Une petite fille chinoise qui tient des jumelles dans les mains

En Chine, les internautes pourraient dénoncer les « mauvais » citoyens contre des bons de réduction

© kool99 via Getty image

Le système de surveillance technologique chinois a favorisé la mise en place du « commerce social », une nouvelle forme de business qui mêle influenceurs, groupement de consommateurs et contrôle impitoyable.

Depuis sa mise en place en 2014, le crédit social alimente les fantasmes et dystopies à la Black Mirror. Il faut dire que la vidéo surveillance constante, la reconnaissance faciale et les systèmes de notation qui peuvent faire de vous des sous-citoyens ont de quoi faire flipper. Pourtant, la population qui teste ces nouvelles mesures – à savoir, les gens qui habitent dans la région du Guangdong – semble accepter sans broncher ce Big Brother 3.0.

Pour David Baverez, business angel habitant à Hong Kong et auteur du livre Paris-Pékin Express : la nouvelle Chine racontée au futur président, les Chinois tireraient beaucoup plus d'avantages que d’inconvénients de ce système. « Il ne faut pas se faire d’illusions, raconte-t-il de manière un brin cynique. Les Chinois n’ont jamais connu de régime démocratique et ne connaissent pas les libertés individuelles. En revanche, le crédit social est très avantageux pour eux, car il leur apporte confiance et pouvoir d’achat. »

Les influenceurs au secours de la confiance

Pour arriver à ce constat, il faut se rappeler que les Chinois n’ont absolument pas confiance en leur État ou dans les grandes entreprises – qui leur mentent. Le pays est régulièrement secoué de gigantesques scandales alimentaires comme ce fut le cas en 2008 avec l’affaire du lait frelaté qui a empoisonné plus de 50 000 bébés. Autrement dit, le dialogue entre la population et les marques est quasiment inexistant. C’est à ce moment-là qu’interviennent les influenceurs chinois, surnommés « KOL » pour Key Opinion Leader. Comme en Occident, ces stars officient sur les réseaux sociaux et notamment sur WeChat, la plateforme centralisée chinoise – comparable à un mélange de Gmail, Facebook et Instagram. Regroupés dans des « fermes à KOL » , de gigantesques bureaux en open space, ils passent leur journée à interagir avec des millions de fans et s’occupent de la promotion des marques. Pour couronner le tout, WeChat propose des fonctionnalités permettant d'acheter directement un produit mis en avant par les KOL. La jeunesse dorée chinoise n'a donc plus besoin de passer par le site web de la marque ou le site de e-commerce pour consommer.

Quand la société numérique se transforme en système Groupon

C’est sur ces bases que vient se poser le système de surveillance et de crédit social chinois. En utilisant un gigantesque croisement de données récoltées par le géant Tencent, les individus sont regroupés par groupe d’intérêt de 200 ou 300 personnes. Ces groupes fonctionnent comme le système de Groupon. S’ils commandent en masse le même objet, ils obtiennent des réductions de 20 à 30 % sur le prix. « C’est une sorte de marché gagnant-gagnant pour eux, explique le business angel de Hong Kong. Les marques peuvent vendre de nombreux produits d’un coup. Les internautes chinois y gagnent en confiance, car les produits qu’ils achètent sont recommandés par des influenceurs qui jouent leur crédibilité. Quant au gouvernement chinois, il y gagne en exerçant une surveillance et un contrôle constants sur la population. »

« Pour virer votre ami virtuel, tapez 1 »

Pour bien comprendre comment vient s’inscrire le principe du crédit social dans ce contexte, David Baverez extrapole sur un exemple fictif. « Imaginons que j'aille en boîte et que je sorte ivre mort le soir. Les caméras m’identifient et le lendemain tous mes amis virtuels qui sont dans le même groupe que moi reçoivent le même message. Soit ils me virent du groupe et gagnent trois points sur leur score social, ce qui augmente par ricochet les réductions sur leurs produits favoris. Soit ils me gardent, et perdent trois points de crédit social. Avec ce système vous mettez la société chinoise au pas, car tout le monde veut garder ses avantages. »

À terme ce système de crédit social doit servir un objectif simple : gagner la guerre économique contre les États-Unis et faire de la Chine la première économie mondiale pour 2049, année du centenaire de la prise de pouvoir de Mao. Et tant pis si les libertés sont oubliées quelque part dans l’algorithme.

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David-Julien Rahmil

David-Julien Rahmil

Squatteur de la rubrique Médias Mutants et Monde Créatif, j'explore les tréfonds du web et vous explique comment Internet nous rend toujours plus zinzin. Promis, demain, j'arrête Twitter.
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commentaires

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  1. Avatar ALKAN dit :

    vive la chine que tout le monde fait la chiasse partout dans le monde mdr petite sujétion juste pour le petit fun des petits chinois opus mdr note locale

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