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Burkini : la réponse politique se fait attendre
Burkini piscine Grenoble
PHOTOPQR/LE DAUPHINE/MAXPPP

Burkini : la réponse politique se fait attendre

Par Anne-Sophie Chazaud

Publié le

Pour Anne-Sophie Chazaud, philosophe, la nouvelle crise du burkini entamée dans une piscine de Grenoble justifie une décision politique pour mettre faire au chaos.

S’il est une chose positive qu’a enseignée cette énième crise interminable du "burqini" (dont Zineb El Rhazoui fait fort justement remarquer qu’on doit l’écrire avec un "q" et non "burkini" puisqu’il est bien plus proche à tous points de vue de la burqa que du bikini), c’est que l’absence de réponse politique ferme à un problème troublant l’ordre public engendre le chaos et le désordre pour ne pas dire le grand festival du n’importe quoi.

Malaise à Grenoble

Depuis des semaines, des militantes islamistes emportées par l’association Alliance Citoyenne, perturbent le fonctionnement des piscines municipales grenobloises par leur comportement provocateur et délibérément hors-la-loi, passant par-dessus les injonctions du personnel municipal chargé de faire respecter le règlement des piscines, en jouant de l’absence de fermeté du maire de Grenoble, lequel n’en finit plus de s’abîmer dans son gauchisme de compétition et son relativisme brumeux. L’édile EELV que l’on n’avait pas davantage entendu lors des émeutes violentes du quartier Mistral (surtout ne pas faire de vagues parmi des quartiers abandonnés et communautarisés auprès desquels on achète la paix sociale – façon de parler pour décrire en réalité l’anarchie, le chaos, les trafics qui gangrènent et rendent la vie des citoyens honnêtes impossible –, s’est de nouveau cette semaine pris les pieds dans le tapis d’une argumentation toute en ambiguïté et en lâcheté, allant dans un enregistrement "caché" devant ses administrés jusqu’à évoquer la burqa de bain comme étant un moyen de se protéger du soleil. Il fallait oser (et c’est, comme chacun sait, à cela qu’on les reconnaît).

Le scandale grotesque consistant à invoquer le combat si noble de Rosa Parks qui militait pour l’égalité alors qu’on a ici affaire à une tentative de sécession communautarisée et de passe-droits au motif d’un impératif pseudo-religieux.

Depuis plusieurs semaines, pourtant, tout a été dit ou presque au sujet de ce capharnaüm qui illustre le chaos régnant lorsque la République ne fait pas son travail : la lâcheté, la compromission, le clientélisme, la gangrène communautariste, l’entrisme islamiste violent et sans-gêne, la provocation impudente comme une seconde nature, le scandale d’une association islamiste et se mettant hors la loi toujours subventionnée par l’argent public des Grenoblois, le scandale grotesque consistant à invoquer le combat si noble de Rosa Parks qui militait pour l’égalité alors qu’on a ici affaire à une tentative de sécession communautarisée et de passe-droits au motif d’un impératif pseudo-religieux.

Ont été invoqués aussi les indispensables acquis des droits des femmes en termes d’égalité par opposition à un vêtement qui souligne leur soumission non pas à Dieu mais aux hommes, qui hypersexualise la question du corps des femmes dans l’espace public dans le but de l’invisibiliser par infériorisation et qui, partout où il est devenu la règle se traduit en réalité par une privation violente de liberté pour les femmes.

Face à ces évidences que l’on ne cesse de répéter depuis des semaines voire des années à chaque épisode de prurit islamiste, à chaque marronnier du burqini ou à chaque dérobade étatique sur la question du voile (le dernier en date étant celui de l’autorisation des voiles islamiques pour les mères accompagnatrices des sorties scolaires : au passage, appelons-les bien des "mères" et non pas des "mamans", afin de ne pas tomber, en plus, dans l’abêtissement puéril et infantilisant à la mode d’une euphémisation du langage et du rapport au réel qui n’aime rien tant que se cacher derrière son pouce ou sa tétine pour contempler le monde qui l’entoure plutôt que de se le coltiner de front de manière adulte et responsable), à chacun de ces épisodes désormais rituels donc et qui le resteront aussi longtemps que les pouvoirs publics continueront de lâchement se dérober, nous avons justement pu assister à un joli concours de dérobades.

