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Jaha Dukureh, l'infatigable militante qui veut "éradiquer les mutilations génitales féminines d'ici à 2030"

Jaha Dukureh
Jaha Dukureh a été nommée ambassadrice régionale d'ONU Femmes pour l'Afrique en février 2018. (Beverly Hills, le 5 décembre 2016.) Getty Images

Considérée comme «l’Africaine la plus influente du monde» en 2016, la Gambienne a lancé un appel lors d'un colloque organisé du 16 au 18 juin à Dakar, au Sénégal. Son souhait : éradiquer les mutilations génitales féminines et les mariages d'enfants d'ici à 2030. Le combat d'une vie.

Elle refuse de se taire face à l'horreur. Jaha Dukureh compte parmi les militantes contre les mutilations génitales les plus actives du monde. Elle-même en a été victime. Ambassadrice régionale d'ONU Femmes pour l'Afrique depuis février 2018, la Gambienne vient en aide aux femmes et aux filles africaines ayant subi des excisions. Via son ONG Safe Hands for Girls, elle s'efforce de traiter les séquelles physiques et psychologiques que laissent ces mutilations. Et cherche à y mettre fin, pour de bon.

"Nous pensons qu'il est possible d'éradiquer les mutilations génitales féminines et les mariages d'enfant d'ici à 2030", a précisé Jaha Dukureh, lors du premier sommet africain consacré aux mutilations génitales féminines et au mariage précoce, qui a eu lieu à Dakar, au Sénégal, du 16 au 18 juin. L'activiste poursuit : "Ce sera possible si nous parvenons à sensibiliser suffisamment les populations sans laisser personne en dehors. Il est très important que cette campagne soit menée par des jeunes et que les leaders religieux jouent un rôle central pour leur élimination." Visiblement, le message a été entendu. Comme le rapporte La Croix , l'un des dirigeants de l'université Al-Azhar du Caire (Égypte), la plus grande institution internationale islamique d'enseignement, a prononcé une fatwa contre les mariages précoces, qui fixe à 18 ans "l'âge minimum de maturité pour les filles et garçons".

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Mariée de force

En 1991, alors qu'elle n'a qu'une semaine (le flou persiste autour de sa date de naissance, NDLR), Jaha Dukureh est excisée. "Je n'ai aucun souvenir de la procédure, et je n'en avais pas conscience jusqu'à l'âge de 15 ans, quand on m'a forcée à me marier", raconte-t-elle à ONU Femmes. Adolescente, la Gambienne quitte en effet son pays. Direction New York, où elle épouse de force un homme "beaucoup plus âgé" qu'elle ne connaît pas, note La Tribune . "Je pense qu'un mariage précoce est ce qu'il y a de plus difficile à endurer pour une fille dans sa vie. Quand on force une fille à se marier, on donne à un homme le droit de la violer au quotidien", témoigne Jaha Dukurek. Mais aux États-Unis, la jeune fille de l'époque prend conscience de ses droits. Le début de son combat.

Souffrant lors de ses rapports sexuels, elle se fait opérer pour défaire l'infibulation. Le mariage dure deux mois. Une fois divorcée, elle emménage avec des membres de sa famille et veut s'instruire. À 17 ans, elle intègre un lycée new-yorkais, non sans difficultés, et obtient en 2013 un Bachelor's Degree en administration des affaires de la Georgia Southwestern State University. C'est la même année qu'elle crée l'organisation non gouvernementale (ONG) Safe Hands for Girls. L'objectif ? Lutter aux États-Unis et dans les pays d'Afrique contre les violences génitales qui concernent plus de 200 millions de femmes dans le monde, selon l'Unicef.

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Un appel adressé à Barack Obama

"Ce n'est que lorsque j'étais enceinte de ma fille que j'ai commencé à dénoncer la pratique des mutilations génitales féminines, confie Jaha Dukureh. Je voulais que ma fille n'ait jamais à subir la même chose que moi. Je savais également qu'il y avait des millions d'autres filles, comme moi et ma fille, sans personne pour les défendre. Si ce n'était pas moi, alors qui le ferait ?" Depuis Atlanta, où elle s'est installée avec son deuxième mari - un homme qu'elle a cette fois choisi -, elle lance une pétition sur Change.org.

La militante appelle le président des États-Unis (Barack Obama à l'époque), le ministère de la Santé et les services sociaux à réaliser un rapport sur les mutilations génitales. Tout en encourageant parents et professeurs à faire plus de pédagogie autour de ces questions. En moins de deux ans, celle-ci parvient à réunir 220.000 signatures, indique Le Monde .

Les mutilations persistent

Sa détermination finit par payer. En 2015, le mouvement citoyen initié par Jaha Dukureh conduit le président gambien Yahya Jammeh à annoncer l'interdiction de l'excision dans le pays. "Je suis fière d'avoir fait avancer les choses à la base et au sommet : les victimes peuvent s'exprimer et les hommes politiques réagissent", se réjouissait la Gambienne, alors tout juste naturalisée américaine, dans les colonnes du Monde.

Reste que les mutilations génitales féministes persistent encore dans le monde. Y compris en France où 60.000 femmes en seraient victimes. Jaha Dukureh le rappelle : "La pratique des mutilations génitales féminines existe en Afrique, mais aussi au Moyen-Orient, en Asie du Sud-Est, et même dans des pays comme la Colombie, les États-Unis et le Royaume-Uni ! Ces mutilations n'ont rien à voir avec la religion. Il ne s'agit pas non plus d'une question de classe sociale ou du niveau d'éducation. J'ai vu certaines des personnes les plus éduquées pratiquer des mutilations génitales féminines parce qu'elles pensent que cela fait partie de leur culture."

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