Un champ de soja en Argentine

Un champ de soja en Argentine (photo d'illustration).

afp.com/PABLO AHARONIAN

La situation de la forêt amazonienne est alarmante : entre 2017 et 2019, selon Franceinfo, 7 900 km² de forêt ont été déboisés. Depuis samedi, pour tenter de faire réagir les responsables politiques, les activistes de Greenpeace bloquent l'entrée d'un cargo contenant 50 000 tonnes de soja du Brésil dans le port de Sète, dans l'Hérault. Ils protestent contre l'importation de cette substance, surtout utilisée pour l'alimentation du bétail, dont la culture est l'une des principales causes de la destruction des forêts.

Publicité

En 2018, WWF a publié un rapport sur les importations de produits en France causant le plus de dégâts en termes de déforestation. Selon l'ONG engagée pour la défense de l'environnement, les trois quarts de la destruction des forêts tropicales sont causés, directement ou indirectement, par le système agricole. Quatre produits importés sont particulièrement pointés du doigt : l'huile de palme, le soja, le cacao et le caoutchouc naturel.

• L'huile de palme

Ainsi, c'est l'huile de palme - décriée depuis des années - qui arrive en tête des importations les plus néfastes pour la préservation des forêts. Selon l'ONG, l'huile de palme brute ou raffinée, avec les tourteaux de palmistes - issus de l'extraction de l'huile à partir des noix du fruit - et ses dérivés représentent environ la moitié des importations françaises d'huile de palme. Les biocarburants à base de cette matière en représentent 19 % et quelque 30 % sont des cosmétiques et des produits alimentaires fabriqués à partir d'huile de palme. La surface de forêt nécessaire pour répondre à ces besoins est de 410 000 hectares. C'est, précise WWF, l'équivalent d'un tiers de la région Île-de-France.

LIRE AUSSI >> L'huile de palme à la sauce Bruxelles

Cette empreinte française - qui désigne la surface nécessaire à la production pour notre pays - marque surtout l'Indonésie, la Malaisie et la Papouasie-Nouvelle-Guinée. En France, cette huile de palme se retrouve dans l'alimentation, mais pas seulement. Les biocarburants concernent deux tiers des importations françaises d'huile de palme. Une raffinerie Total a d'ailleurs importé 20 000 tonnes le 22 mars dernier. En tout, l'entreprise souhaite en faire venir 300 000 tonnes par an.

Photo fournie le 11 août 2018 par le Sumatran Orangutan Conservation Programme d'un orang-outan de Tapanuli dans la forêt de Batang Toru, sur l'île de Sumatra, en Indonésie

Un orang-outan de Tapanuli dans la forêt de Batang Toru, sur l'île de Sumatra, en Indonésie.

© / afp.com/Nanang SUJANA

Les conséquences sur la biodiversité sont graves. L'orang-outan est devenu une espèce menacée d'extinction totale d'ici 10 ans, tandis que les multinationales qui commercialisent les produits à base d'huile de palme sont accusées, notamment par Amnesty International, d'exploiter des enfants en Indonésie.

• Le soja

C'est le produit de toutes les crispations au port de Sète. Selon le rapport de WWF, la production de soja a triplé depuis 1990. En 2016, elle a atteint "335 millions de tonnes cultivées sur 122 millions d'hectares". Le soja est particulièrement utilisé pour l'alimentation animale. En France, chaque année, WWF estime que 4,8 millions de tonnes sont importées. L'importation du soja représente une empreinte de 1,8 million d'hectares. C'est le Brésil et l'Argentine qui sont les pays les plus exportateurs.

LIRE AUSSI >> Écologie, OGM, santé... Tout savoir sur le soja

Outre les 600 000 hectares de changement d'affectation des terres (déboisement, déforestation) chaque année, qui ont un impact direct sur la biodiversité, les dégâts sont aussi humains. Dans une enquête internationale publiée sur le site de Mighty Earth, une ONG de protection de l'environnement, en mars 2018, on apprend que la culture du soja, notamment dans la région de Gran Chaco en Amérique du Sud, a débouché sur le déplacement de populations autochtones, qui vivent de la chasse et de la pêche. Elle nécessite également l'utilisation d'engrais chimiques, comme le glyphosate, qui polluent les rivières et les cours d'eau.

LIRE AUSSI >> Les animaux d'élevage français gavés de soja OGM importé

"Les membres des communautés locales ont constaté une augmentation des malformations congénitales, des cancers et des maladies respiratoires", alerte l'enquête. Greenpeace avance que des cargos comme l'Ellirea - actuellement bloqué à Sète - arrivent "régulièrement en France", à raison d'"un tous les dix jours".

• Le cacao

L'Europe, d'après WWF, est le principal importateur de cacao, essentiellement produit en Côte d'Ivoire, au Ghana et en Indonésie. En ce qui concerne la France, 460 000 tonnes par an sont importées, ce qui engendre une empreinte d'1,5 million d'hectares, dont 57 % sont exposés au risque de déforestation.

Des travailleurs d'un centre de sélection du cacao à Soubré, en Côte d'Ivoire, le 6 mars 2017

Des travailleurs d'un centre de sélection du cacao à Soubré, en Côte d'Ivoire.

© / afp.com/Sia KAMBOU

La violation des droits humains est une autre conséquence néfaste de la culture du cacao. Ainsi, en 2018, d'après Oxfam France, les agriculteurs vivaient dans la "pauvreté extrême" notamment à cause de la chute du prix du cacao de 40 %. Un chiffre issu d'un rapport publié par Cocoa Barometer, selon lequel plus de 2 millions d'enfants travaillent dans le secteur du cacao.

• Le caoutchouc naturel

Issu du mot "bois qui pleure" dans une langue indigène équatorienne, le caoutchouc porte bien son nom. Sa culture tient la quatrième place de ces importations particulièrement néfastes pour les forêts tropicales. Le caoutchouc est produit à base d'hévéa. Dans la vie quotidienne, on le retrouve dans les ballons, notamment pour les enfants ou encore les pneus...

Il faut bien le distinguer du caoutchouc synthétique, utilisé par exemple dans les préservatifs, qui représente plus de la moitié du caoutchouc produit, issu d'un combustible fossile. Le caoutchouc naturel représente 30 % du caoutchouc importé en France, toujours selon WWF.

En France, l'importation de caoutchouc s'élève en moyenne à 410 000 tonnes par an. Ce qui équivaut à 3 % de la production mondiale et 350 000 hectares concernés, notamment en Indonésie, en Malaisie et en Thaïlande qui, avec le Vietnam, l'Inde et la Chine concentrent 80 % de la production de caoutchouc naturel mondiale.

Publicité