Mondial féminin 2019 : Corinne Diacre, la bonne étoile pour les Bleues ?

La sélectionneuse des Bleues, au caractère bien trempé, s’appuie sur son parcours atypique et sa méthode rigoureuse pour amener son équipe à la victoire lors de la Coupe du monde à domicile. Portrait.

 Depuis deux ans, Diacre a imposé sa patte chez les Bleues.
Depuis deux ans, Diacre a imposé sa patte chez les Bleues. LP/Arnaud Journois

    Sera-t-elle encore à jamais la première? Première joueuse à passer le cap des 100 sélections sous le maillot tricolore, première femme à obtenir le diplôme d'entraîneur de football professionnel et à coacher une équipe masculine (Clermont en Ligue 2), Corinne Diacre pourrait devenir encore plus pionnière lors la Coupe du monde à domicile, qui s'ouvre ce vendredi contre la Corée du Sud au Parc des Princes à 21 heures.

    A 44 ans, la sélectionneuse des Bleues a donc été missionnée pour ramener le premier titre de l'histoire à l'équipe de France féminine. Sa méthode pour y arriver se résume en quelques mots, répétés en boucle par ses joueuses : rigueur, discipline, travail. « Elle est rigoureuse avec les autres comme elle l'est avec elle-même », résume Claude Fort, dirigeant emblématique de Soyaux.

    Le club bastion du football féminin amateur, que Diacre a rejoint à 14 ans, lui voue un véritable culte. C'est dans cette ville de 9 000 âmes en Charente, où elle réside toujours, qu'elle a bâti toute sa carrière de joueuse (1988-2007) et d'entraîneure (2007-2013). De cette autre époque, lointaine du professionnalisme, elle a un peu plus développé les valeurs d'humilité et de travail auxquelles elle est attachée depuis son enfance dans le Nord.

    «Toujours dans l'exigence et l'excellence»

    La native de Croix a grandi dans un milieu populaire avec des parents ouvriers dans le textile, aujourd'hui disparus. Elle-même, alors joueuse et ne pouvant pas vivre du football, passe ses étés à l'usine sur les chaînes de montage. Ça vous forge un caractère. Sur le terrain, la libéro montre la même rage de vaincre. « Tout de suite, on a vu que ce ne serait pas une joueuse comme une autre, assure Claude Fort, qui l'a hébergée un temps à l'adolescence. C'est une telle compétitrice. Quand ça tournait mal, avant même que le coach intervienne, elle se chargeait de le dire aux filles. Elle était très respectée. »

    Idem en équipe de France. Surnommée « la force tranquille », l'internationale aux 121 sélections, dont 65 comme capitaine, entre déjà dans l'histoire en 2002 en inscrivant le but de la victoire face à l'Angleterre, qualifiant la France pour son premier Mondial, aux Etats-Unis.

    2002. La joie de Corinne Diacre, qui a inscrit le but de la victoire face à l’Angleterre. Icon Sport/Alain Gadoffre
    2002. La joie de Corinne Diacre, qui a inscrit le but de la victoire face à l’Angleterre. Icon Sport/Alain Gadoffre LP/Arnaud Journois

    Les Etats-Unis justement, où le soccer est professionnel, lui font les yeux doux. Mais elle refuse toutes les propositions pour rester fidèle à Soyaux. Coco pour les intimes ne se voyait pas non plus faire ses armes d'entraîneure ailleurs. Jusqu'à ce que la D 1 féminine limite ses ambitions. « C'était une fille faite pour entraîner au haut niveau, garantit Claude Fort. Elle aime se mettre en danger avec des objectifs toujours plus élevés. Je lui ai dit : mais si tu es championne du monde, tu vas viser quoi après ? »

    À l'été 2014, après le désistement de la Portugaise Helena Costa, l'ancien président clermontois Claude Michy mise sur Corinne Diacre. « Beaucoup disaient que c'était un coup de pub et espéraient que ça ne marche pas. Elle a pris des risques importants et surmonté nombre de difficultés », salue le dirigeant. Clermont tutoie même la Ligue 1 en 2016. « Malgré la défiance d'une partie du groupe au départ, elle a su se faire respecter rapidement. Elle était très attachée aux comportements et à la notion de collectif. Elle pouvait écarter des joueurs cadres et mettre leurs numéros 2 même s'ils étaient moins bons. Elle est toujours dans l'exigence et l'excellence. »

    «Je peux vous dire qu'au quotidien, elle sourit»

    En 2016, après l'échec des Bleues aux JO (quart de finalistes), le patron de la FFF, Noël Le Graët, la veut pour succéder à Philippe Bergeroo. Diacre décline pour finir sa mission à Clermont. « Elle a été d'une fidélité et d'un comportement rares dans le monde du football. Elle a fait grandir le club. Elle a montré qu'elle avait les capacités pour occuper le poste de sélectionneuse », estime Claude Michy, qui la laisse répondre favorablement au nouvel appel des Bleues un an plus tard. « Elle a légitimé sa compétence à Clermont. Elle est là où elle doit être », glisse Bruno Bini, l'ancien sélectionneur qui en a fait son adjointe de 2007 à 2013.

    Depuis deux ans, Diacre a imposé sa patte chez les Bleues, bousculé les habitudes et multiplié les choix forts, comme enlever le brassard à Wendie Renard ou écarter Marie-Antoinette Katoto considérée comme la nouvelle pépite. Elle n'hésite pas à piquer ses joueuses, en privé et publiquement. Elle renvoie une image de coach froide et autoritaire, les joueuses disent le contraire. « Elle apporte sa rigueur, mais aussi sa joie de vivre, rectifie Gaëtane Thiney. On dit qu'elle ne sourit pas, mais je peux vous dire qu'au quotidien, elle sourit. Elle met peut-être une bulle protectrice autour d'elle. »

    Pudique et discrète sur sa vie privée, Diacre fuit les projecteurs. L'ancienne chroniqueuse de Téléfoot goûte peu l'exercice médiatique. Sûrement les relents de ses débuts à Clermont, où elle s'agaçait que son statut de femme coachant des hommes soit au centre des débats. Peu importent les formes, elle reste focalisée sur sa mission : décrocher l'étoile le 7 juillet. Et être à jamais la première…