Alors que l’on croyait le monstre touché mortellement au flanc, la secte islamique Boko Haram dont les incursions dans le bassin du lac Tchad ont provoqué la mort de plus de [27 000] personnes et contraint à l’exil plus de [1,8] million d’autres, reprend du poil de la bête.

En effet, c’est une véritable orgie sanglante que les fous d’Allah ont organisée, le 16 juin, dans le nord-est du Nigeria. Le bilan provisoire fait état d’une trentaine de morts et d’une quarantaine de blessés [l’attentat n’a pas été revendiqué, mais porte la marque de Boko Haram selon les spécialistes]. Et ce n’est pas tout. Une semaine avant, le 9 juin, le groupe terroriste avait fait autant de morts dans le bassin du lac Tchad, plus précisément en territoire camerounais.

Dissensions entre armées de la région

La question que l’on peut se poser est de savoir pourquoi les armées nigériane, camerounaise, nigérienne et tchadienne en lutte contre cette hydre, n’arrivent pas à lui porter l’estocade. Comme facteur explicatif conjoncturel, l’on peut avancer le déclin de l’État islamique en Irak et en Syrie dont les conséquences redoutées sont, entre autres, l’afflux de combattants dans certaines régions au sud du Sahara. Il n’est pas exclu que Boko Haram qui a été durement éprouvé, ces derniers temps, par la force multinationale mixte [composée de soldats de cinq pays de la région], ait pu bénéficier de renforts à même de lui donner un nouveau souffle [une hypothèse qui n’a pas été vérifiée pour l’instant].

À cela, il faut sans doute ajouter les dissensions internes entre armées agissant sur le même théâtre d’opérations, que les spadassins d’Abubakar Shekau [chef historique de Boko Haram], ne ratent pas l’occasion d’exploiter.

Arrière-pensées politiques ?

Au-delà de ces causes conjoncturelles liées à l’environnement international, la résilience de la secte islamiste obéit à des motifs beaucoup plus structurels. Il faut ainsi ajouter la fracture socio-économique entre le nord du pays, et le sud [plus développé]. Il en résulte une évidente complicité entre populations et djihadistes, que l’armée nigériane, minée par la corruption, ne parvient pas à détricoter.

L’autre interrogation majeure sur cette guerre est de savoir si les pouvoirs politiques dans les États riverains du lac Tchad, ne tirent pas profit eux-mêmes de l’enlisement du conflit. La question peut paraître incongrue, mais pas si saugrenue, quand on sait que le président tchadien, Idriss Déby, a usé de cet argument pour se poser comme l’homme indispensable pour la sécurité de la région et même de celle des Occidentaux.

Il est aussi à peu près certain que le pouvoir nigérian masque son incapacité à relancer l’économie du pays, durement frappée par la crise, derrière cette guerre qui n’en finit pas. On comprend alors aisément pourquoi l’armée nigériane peine à arracher le trophée de la victoire sur un terrain qui, en plus, est le sien.

Au final, force est aujourd’hui d’admettre, au regard de la situation sur le terrain, qu’il n’y a pas de solution militaire à ce conflit, et qu’il est maintenant temps que la bête montre des signes d’essoufflement malgré les ruades encore mortelles dont elle se montre capable. Car une chose est d’arracher les jeunes des griffes de la guerre et de l’obscurantisme, une autre est de réussir leur intégration dans la vie socio-économique de la nation nigériane.