LGBTQ - Le 17 mai, à l’occasion de la journée mondiale de lutte contre l’homophobie, trois associations ont envoyé une lettre ouverte à 55 députés pour alerter sur les conditions de vie des femmes transgenres incarcérées.
Mise à l’isolement sans avoir été consultée, marginalisée et fréquemment rabaissée par le personnel de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, où elle a passé neuf mois entre 2015 et 2016, Ravani a raconté au HuffPost le traitement réservé aux personnes trans dans cette prison, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête d’article.
À Fleury-Mérogis, les détenues sont orientées vers la maison d’arrêt des hommes ou des femmes après une observation de leurs parties génitales pendant la fouille qui précède l’incarcération, sans prendre en compte leur identité de genre.
En théorie, la loi française préconise que les personnes transgenres soient incarcérées en fonction du sexe qui est inscrit sur leurs papiers d’identités. Et certains médecins peuvent conseiller d’incarcérer des détenues “d’allures très féminines” dans des prisons pour femmes mais, dans les faits, chaque établissement décide de leur affectation comme il le souhaite.
Lorsque Ravani a été incarcérée en 2015, ses papiers affichaient encore son identité de naissance. Et quatre ans plus tard, son état civil est toujours le même. Car changer d’état civil pour une personne transgenre relève plus du parcours du combattant que de la simple démarche administrative. Et c’est la raison pour laquelle les associations qui défendent le droit des personnes trans demandent que l’incarcération se fasse sur simple déclaration du genre et non en fonction de l’identité affichée sur les documents officiels.
La question de l’opération
Si l’article R.57-6-24 du code de procédure pénale précise que le détenu ne peut choisir seul sa cellule, il précise également que ce choix doit être fait en prenant en considération tous les facteurs qu’il juge nécessaire. La personnalité de la personne mais aussi sa langue et son autonomie, son état de santé, doivent être pris en compte. Il est par ailleurs fréquent de placer en isolement les personnes perçues comme fragiles. Et pour les personnes transgenres admises en détention à Fleury-Mérogis, l’isolement a été systématique.
“C’est au moment de la fouille qu’ils voient. Si on a été opérée, ils nous envoient en isolement dans la prison des femmes. Si on n’a pas été opérée, ils nous envoient en isolement dans la prison des hommes”, a expliqué Ravani.
Cette première mise à l’écart est prévue pour protéger des détenues transgenres. Mais elle devient par la suite un élément qui les fragilise et augmente leur précarité. Car la plupart des femmes transgenres incarcérées, sont issues d’Amérique latine. Elles ont fui leur pays pour échapper à des lois transphobes et aux violences qu’elles y subissaient à cause de leur identité.
Certaines, comme Ravani, sont arrivées en France par des réseaux de proxénétisme. Elles ont payé pour quitter leur pays et, une fois arrivées sur le territoire français, elles se retrouvent dans une grande précarité qui les rend parfois dépendantes de systèmes d’entraide. Or donner de l’argent à une travailleuse du sexe peut-être considéré comme du proxénétisme, sur simple dénonciation. C’est de cette manière que Ravani s’est retrouvé incarcérée.
“Elles viennent du Brésil et du Pérou, a expliqué auprès du HuffPost Jude Joubert, déléguée régional île-de-France au Genepi. Elles ont très peu de ressources et peu de gens à l’extérieur pour les aider. Parfois, elles comprennent à peine la langue et toutes les demandes doivent passer par l’écrit, en Français. Les mettre à l’isolement, c’est les empêcher de bénéficier de la solidarité des autres détenus. C’est un double emprisonnement auquel s’ajoute souvent une transphobie, bien assumée.”
Pour Aceptess-T, Act-Up Paris et le Genepi, il y a urgence. Car ces conditions de détention fragilisent davantage des personnes déjà en situation de grande précarité, poussant parfois ces prisonnières à des actes extrêmes: l’une d’entre-elles s’est auto-mutilé pour qu’on reconnaisse sa transidentité. D’autres se suicident.
Aujourd’hui médiatrice en santé sexuelle au sein de l’association Acceptess- T, l’ancienne détenue souffre encore des conséquences de son incarcération trois ans après sa sortie.
À voir également sur Le HuffPost :