Les noyés du Rio Grande : une photo met l'Amérique face aux morts de l'immigration

Un père salvadorien et sa fille de deux ans, mort noyés dans le Rio Grande ©AFP - STR
Un père salvadorien et sa fille de deux ans, mort noyés dans le Rio Grande ©AFP - STR
Un père salvadorien et sa fille de deux ans, mort noyés dans le Rio Grande ©AFP - STR
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Une photo montrant un père salvadorien et sa fille, morts noyés dans le Rio Grande choque l'opinion publique américaine et embrase le débat sur la politique migratoire de Donald Trump. Le Voyage de Chihiro, chef-d'oeuvre d'animation japonaise, fait un carton en Chine, 18 ans après le reste du monde.

A la Une des médias américains, ce matin, il y a une photo qui n'en finit pas d'alimenter l'immigration aux Etats-Unis.  

Une photo, publiée mardi par le quotidien mexicain La Jornada pour illustrer une enquête sur les morts du Rio Grande. Difficile de faire plus explicite : l'image montre deux corps, noyés, d'un homme et d'une fillette. Ils sont sur le ventre, tête encore dans l'eau, ramenés par le courant entre les roseaux de la rive.

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L'autrice du cliché, c'est la correspondante de L a Jornada à la frontière mexicaine Julia Le Duc, et elle a pu identifier ces deux victimes de l'immigration clandestine. Le père s'appelle Oscar Alberto Martinez Ramirez, et sa fille, Valeria, n'avait pas encore deux ans. Ils venaient du Salvador, tentaient de traverser le fleuve frontalier avec la mère de Valéria, mais celle-ci raconte qu'elle a vu d'un coup son mari et sa fille disparaître dans le courant du Rio. 

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Ce jour-là, raconte encore le reportage de La Jornada, "quatre autres migrants sont morts, de déshydratation et de chaleur, en tentant de rejoindre les Etats-Unis". Les Martinez-Ramirez, nous raconte à son tour The Guardian, "voulaient leur rêve américain", et pensaient l'avoir à portée de main, juste de l'autre côté de ce rideau de roseaux. Dimanche matin, après un long périple à travers le Mexique, ils étaient arrivés au poste-frontière de Matamoros pour y effectuer les démarches officielle de demande d'asile ; mais le bureau américain était fermé, pour le week-end. Il fallait attendre la semaine, l'un des trois seuls moments où le bureau ouvre depuis que Donald Trump a considérablement durci sa politique d'asile. 

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Alors Oscar Alberto a repéré un endroit où le fleuve lui paraissait traversable ; il a glissé sa fille contre lui, sous son tee-shirt noir, elle a serré ses bras autour du cou de son père. Mais "arrivés tout près de la rive américaine, le courant est devenu trop fort et les a emportés", à ce stade c'est le New York Times qui reprend le récit. Le quotidien, comme toute la presse américaine, note ce détail déchirant : sur la photo des deux corps noyés dans les roseaux,  on voit que le bras droit de la petite Valeria, est toujours enroulé autour du cou de son père.   

Ce qu'en retient aussi The New York Times, c'est la force symbolique de cette image.  

Une force d'évocation et d'indignation, qui rappelle forcément à nos esprits européens la photo d'Aylan, enfant syrien, mort noyé lui aussi en Méditerranée, retrouvé dans la même position sur une place turque en 2015.  "Valeria la Salvadorienne", semble vouée à devenir "la Aylan du Rio Grande", écrit l'espagnol El Mundo.

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Le New York Times, lui, ne fait pas ce parallèle méditerranéen, mais reconnait que la photo prise dimanche à la frontière mexicaine a cette même charge émotionnelle et symbolique : c'est "le portrait du désespoir", un "rappel poignant des périls qu'affrontent les migrants dans leur route plein nord vers les Etats-Unis, ces tragédies intimes, personnelles qui trop souvent sont écrasées par la pesanteur du débat sur l'immgration 'en général'".  

L'occasion aussi de rappeler, avec USA Today, que l'an dernier 283 immigrants sont morts en tentant de franchir la frontière.   USA Today, comme les autres médias américains, prédit que le choc suscité par la photo va rejaillir sur le débat public, très vif en ce moment aux Etats-Unis, sur la politique migratoire de Donald Trump. 

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Rien qu'hier mardi, le patron de l'agence américaine des douanes et de la protection des frontières John Sanders a démissionné, pour avoir couvert les conditions indignes dans lesquelles sont détenues, dans des camps, les enfants de clandestins arrêtés à la frontière mexicaine. Hier aussi, la Chambre des Représentants à majorité démocrate a approuvé un budget exceptionnel de 4 milliards et demi de dollars pour financer d'urgence les opérations d'aide humanitaire sur cette même frontière.  

La Maison Blanche, elle, conclut USA Today, n'a fait aucun commentaire sur tous ces sujets.

Avec des millions de spectateurs chinois on embarque, cette fois, pour le Voyage de Chihiro. 

Le film d'animation du génie japonais Hayao Miyazaki vient de sortir, cette semaine en Chine, dix-huit ans après qu'il a émerveillé le reste du monde en 2001, et à croire la Nikkei Asian Review, ce chef d'oeuvre s'est tout de suite hissé très haut en tête du box-office chinois. En fait, c'est même devenu en quelques jours le plus gros succès cinéma de tous les temps dans l'Empire du milieu, reléguant très loin l'américain Toy Story 4, sorti le même jour, mais qui n'a pas fait la moitié des entrées du Voyage de Chihiro. 

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The South China Morning Post, à Hong-Kong, salue aussi ce succès... avec 18 ans de retard. En 2001, le dessin animé était bien sorti en Chine mais de manière confidentielle, avec très peu de copies distribuées, aucun relai dans les médias, et un fort rejet anti-japonais. Tout ça semblke loin aujourd'hui... déjà en décembre l'autre monument des studios Ghibli, Mon voisin Totoro, avait été diffusé massivement et avait recontré un succès presque comparable. 

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Le South China Morning Post remarque, tout est politique, que cette sortie du Voyage de Chihiro a lieu, à la veille d'un voyage de trois jours du président chinois Xi Jinping au G20 d'Osaka au Japon, un pays où il ne s'était encore jamais rendu depuis son arrivée au pouvoir il y a six ans. 

Pendant ce temps, nous, on en viendrait presqu'à envier les Chinois qui peuvent vivre aujourd'hui l'émerveillement du premier visionnage d'un véritable bijou d'animation et de poésie. On se dit aussi, c'est humain,  que Valeria la petite noyée du Rio Grande n'aura jamais cette chance-là.

Dans le triste monde réel, c'est le père qui meurt en voulant sauver sa fille... quand dans le film de Miyazaki, c'est la petite Chihiro qui sauve ses parents, après avoir traversé un monde d'esprits plus ou moins bienveillants. Et c'est pour ça que l'on aura toujours besoin des films d'animations japonais, que l'on se trouve en Chine, au Salvador, ou n'importe où dans le monde.

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