Les anticholinergiques sont des médicaments prescrits contre l'hyperactivité de la vessie, la dépression, la maladie de Parkinson ou encore l'épilepsie. D’après une étude britannique, les personnes de plus de 55 ans qui en prennent le plus augmenteraient leur risque de démence de près de 50 %. 


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    En France, environ 900.000 personnes souffrent de la maladie d’Alzheimer et 200.000 nouveaux cas de démences sont diagnostiqués chaque année. Si l'âge, l'hérédité, mais aussi l'hypertensionhypertension, le diabète, peuvent jouer un rôle dans les démences de type AlzheimerAlzheimer, on peut se demander si certains médicaments favorisent la maladie.

    Les anticholinergiques sont des moléculesmolécules qui s'opposent à l'action de l'acétylcholine, un neurotransmetteur du système nerveux. Ces médicaments sont prescrits dans différentes affections : pour des problèmes pulmonaires, des allergies, des problèmes liés à la vessievessie, des troubles gastrogastro-intestinaux, la maladie de Parkinsonmaladie de Parkinson... Or les anticholinergiques ont des effets secondaires à court terme, provoquant des pertes de mémoire et des confusions. Ont-ils aussi des effets à long terme sur le cerveaucerveau ?

    Pour le savoir, des chercheurs de l'université de Nottingham ont analysé les données de plus de 58.000 personnes souffrant de démence, et de 225.000 témoins. Les participants, tous âgés de plus de 55 ans, avaient en moyenne 82 ans.

    Dans la période d'un à onze ans précédant le diagnosticdiagnostic de démence, 57 % des patients ont pris des anticholinergiques, contre 51 % des témoins. En moyenne, les personnes qui ont eu un diagnostic de démence ont reçu six prescriptions pour ces médicaments, contre quatre pour les témoins. Les médicaments les plus prescrits étaient des antidépresseursantidépresseurs, des médicaments contre les vertiges et des antimuscariniques contre les problèmes d'hyperactivité de la vessie.

    Au niveau des synapses, l’acétylcholine libérée par le neurone présynaptique se fixe sur son récepteur, présent sur le neurone post-synaptique. Il existe deux types de récepteurs de l’acétylcholine : nicotiniques ou muscariniques. © shurik, Fotolia
    Au niveau des synapses, l’acétylcholine libérée par le neurone présynaptique se fixe sur son récepteur, présent sur le neurone post-synaptique. Il existe deux types de récepteurs de l’acétylcholine : nicotiniques ou muscariniques. © shurik, Fotolia

    Les anticholinergiques augmentent le risque de démence

    Les résultats de l'étude parue dans la revue JAMA Internal Medicine montrent dans l'ensemble un risque de démence lié aux médicaments anticholinergiques : pour ceux qui en avaient consommé le plus, le risque de démence augmentait de 49 % par rapport à ceux qui n'en avaient jamais pris.

    Plus précisément, les médicaments concernés par ce risque étaient des antidépresseurs, des antipsychotiquesantipsychotiques, des médicaments contre la maladie de Parkinson, l'épilepsieépilepsie ou les troubles de la vessie. En revanche, il ne semblait pas y avoir de risque lié à la prise d'antihistaminiquesantihistaminiques ou de médicaments contre les troubles gastro-intestinaux.

    L'association entre anticholinergiques et démence était plus forte lorsque la maladie était diagnostiquée avant 80 ans. Si le lien de cause à effet était démontré, cela signifierait qu'environ 10 % des démences diagnostiquées au Royaume-Uni seraient dues aux anticholinergiques ! L'étude suggère que ces médicaments doivent être prescrits avec précaution chez les personnes d'âge moyen et les personnes âgées.

    Dans un communiqué de l’université, Tom Dening, qui a participé à ces travaux, a expliqué que, en dépit de ces risques, « il est important que les patients prenant de tels médicaments ne les arrêtent pas brusquement, car cela pourrait être beaucoup plus nocif. Si les patients ont des inquiétudes, ils devraient en discuter avec leur médecin pour examiner les avantages et les inconvénients du traitement qu'ils reçoivent. »


    Des médicaments qui provoquent un début d'Alzheimer

    Article de l'Inserm paru le 16 février 2006

    Des médicaments potentiellement anti-cholinergiquescholinergiques peuvent entraîner des détériorations modérées de certaines capacités cognitives (ou intellectuelles) chez la personne âgée, affectant en particulier le temps de réaction, la mémoire immédiate ou différée, ou le langage. C'est la conclusion à laquelle est parvenue Karen Ritchie et son équipe (Equipe de recherche Inserm 361 « PathologiesPathologies du système nerveux : recherche épidémiologique et clinique », Montpellier).

    Le détail de ces résultats est publié en ligne par le British medical journal.

    Les médicaments anti-cholinergiques sont notamment prescrits de manière courante chez les personnes âgées pour traiter les maladies telles que l'incontinence urinaire, la maladie de Parkinson ou certains troubles psychiatriques. Ces composés, dont certains peuvent aussi être délivrés sans ordonnance, sont des inhibiteurs potentiels de la transmission, dans le cerveau, de messages chimiques ou neurotransmetteurs, comme l'acétylcholineacétylcholine, impliquée notamment dans la mémoire ou l'apprentissage.

    Marie-Laure Ancelin et Sylvaine Artero dans l'équipe de Karen Ritchie ont suivi 372 personnes âgées de plus de 60 ans ne présentant pas de démence. Ces personnes ont été questionnées sur leurs problèmes de santé actuels, passés et leur consommation de médicaments. Leur performance intellectuelle a été également testée.

    Environ 10% des personnes interrogées dans cet échantillon, prenaient des médicaments anti-cholinergiques depuis au moins un an. Les consommateurs de médicaments montraient des capacités cognitives moins bonnes, comparées aux personnes non-consommatrices. Quatre-vingts pour-cent présentaient des altérations des capacités intellectuelles modérées (contre 35% dans le groupe des nonconsommateurs).

    La prise d'anticholinergiques s'est révélée être un facteur significatif majeur de prédiction de détérioration cognitive. En effet, en tenant compte d'autres facteurs de risquefacteurs de risque connus d'altération des capacités cognitives (âge, sexe, niveau d'étude, hypertension), le risque de détérioration des capacités cognitives demeure 5 fois plus élevé chez les personnes consommatrices. En revanche, les analyses n'ont pas permis de mettre en évidence, avec un recul de 8 ans, de différence significative dans le risque de développer une démence entre utilisateurs et non-utilisateurs d'anticholinergiques.

    Compte tenu de ces résultats, les chercheurs estiment qu'il est important que les médecins prescripteurs de ces molécules soient avertis de leurs effets secondaires possibles.

    De plus, les auteurs pointent la situation absurde à laquelle pourrait mener une mauvaise prise en compte de ces résultats. En effet, l'identification d'altérations des capacités cognitives laisse souvent suspecter une démence naissante, et incite donc le médecin à la prescription d'un traitement de cette démence. Dans ce cas, les personnes atteintes d'une altération modérée des capacités, due aux anticholinergiques, se verraient administrer des médicaments pro-cholinergiques, pour contrecarrer... les effets des anti-cholinergiques.

    En conclusion, les chercheurs suggèrent aux médecins de déterminer précisément le statut de la personne âgée qui présente une altération modérée des capacités intellectuelles (utilisateur ou non d'anticholinergiques), avant de considérer le traitement pour la démence.