Les chantres habituels d’un républicanisme de salon se sont rengorgés des déclarations de Marlène Schiappa, laquelle a effectivement condamné ces actions militantes intrusives (c’est bien le moins qu’elle puisse faire, semble-t-il puisqu’elle est là pour combattre les inégalités hommes-femmes), tout ceci pour s’empresser dans la même déclaration de redouter toute forme de discrimination et surtout pour affirmer qu’une interdiction ne lui semblait pas souhaitable.

On est surpris au regard du fait que ce ne sont pourtant pas les lois liberticides qui semblent beaucoup effrayer cet exécutif : pour une fois qu’un dispositif de cette nature pourrait véritablement servir le peuple français et l’ordre républicain, il était donc urgent de botter en touche. Courage fuyons ! Même bravoure du côté de Madame Belloubet, probablement plus prompte à tenter de détricoter la liberté de la presse ou à donner des instructions de fermeté répressive à l’encontre des opposants politiques gilets jaunes, et qui courageusement déclare : "Je ne suis pas certaine qu’il faille légiférer."

On attend toujours au passage de savoir dans quels pays ou communautés catholiques des jeunes filles sont lapidées ou violentées ou battues ou jugées ou torturées ou brûlées à l’acide pour ne pas avoir porté de serre-tête.

Et qu’attendre, dans le fond, sur ce sujet, d’un exécutif qui compte en son sein un ministre de l’Intérieur comparant le voile islamique avec le "foulard de nos grand-mères" ( ?) ou encore un inénarrable Aurélien Taché, jamais en retard d’un propos saugrenu, qui comparait le port imposé du voile pour les fillettes (où l’on découvre donc que le corps d’une petite fille est déjà sexualisé à outrance de manière liberticide) avec le port du "serre-tête" dans certains milieux catholiques (sic).

On attend toujours au passage de savoir dans quels pays ou communautés catholiques des jeunes filles sont lapidées ou violentées ou battues ou jugées ou torturées ou brûlées à l’acide pour ne pas avoir porté de serre-tête. On ne cache pas notre impatience ethnographique. Le Maire de Grenoble n’a pas manqué d’ailleurs de souligner les incohérences de la position gouvernementale et notamment l’aspect pour le moins tarabiscoté des argumentations de Marlène Schiappa, pas mécontent de pouvoir pour un coup se débarrasser de la patate chaude, jugeant "ces propos incompréhensibles [on ne saurait pour une fois lui donner tort] et disant tout et son contraire", et ajoutant "si c’est une question de laïcité, le gouvernement doit prendre position".

Entrisme des Frères musulmans et lâcheté des politiques

En attendant, on découvre que la porte-parole de cette association entriste, Taous Hammouti, laquelle s’est empressée d’aller faire de la retape prosélyte à Roubaix ce dimanche, est une admiratrice de Hani Ramadan, celui qui compare une femme non voilée avec une pièce de deux euros circulant de mains en mains, proche des Frères musulmans qui seront avec un peu de logique et de chance bientôt déclarés par les États-Unis comme une organisation terroriste, que cette dame écrivait sur les réseaux sociaux au moment des attentats contre Charlie Hebdo "N’oubliez jamais que c’est Charlie qui a dégainé le premier", porte-parole qui ne manque logiquement pas de susciter la sympathie de Yassine Belattar par le voile alléché, le "frère" du Président et nommé par ce-dernier au Conseil présidentiel des villes en vertu d’une expertise qui échappe à l’observateur, et qui naturellement s’est empressé d’aller poser avec la dame voilée dans un selfie complaisant et remarqué...

