À 100 ans, cette super mamie continue de s'occuper des démunis

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  • Estelle Moulin s'occupe de personnes démunies./ DDM M. A.
    Estelle Moulin s'occupe de personnes démunies./ DDM M. A.
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Manon Adoue

l'essentiel Estelle est encore bénévole pour l'association des Petits frères des pauvres. Elle répond au téléphone à des personnes démunies et isolées. Et elle aussi se sent moins seule.

Elle habite une résidence sans ascenseur à Balma, près de Toulouse. «Il y a 16 marches, je les connais, pas besoin d'ascenseur», explique-t-elle en nous recevant, pomponnée avant d'aller au restaurant. Elle a mis une montre en plaqué or au poignet gauche. De l'autre côté, elle a gardé son bracelet d'alarme. L'escalier ne lui fait pas peur. En réalité, il n'y a plus grand-chose qui fasse peur à Estelle qui a fêté ses cent ans le 27 mai dernier. Mais il y a toujours un petit quelque chose qui la rend mal à l'aise : «Quand je suis arrivée à l'association des Petits frères des pauvres à Toulouse, le directeur m'a dit : ‘Ici, on se tutoie et toi, tu vas rester avec nous'. Mais je ne suis pas à l'aise pour tutoyer les gens». C'était en 1987. Dalida venait de mourir et dans le ciel toulousain, l'Airbus A320 réalisait son premier vol. Estelle s'est installée à Toulouse pour se rapprocher de son fils et de ses petits-enfants.

Sa vie avant Toulouse ? Difficile de reconstituer les morceaux. La centenaire explique qu'elle travaillait à la préfecture de la Seine, aujourd'hui la préfecture de Paris. Qu'un jour, son patron lui a dit : «Les Allemands arrivent, je ne reste pas là». Le patron est parti. Estelle s'est retrouvée nez à nez avec un soldat allemand «dans un uniforme très chic». Il a pris des cartes d'alimentation et il est parti.

Estelle a quitté Paris à cause des rafles, et a trouvé refuge à Marseille avant d'être affectée à Alger dans l'administration française. À Paris, la vieille dame était donatrice pour l'association des Petits frères des pauvres.

Seule à la maison

Quand elle est arrivée à Toulouse, elle a continué à s'engager. Mais cette fois, sur le terrain. Elle ne se souvient d'abord plus très bien comment elle s'est retrouvée dans le bureau de l'association. Puis : «Mon mari était décédé, je ne voulais pas rester toute seule chez moi». Alors, Estelle se met à arpenter les rues «main dans la main avec Nicolas Timistchenko (aujourd'hui responsable de la communication à l'association, NDLR) pour proposer de l'aide aux plus démunis». Estelle a accompagné beaucoup de bénéficiaires avant de ne plus pouvoir se déplacer aussi facilement : «Prendre le bus, attendre, reprendre à pied depuis la gare jusqu'au local de l'association rue Riquet…» C'était trop fatigant. À la place, elle appelle toutes les semaines Jeanne, Gérard et Jean-Philippe pour les sortir un peu de leur solitude : «Avec Jeanne, on se raconte les potins. Avec Gérard, des petites misères de sa vie». Avec Jean-Philippe, c'est plus compliqué. Elle ouvre son carnet de notes où elle retranscrit les conversations.

À la date du 23 mars 2014, elle a écrit : «Il ne parle pas beaucoup, c'est normal, il a toujours vécu seul. Il faut vraiment lui arracher les mots, ça ira mieux la prochaine fois». Estelle parle peu. Elle écoute. Quand les bénévoles de l'association viennent la chercher pour fêter son anniversaire au restaurant, la centenaire nous demande gentiment de débarrasser le plancher «parce que maintenant, ça suffit, on a assez parlé». On connaît le chemin : les seize marches jusqu'au rez-de-chaussée, faciles sans ascenseur.

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Les commentaires (2)
P31500 Il y a 4 années Le 24/06/2019 à 12:21

Félicitations, Madame : vous êtes un exemple à suivre.

yousef Il y a 4 années Le 24/06/2019 à 09:31

Bravo Madame, vous êtes une très grande Dame .