisamment précis et dont le résultat est étroitement lié à la compétence de l'opérateur. Les biopsies en série sont à la fois sources de complications et d'interprétation souvent délicate (dans le doute, les anatomopathologiques préfèrent dire qu'il y a un cancer, car il est rare qu'une personne se plaigne du fait qu'on l'ait traitée pour un cancer qu'elle n'avait pas ; alors qu'il est fréquent qu'un sujet se plaigne du fait que l'on ne l'ait pas traité pour un cancer qu'il avait). On peut dire que l'interprétation des biopsies de la prostate est dans certains cas un vrai casse-tête pour les anatomopathologistes : s'ils ont 15 biopsies et qu'aucune d'entre elles ne permet vraiment de trancher, que répondre à l'urologue ? Que faire : traiter, attendre, refaire des biopsies ?...

A propos du traitement, de plus en plus de publications recommandent dans certains cas de ne rien faire, de se contenter de suivre régulièrement le patient. L'autre extrémité de l'attitude thérapeutique est la prostatectomie totale dont l'objectif est d'éradiquer totalement un cancer petit et agressif, mais intervention qui donne bien des désagréments au quotidien…
Ainsi, la perspective de pouvoir avec rapidité et fiabilité faire le diagnostic de cancer débutant de la prostate, uniquement en pratiquant un examen non invasif qu'est l'IRM multiparamétrique, constitue un formidable espoir pour cette maladie. Cette équipe anglaise n'est bien sûr pas la première à étudier ainsi les possibilités de l'IRM dans le cancer prostatique, mais c'est la première fois que l'on évoque carrément la possibilité d'éviter les biopsies chez un grand nombre de patients. C'est donc en effet particulièrement prometteur ; les hommes qui ont pâti de biopsies compliquées ne diront pas le contraire.

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