Cette simple phrase de Taous Hammouti sur la responsabilité de Charlie dans le fait de s’être fait massacrer par une équipe d’islamistes sanguinaires (avec toujours cette inversion causale bourreaux/victimes propre à la rhétorique perverse des islamistes), et tandis que tout le monde depuis quelques jours se goberge de considérations de bon aloi sur la liberté d’expression, alors que le New York Times a purement et simplement supprimé toute forme de caricatures dans sa vénérable publication et alors qu’une Une de Charlie sur la coupe du monde féminine de football a encore fait bondir tous les pudibonds de l’Hexagone, devrait interroger ceux qui sont encore un peu durs de la comprenette et instables sur leurs principes. La liberté d’expression comme la liberté des femmes sont pourtant des principes qui ne tolèrent aucune compromission, aucun tempérament, aucun ajustement circonstanciel.

Le Maire de Grenoble et Marlène Schiappa se sont ainsi renvoyés le soupçon d’ambiguïté mutuellement au visage dans cette affaire. Si Eric Piolle s’est retrouvé bien forcé par l’émoi suscité par toute cette affaire, de prendre enfin les choses au sérieux en renforçant désormais les contrôles à l’entrée des piscines, en verbalisant les contrevenantes, il a toutefois interpellé l’exécutif en lui demandant de prendre clairement ses responsabilités et d’énoncer sans tergiversations la position de l’État sur la burqa de bain, y compris en termes d’hygiène. Il risque probablement d’attendre encore un bon moment.

Gageons que cet énième épisode islamiste, absolument pas résolu sur le fond, ne viendra pas arranger la situation.

Dans le chaos que cette lâcheté généralisée induit, le désordre global n’a pas tardé à s’installer. Le règlement des piscines publiques interdisant le port des bermudas pour les hommes, en vertu d’évidentes raisons d’hygiène, un homme n’a donc pas tardé à venir lui aussi semer la zizanie en revendiquant violemment de pouvoir se baigner dans cette tenue interdite, provoquant une bagarre et la fermeture la piscine avec des personnels municipaux excédés et éreintés par ces atermoiements politiques dont ils sont les premiers à faire les frais, tandis que d’autres, militants pro-républicains ceux-ci et en réaction à l’affaire des burqas de bain, avaient invité les citoyens à venir se baigner nus ce même dimanche, ce qu’un dispositif policier renforcé et des horaires d’ouverture réduits n’ont finalement pas permis.

Notons au passage que si nombre d’internautes se sont réjouis de cette initiative nudiste, nous n’y voyons qu’une radicalisation hystérique du débat sur la question du corps telle que précisément la souhaitent les islamistes : comme si au voilement obscurantiste des femmes il n’existait plus d’autre alternative que la revendication d’une complète nudité, laquelle peut poser des problèmes d’exhibitionnisme et gêner notamment les enfants. Comme si la séduction, le plaisir des yeux dans la suggestion entre le corps intégralement nu et sa discrète ou érotique suggestion, ce rapport subtil entre le tout et le rien qui fait la civilité typiquement française et occidentale dans les rapports de séduction n’avait finalement plus sa place dans cet affrontement binaire entre le tout et le rien.

Ajoutons enfin qu’il faut de toutes les façons de plus en plus de courage aux citoyens français pour s’aventurer dans les piscines municipales lesquelles sont de plus en plus souvent le théâtre de débordements et d’ensauvagement, d’appropriations territoriales d’ensauvagement de la part de bandes violentes, lesquelles ont par exemple déclenché à Lyon des fermetures suite à des bagarres au couteau et autres joyeusetés du même acabit que de nombreux habitants fuient depuis trop longtemps, comme dépossédés de leurs propres biens publics.

Gageons que cet énième épisode islamiste, absolument pas résolu sur le fond, ne viendra pas arranger la situation.

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Natacha Polony, directrice de la rédaction de Marianne