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Ecoutes : quand Nicolas Sarkozy appelait le patron de la DCRI

Exclusif. Sollicité par l’ex-chef de l’Etat sur une enquête le visant, le patron du renseignement a été entendu par les juges.

Par  et

Publié le 03 avril 2014 à 11h15, modifié le 15 mai 2014 à 12h00

Temps de Lecture 4 min.

Coup de théâtre dans l'affaire des écoutes judiciaires de l'ancien président de la République Nicolas Sarkozy. Selon les informations du Monde, les juges d'instruction Serge Tournaire et René Grouman ont interrogé en qualité de témoin, vendredi 28 mars, le patron du contre-espionnage français, Patrick Calvar. Ce haut fonctionnaire leur a confirmé que M. Sarkozy lui avait téléphoné, à deux reprises, en juin 2013 et janvier 2014, pour se renseigner sur l'enquête liée à l'éventuel financement libyen de sa campagne présidentielle, en 2007.

Patrick Calvar a été nommé en mai 2012 à la tête de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) où il a remplacé Bernard Squarcini, jugé trop sarkozyste. Il a été questionné par les magistrats sur le contenu de plusieurs conversations téléphoniques troublantes tenues avec Nicolas Sarkozy ainsi qu'avec Michel Gaudin, directeur du cabinet de l'ex-chef de l'Etat depuis sa défaite, en 2012. Il apparaît donc que M. Sarkozy lui-même a tenté de vérifier directement auprès de M. Calvar si la DCRI enquêtait sur les soupçons de financements occultes de sa propre campagne présidentielle victorieuse, en 2007, par le régime de Mouammar Kadhafi.

Au cours de l'une des conversations captées par les enquêteurs, l'ancien président s'est notamment montré préoccupé par une éventuelle audition, par le contre-espionnage, de Moftah Missouri, qui fut longtemps l'interprète personnel du « Guide » de la révolution libyenne. Le témoignage de cet homme est susceptible d'embarrasser M. Sarkozy.

PATRICK CALVAR N'AURAIT RIEN RÉVÉLÉ

Patrick Calvar, dirigeant de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI)à Paris, en juin 2013.
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Interrogé au cours de l'émission « Complément d'enquête », diffusée sur France 2 le 20 juin 2013, M. Missouri avait déclaré : « Kadhafi m'a dit à moi verbalement que la Libye avait versé une vingtaine de millions de dollars. Normalement chez nous, à la présidence, quand on donne de l'argent à quelqu'un, il n'y a pas un transfert bancaire, il n'y a pas de chèque, c'est de l'argent liquide dans des mallettes. » L'interprète avait également validé une note, dont l'authenticité est contestée : publiée par Mediapart le 28 avril 2012, elle évoquait cette fois un financement occulte de 50 millions de dollars.

Apparemment embarrassé par les appels de MM. Sarkozy et Gaudin, dont il a confirmé l'existence devant les juges Tournaire et Grouman, M. Calvar n'a, semble-t-il, pas révélé d'informations aux deux hommes. Prié par les magistrats de préciser si la DCRI avait bien mené des investigations sur « l'affaire libyenne », Patrick Calvar leur a opposé le « secret défense ». Sollicité par Le Monde, M. Calvar n'a pas souhaité s'exprimer.

Les juges Tournaire paraissent de plus en plus convaincus que M. Sarkozy et ses proches disposent d'informateurs bien placés au sein de l'appareil d'Etat. Une conversation captée entre M. Gaudin et M. Sarkozy, après qu'ils aient cherché en vain à se renseigner auprès de M. Calvar, conforte ce soupçon : le premier y rassure le second, en évoquant d'autres sources potentielles d'informations…

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Libye-Sarkozy : l’histoire d’une note controversée

Michel Gaudin – qui n'a pas donné suite à nos sollicitations, pas plus que M. Sarkozy –, a conservé d'importants relais au sein de la police. Nommé directeur général de la police nationale en 2002 par M. Sarkozy, alors ministre de l'intérieur, il a été nommé en 2007 préfet de police de Paris, poste qu'il avait dû quitter en mai 2012.

Les magistrats ne traquent pas les sources de M. Sarkozy que dans l'institution policière : ils avaient déjà, dans le cadre de leur enquête, communiqué au parquet financier le contenu d'écoutes impliquant le haut magistrat Gilbert Azibert et l'avocat de M. Sarkozy, Me Thierry Herzog, déclenchant l'ouverture d'une information judiciaire pour « trafic d'influence » et « violation du secret de l'instruction ».

« NOUS NOUS CONNAISSONS, NOUS NOUS VOYONS »

Les juges Patricia Simon et Claire Thépaut, saisies de cette instruction, tentent de crédibiliser un soupçon : M. Sarkozy aurait tenté, par l'intermédiaire de M. Azibert, premier avocat général à la Cour de cassation, d'influer sur le cours de l'affaire Bettencourt entre janvier et février, alors que le dossier était examiné par la juridiction suprême. Plusieurs conseillers de la Cour de cassation ont déjà défilé dans le cabinet des juges. M. Azibert a regagné son domicile bordelais, après avoir été hospitalisé, notamment pour des problèmes psychologiques.

Au tribunal de grande instance de Bordeaux, l'affaire fait grand bruit. Nombre de magistrats s'interrogent sur l'existence d'un éventuel réseau d'informateurs proches de l'ancien président au sein même de la juridiction, où l'affaire Bettencourt a été instruite de novembre 2010 à octobre 2013.

Les liens de proximité entre l'actuel procureur général, André Ride, et Gilbert Azibert, qui occupa le même poste de 2005 à 2008, sont soulignés. « Nous nous connaissons, nous nous voyons, mais M. Azibert n'a jamais cherché à me parler du fond de l'affaire Bettencourt. Et nos réquisitions ont toujours validé l'instruction menée par les juges », se défend M. Ride, questionné par Le Monde. En mai 2013, c'est pourtant ce même André Ride qui avait contraint le parquet de Bordeaux à requérir un non-lieu en faveur d'Eric Woerth, dans le volet « trafic d'influence » de l'affaire Bettencourt, contre l'avis de la substitut chargée de régler le dossier. Cette initiative avait choqué de nombreux magistrats bordelais.

Lire le décryptage des Décodeurs Six affaires qui menacent Nicolas Sarkozy
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