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Christine Magistretti, qui combat toutes les injustices auprès des femmes

Infirmière et psychologue, militante du planning familial, elle a créé une fondation qui, en Inde, au Népal et au Brésil, promeut l’entrepreneuriat social et autonomise les femmes

Christine Magistretti: «On essaie de sortir ces femmes des bidonvilles en tentant de leur trouver des emplois à l’extérieur.» — © Louis Dasselborne pour Le Temps
Christine Magistretti: «On essaie de sortir ces femmes des bidonvilles en tentant de leur trouver des emplois à l’extérieur.» — © Louis Dasselborne pour Le Temps

«Si vous enseignez à un homme, vous enseignez à une personne. Si vous enseignez à une femme, vous enseignez à toute une famille.» Christine Magistretti a fait sien cet adage indien. Elle est allée souvent là-bas. A même vécu une semaine dans un bidonville, dans une banlieue de Bombay. A subi le fameux choc culturel, non dans cette partie du monde mais au retour chez elle, en Suisse. Tant de richesses, de confort, de privilèges ici. «Je me souviens du bruit incessant, de la saleté, des enfants aux pieds nus mais surtout des sourires partout. De la sécurité aussi, jamais je ne me suis sentie agressée.»

Avec la Fondation internationale pour la population et le développement (IFPD) qu’elle a créée en 1999, Christine Magistretti a ouvert en Inde une vingtaine de centres de santé en association avec des ONG locales, «puisqu’il s’agit avant tout de s’appuyer sur des compétences locales». Cent mille personnes sont aujourd’hui aidées. «Avec 5 dollars, on couvre les soins d’un enfant pendant une année», insiste-t-elle.

Un but: la formation

Combat contre la malnutrition, campagnes de vaccinations, formation de soignant(e)s. Et cette volonté sans cesse marquée de s’appuyer sur les femmes «qui portent l’éducation et le savoir, les transmettent». Un programme est ouvert également au Népal. L’IFPD collabore avec Business and Professional Women Nepal pour réduire la pauvreté et engager des femmes dans des formations professionnelles qui génèrent des revenus.

L’idée? Créer des microentreprises dans l’élevage de chèvres, la culture de millet organique, la floriculture ou encore la couture. «On essaie de sortir ces femmes des bidonvilles en tentant de leur trouver des emplois à l’extérieur, en leur permettant d’avoir leur propre compte en banque, en leur offrant des cours d’alphabétisation et de maths, en leur apprenant par exemple à se servir de la calculette sur leur téléphone portable», résume-t-elle. Leur ouvrir des perspectives d’avenir et les empêcher de tomber dans les griffes des réseaux de prostitution.

Une enfance très heureuse

Native de Zurich, Christine Magistretti dit qu’elle a eu une enfance très heureuse. Voilà sans doute pourquoi elle donne tant aujourd’hui. Elle a vécu dès l’âge de 3 ans à Genève avant de retrouver les rives de la Limmat à 12 ans. «Mes parents nous obligeaient, mon frère et moi, à parler le suisse-allemand à Genève et le français à Zurich», se souvient-elle. Père chimiste, mère dont le nom, Suzanne Naville, est connu des pédopsychiatres et autres thérapeutes puisqu’elle fut en Suisse une pionnière de la psychomotricité.

Christine Magistretti a en quelque sorte suivi la voie tracée en décrochant un diplôme d’infirmière à l’école genevoise du Bon Secours puis, en 1982, un bachelor en psychologie à l’Université de San Diego. Pourquoi si loin? Pour suivre Pierre Magistretti, son mari, un ponte des neurosciences, qui effectuait des recherches en Californie. «Nous ne nous sommes pas rencontrés à l’hôpital, mais lors d’une soirée», tient-elle à préciser.

Des désarrois profonds

De retour à Genève, elle s’investit dans le planning familial au titre de conseillère. Elle a vu à San Diego ces jeunes femmes mexicaines en situation irrégulière, certaines enceintes, plongées dans un profond désarroi. A Genève, elle se confronte à des populations africaines «déconnectées», des ados déjà futures mères, lasses, soumises mais en colère, des garçons culturellement contraints, aux requêtes pour le moins troublantes. Elle raconte: «Un jour, un homme m’a demandé de lui trouver une femme, une cousine disait-il, parce que son épouse venait d’accoucher et que dans sa culture on ne touche pas à une allaitante. Il lui fallait en quelque sorte une remplaçante.»

Voir ensuite plus loin, proposer une aide plus large. L’IFPD sera son outil. Les donateurs sont nombreux. Elle vient ainsi de bénéficier d’un chèque de 40 000 francs dans le cadre de la Nuit des neiges, célèbre soirée caritative de Crans-Montana. Un projet emplit de fierté l’IFPD: l’ouverture d’une école hôtelière à Bodhgaya, dans l’Etat du Bihar, région très pauvre de l'Inde. Une chaîne d’hôtels commence à y recruter des élèves. Une vraie réussite. Christine Magistretti a vécu là-bas un moment de grâce: «Le lieu est sacré parce que Bouddha y a eu une révélation sous des arbres. Nous n’avons pas le droit de toucher ces arbres mais j’ai reçu une feuille sur la tête, un arbre m’a donc touchée.»

Pour les migrants aussi

L’an passé, l’IFPD s’est associée avec un partenaire brésilien pour favoriser l’entrepreneuriat social dans une favela à Rio de Janeiro. Un programme en Suisse baptisé Alter-Start a également été lancé dans le canton de Vaud. Il accompagne des migrant(e)s dans la création de leur propre microentreprise en partenariat avec la Chambre de commerce et d’industrie. Des sessions de coaching sont offertes.

Dans ce contexte, la personne que Christine Magistretti admire, c’est Eleanor Roosevelt, «femme en avance sur son temps, emplie de sagesse, qui a dit que le futur appartenait à ceux et celles croyant en la beauté de leurs rêves».

Profil

1956 Naissance à Zurich.

1982 Bachelor en psychologie de l’University of California San Diego.

1984-1990 Naissances d’Ambroise, Bérénice et Henri, ses enfants.

1999 Création de l’International Foundation for Population and Development (IFPD).