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France

Singa.io, le réseau social qui met en relation réfugiés et locaux

L’association Singa vient de lancer singa.io, un réseau social pour permettre les rencontres entre réfugiés et locaux. Témoignage.

Charlotte Guibert et Karwan Bazyan se sont rencontrés grâce à l'association Singa.
Charlotte Guibert et Karwan Bazyan se sont rencontrés grâce à l'association Singa. RFI / François-Damien Bourgery
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Parfois, une amitié naît d’un tableur Excel. C’est plutôt rare, tout de même. Ces documents informatiques servent habituellement à dresser des bilans comptables, moins à mettre en relation deux personnes qui n’avaient, a priori, aucune raison de se rencontrer. Pour Charlotte et Karwan, c’est pourtant ce qu’il s’est passé. Attablés à la terrasse d'un café parisien, les deux amis racontent leur histoire entre deux gorgées de citronnade. Elle remonte au début de l'été 2017.

Karwan, 35 ans, est réfugié en France et sans logement. Il a fui son Kurdistan irakien à cause des menaces de politiciens dont il dénonçait la corruption. Il contacte l'association Singa qui, par le biais de son programme Calm (Comme à la maison), permet à des « nouveaux arrivants » de loger chez l’habitant. Au passage, on lui propose de lui trouver un « buddy », un Français ou une Française avec qui il partagerait les mêmes passions. Karwan n'est pas vraiment venu pour ça, mais après tout, pourquoi pas. Dans un ordinateur, on saisit ses prénom, âge, centres d'intérêt et profession. Il n'y a plus qu'à attendre le profil correspondant.

« Dans ma famille, on a toujours accueilli »

Chez Singa, on croit dur comme fer au capital social comme facteur d'intégration. Or les différents rapports produits ces dernières années sur le sujet montrent que les réfugiés sont beaucoup plus touchés par l'isolement que les autres. Éloignés de leur famille et de leurs compatriotes, ils ne seraient que 12% à disposer de liens avec des citoyens français, indique une étude du Haut Commissariat aux réfugiés en 2012. « La société est conçue comme une maison. Avec des portes qu’on décide d’ouvrir ou de fermer, un frigidaire qu’il faut partager et des fenêtres qui sont les médias. Mais on a oublié de créer les espaces de rencontre », constate Guillaume Capelle, cofondateur de Singa. Face à cette situation, l'association se voit comme architecte sociale : elle bâtit des ponts, fondés sur des compétences professionnelles et des passions communes, pour faire se rencontrer nouveaux arrivants et locaux, nouer des amitiés et lancer des projets entrepreneuriaux.

Au début de l'été 2017, Charlotte, quant à elle, participe à une réunion d'information sur ce programme « Buddy ». Elle a toujours été sensible à la question des nouveaux arrivants. « Dans ma famille, on a toujours accueilli », raconte-t-elle. Mais à Paris, cette journaliste culture ne fréquente que des personnes issues du même milieu. Elle veut sortir de cet entre-soi, s’ouvrir à de nouvelles rencontres. C’est là qu’elle découvre Singa. Une révélation. « J’ai trouvé ce programme hyper optimiste, bienveillant, pas misérabiliste. Je ne voulais pas de relation verticale, avec un aidant et un aidé. Là, ça allait dans les deux sens ! » On lui recommande de ne pas poser de questions trop personnelles lors du premier rendez-vous, de recevoir chaque confidence comme un cadeau. On lui conseille aussi d’opter pour un lieu neutre et de s’asseoir côte à côte plutôt que face-à-face, afin de ne pas réveiller le souvenir souvent douloureux des entretiens administratifs.

« J'imaginais une dame de 45 ans »

Et puis rien. Les mois passent et toujours pas de « buddy ». Charlotte relance Singa. Les têtes chercheuses de l’association se mettent en chasse et, dans une case d’un document Excel, finissent par dénicher Karwan. Comme elle, il est journaliste. Ça pourrait coller. On lui envoie un texto pour la prévenir. « Moi, c’est une dame qui m’a appelé pour me proposer de rencontrer Charlotte, en me disant simplement qu’elle était journaliste et qu’elle parlait arabe, se rappelle Karwan dans un français presque parfait. J’imaginais une dame de 45 ans. Parce que chez moi, je connaissais une Charlotte, une chrétienne qui avait cet âge-là. » Surprise : elle a en réalité neuf ans de moins que lui.

La première rencontre a lieu dans les locaux de l’association. Le prétexte du journalisme passe rapidement au second plan. Ils parlent cuisine, vont au théâtre, au restaurant. Grâce à Charlotte, sa première amie française, Karwan apprend les subtilités de la culture de son pays d’accueil et de ses mentalités. L'année suivante, elle l'invite à passer Noël dans sa famille. « Je voyais les décorations dans les rues, l’ambiance, mais je ne savais pas ce qu’il se passait à l’intérieur des maisons. » En échange, il lui parle du Kurdistan irakien et lui offre un regard neuf sur la France et tout ce que l'on ignore quand on y a grandi. « J'ai réalisé à quel point le capital social permet de s’épanouir, de s’intégrer, de trouver un travail », explique-t-elle. Deux ans après leur rencontre, Karwan a intégré une formation professionnalisante dans une grande banque française. Charlotte, elle, a abandonné le journalisme pour rejoindre Singa.

Près de 900 inscrits en deux semaines

Chez Singa, l'époque des fichiers Excel pour former les binômes de « buddies » est en passe d'être révolue. A Lille, Lyon et Paris – trois des vingt villes où l'association est présente –, c'est désormais un algorithme qui s'en charge. Après deux ans de travail, elle vient de lancer son réseau social, singa.io. L'inscription se fait en trois temps : une préinscription, suivie d'une réunion d'information, à l'issue de laquelle on peut enfin compléter son profil. Cette réunion préliminaire dans les locaux de l'association est essentielle, insiste Guillaume Capelle. « On y présente des exemples de parcours de nouveaux arrivants. Cela permet de déconstruire les a priori. » Le site permet également d'accéder aux événements culturels et sportifs organisés par Singa dans sa ville. Deux semaines après son lancement officiel, singa.io compte près de 900 inscrits, dont environ 40 % de nouveaux arrivants. Ses créateurs visent les 50 000 membres d’ici la fin de l’année.

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