Radicalisation : les zones d'ombre inquiétantes du service public

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Radicalisation : les zones d'ombre inquiétantes du service public

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A la RATP, les auteurs pointent du doigt des comportements communautaristes dans certains dépôts, et le recrutement sans enquête préalable de certains salariés
A la RATP, les auteurs pointent du doigt des comportements communautaristes dans certains dépôts, et le recrutement sans enquête préalable de certains salariés
© Radio France - Julien Pasqualini

Dans un rapport, deux députés dressent un état des lieux de la radicalisation dans les services publics. Si les forces de sécurité, la justice ou l'éducation nationale appliquent une prévention efficace, en revanche dans les prisons, les transports et certaines fédérations sportives, le constat est alarmiste.

Un surveillant pénitentiaire priant avec un détenu dans sa cellule, des agents de maintenance de la RATP recrutés sans enquête administrative préalable, des salariés d'Aéroports de Paris (ADP) suivis pour radicalisation, mais dont on autorise l'accès aux zones réservés... Autant d'exemples égrenés au fil de ce rapport, résultat d'une longue enquête : plus de 50 auditions menées par deux députés, Éric Diard (LR) et Éric Poulliat (LREM). Des exemples qui illustrent le communautarisme parfois rampant, jusqu'à un vrai risque de radicalisation dans certains de nos services publics.

Prison, des détenus et des gardiens radicalisés

Si la radicalisation des détenus dans les prisons n'est pas un secret, celle de certains gardiens est plus taboue. Et pourtant, lors de son audition, Stéphane Bredin, directeur de l'administration pénitentiaire, a reconnu que les surveillants étaient particulièrement exposés. Une situation encore marginale, une trentaine de cas signalés selon le syndicat UFAP-UNSa justice. Radicalisation qui s'est manifestée, par exemple, par le refus de serrer la main d'une collègue. Une organisation syndicale a aussi cité l'exemple d'un gardien surpris en train de faire sa prière avec un détenu, dans la cellule de celui-ci.

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Les organisation syndicales mettent en cause la baisse d'exigence dans le recrutement, et une durée de formation initiale raccourcie, de huit à six mois.

Concernant les détenus, les deux députés pointent du doigt la surpopulation carcérale qui aggrave la situation, le manque d’aumôniers musulmans et leur précarité, ou encore la non prise en compte de la question des femmes détenues radicalisées : aujourd'hui, elles ne font l'objet d'aucune évaluation ou prise en charge spécifique, et aucun "quartier étanche" ne leur est réservé.

la radicalisation ne concerne pas toujours que les détenus, les gardiens aussi sont exposés
la radicalisation ne concerne pas toujours que les détenus, les gardiens aussi sont exposés
© Radio France - Wassilla Guittoune

Transports publics et communautarisme rampant

Dans certains dépôts RATP, de nombreux exemples de communautarisme sont évoqués au fil du rapport : des agents priant sur leur lieu de travail, refusant de serrer la main des femmes, ou encore l'apparition de syndicats communautaristes dans les élections professionnelles. Plus grave, les auteurs du rapport pointent l'absence d'enquête administrative concernant certains métiers de la maintenance. Même chose pour les salariés intérimaires ou ceux employés par des entreprises sous-traitantes.

La direction de la RATP doit aussi faire face à l'obligation de reclassement des employés signalés. Aux décisions de justice aussi, parfois contraires aux avis émis par le ministère de l'Intérieur.

Du côté d'ADP, sont particulièrement surveillés les employés titulaires d'un badge rouge, permettant l'accès aux zones réservées des aéroports. À l'heure actuelle, sur 80.000 salariés concernés à Roissy-Charles-de-Gaulle, 80 font l'objet d'un suivi régulier pour radicalisation, et 29 d'un suivi ponctuel.

Fédérations sportives, un terreau idéal

Parmi les témoins auditionnés, Médéric Chapiteaux, ancien sous-officier de gendarmerie, professeur de sport et doctorant, spécialiste de la radicalisation dans le milieu sportif. Citant des responsables du renseignement, il indique que "12,5% des personnes suivies pour radicalisation islamiste sont connues pour pratiquer une activité physique et sportive", un chiffre en constante évolution. Les auteurs du rapport relèvent aussi une pratique sportive quasi systématique chez les responsables d'attentats terroristes, et que, par le biais de sa propagande, le groupe État islamique invite ses partisans à s’entraîner aux sports de combat dans des clubs.

Les sports de combat, mais aussi la musculation, ou le foot en salle particulièrement touchés par ces dérives qui, selon les conclusions du rapport, peuvent prendre diverse formes : prières collectives dans les vestiaires, obligation du port du caleçon dans la douche, refus des femmes. D'après Médéric Chapiteaux, "une fédération de sports de combat aurait même demandé à son directeur technique national de prendre en compte les fêtes religieuses pour établir le calendrier des compétitions".

Pour lutter contre ce phénomène, les rapporteurs préconisent d'étendre les enquêtes administratives réalisées par le SNEAS (le service national des enquêtes administratives de sécurité) aux éducateurs sportifs. Et de redonner aux préfets la compétence de délivrer un agrément aux associations sportives, même déjà affiliées à une fédération agréée.

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