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Joshua Wong : "Nous devons continuer la lutte à Hong Kong"

Le leader étudiant hongkongais, Joshua Wong, libéré de prison le 17 juin 2019 à Hong Kong. (Source : SCMP)
Le leader étudiant hongkongais, Joshua Wong, libéré de prison le 17 juin 2019 à Hong Kong. (Source : SCMP)
Quel espoir pour les démocrates à Hong Kong ? Sorti de prison le 17 juin dernier, Joshua Wong, l’une des figures de proue du « Mouvement des parapluies » en 2014, est reparti au combat. Après des manifestations massives les 9 et 16 juin, le projet de loi sur les extraditions, notamment vers la Chine continentale et sa justice sous l’emprise du Parti communiste, a été suspendu jusqu’à nouvel ordre. Pour Joshua Wong, le gouvernement de Pékin reviendra à la charge « jusqu’à ce qu’il contrôle Hong Kong ». Asialyst publie en français une tribune du jeune activiste, signée avec le militant démocrate Johnson Yeung.
Disons-le en termes clairs : le peuple de Hong Kong n’a pas vaincu la Chine sur la loi d’extradition voulue par le gouvernement – nous avons gagné un petit espace pour reprendre notre souffle. C’est aussi valable pour les tenants de la ligne dure dans l’administration [hongkongaise] et pour le gouvernement chinois.
Vendredi dernier, des milliers de manifestants se sont groupés pour faire un sit-in en face du quartier général de la police à Hong Kong. Ils ont crié des slogans demandant le retrait complet de la loi d’extradition, l’abandon des poursuites pour « émeute » contre des opposants pacifiques et la justice pour les victimes des brutalités policières.
Les manifestants sont peut-être jeunes, mais ils sont suffisamment matures pour savoir que les concessions accordées par le gouvernement [hongkongais] peuvent être annulées en un clin d’œil. Le gouvernement de Pékin vole sous les radars pour éviter de perdre davantage de soutien populaire, mais son plan pour affaiblir l’autonomie et la liberté à Hong Kong continue. Nous sommes persuadés qu’un contrôle social plus strict sera imposé sur notre société libérale par la main de fer de Xi Jinping. Nous le savons parce que nous connaissons l’histoire récente de Hong Kong.
La première contestation majeure contre l’intervention de Pékin dans la région a eu lieu en 2003. Elle a réuni un demi-million de personnes furieusement opposées à la tentative chinoise d’utiliser une loi sur la sécurité nationale pour étouffer la liberté d’expression et le droit à la dissidence. Sous pression continue, le gouvernement hongkongais a retiré l’article de loi incriminé deux mois plus tard. Cette protestation a mené à la démission du chef de l’exécutif, et aux meilleurs scores jamais atteints par les démocrates lors du scrutin suivant. La victoire du camp démocrate a été sans appel.
*Instance de représentation politique de Pékin à Hong Kong.
Pourtant, Pékin a continué à manigancer en secret une politique nouvelle, plus intrusive, à l’égard de Hong Kong. Des conseillers juridiques à la solde de Pékin ont été déployés pour faire des recherches sur les élections hongkongaises et sur son système bureaucratique et constitutionnel. En 2008, Cao Erbao, directeur du département de la recherche au Bureau de liaison*, a mis en place une équipe continentale faisant autorité pour mener cette mission à bien.
Une relation nouvelle entre Hong Kong et le Continent s’est depuis mise en place. Pékin a un contrôle absolu sur les affaires de Hong Kong, affaiblissant les fondations même de sa liberté, réduisant en morceaux la neutralité politique supposée de sa bureaucratie, son indépendance judiciaire et le contrôle législatif de son administration.
Pékin a pénétré la bureaucratie hongkongaise avec efficacité : davantage d’alliés du régime chinois ont été nommés à des postes clés, et les fonctionnaires sont encouragés à participer à des « séjours d’échanges » organisés par des agences du gouvernement chinois. En 2017, pour la première fois depuis la rétrocession, un officiel de haut rang appartenant au Comité central du Parti communiste chinois est venu à Hong Kong pour faire une conférence sur « La nouvelle ère du socialisme chinois sous Xi Jinping » devant 240 cadres de l’administration.
Cela a planté le décors pour d’autres abus de pouvoir. Des responsables électoraux ont disqualifié et empêché des candidats de participer aux élections. Des législateurs démocrates ont été renvoyés de leur poste. L’an dernier, Victor Mallet, journaliste au Financial Times, a appris que son visa ne serait plus renouvelé, sans raison valide, sorte d’expulsion de facto en réprésailles de l’invitation d’un dissident politique à une discussion au Foreign Correspondents Club.
Aujourd’hui, la jeunesse prend la rue et met sa vie en danger parce que ses droits fondamentaux sont en danger. Pékin augmente toujours plus son contrôle social sur Hong Kong, malgré les protestations de la population. Nous avons peut-être empêché la Chine d’extrader des citoyens pour le moment, mais le grand projet, celui d’éroder et de s’immiscer dans notre État de droit et dans nos libertés, demeure.
Nous avons appris les leçons du passé : faire reculer une loi impopulaire n’est qu’un premier pas – nous devons aussi institutionnaliser de plus grandes protections de nos droits. C’est pourquoi les manifestants demandent que les officiels soient tenus responsables de leurs abus de pouvoir. Une fois ouverte la discussion sur leur responsabilité, un débat suivra sur la manière d’empêcher la prochaine répression contre la société civile. Une bonne attaque est toujours la meilleure des défenses.
Par Joshua Wong, activiste démocrate hongkongais, secrétaire général du parti Demosisto, et Johnson Yeung, militant démocrate et défenseurs des droits de l’homme
Traduit de l’anglais par David Bartel
Ce texte a d’abord été publié en anglais dans le quotidien britannique The Guardian, le jeudi 27 juin 2019.

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A propos de l'auteur
Chercheur indépendant, David Bartel vit à Hong Kong depuis dix ans. Obtenue en 2017 à l'EHESS, sa thèse porte sur les Lumières chinoises du XXème siècle et leur reconfiguration contemporaine. Il s'intéresse particulièrement aux liens entre histoire, politique et langage. La cooptation des discours théoriques postmodernes et postcoloniaux - en Chine et ailleurs - par la rhétorique nationaliste, et l’effacement de la culture au nom du culturel sont au cœur de ses recherches.