Edwy Plenel : « Nous allons rendre éternelle l’indépendance de Mediapart »

Edwy Plenel et Fabrice Arfi à Paris, le 2 juillet 2019.

Edwy Plenel et Fabrice Arfi à Paris, le 2 juillet 2019. JOEL SAGET/AFP

Onze ans après avoir imaginé un nouveau modèle économique pour la presse en ligne, Mediapart présentait mardi un dispositif capitalistique sans équivalent dans la presse française. Objectif : sanctuariser son capital et pérenniser son indépendance.

C’est l’aboutissement de trois ans de réflexion et de discussions au sein de Mediapart pour mettre le journal à l’abri des querelles de successions, batailles de pouvoir et autres opérations spéculatives, que présentait mardi son président Edwy Plenel. Ceci, à un moment délicat pour les médias. Et de citer, pêle-mêle, « la régression autoritaire partout, y compris en France », « les attaques répétées contre la liberté de la presse », « les convocations par les services de renseignement », « les tentatives de perquisition », « les violences sur les journalistes… »

« Inviolable, non cessible, non achetable et non spéculable »

Il s’agit selon les mots d’Edwy Plenel, d’une « invention capitalistique pour rendre éternelle l’indépendance de Mediapart ». Elle passera par la cession de 100 % du capital de Mediapart à une structure - Le Fonds pour la Presse Libre - non capitaliste et à but non lucratif qui rendra le site « inviolable, non cessible, non achetable et non spéculable ». « C’est l’événement le plus important depuis la création du journal », a commenté Fabrice Arfi, co-responsable des enquêtes, insistant sur le caractère perpétuel du dispositif : « On ne travaille pas pour demain mais pour les vingt, quarante ou soixante années à venir ». « Ça ne changera rien au modèle économique et éditorial de Mediapart », a t-il insisté.

Publicité

LIRE AUSSI : Fabrice Arfi, un homme d’affaires

Ce modèle de « fonds de dotation », apparu il y a une décennie en France et utilisé dans le champ culturel, n’a jusqu’à présent jamais été expérimenté dans la presse. Les quatre cofondateurs (François Bonnet, Laurent Mauduit, Edwy Plenel et Marie-Hélène Smiejan) du titre se sont inspirés d’un modèle unique au monde, le « Scott Trust », qui protège depuis les années 1930 le quotidien britannique « The Guardian ». Ils l’ont préféré à d’autres statuts (financement participatif ou coopératives) qui ne tiendraient pas sur la durée, selon Edwy Plenel.

LIRE AUSSI : Edwy Plenel : « Peut-être que la réussite d’une tribu d’Indiens comme nous dérange »

Médiapart est aujourd’hui détenu par ses fondateurs qui possèdent 42 % du capital, aux côtés des salariés, et d’une « Société des amis », avec qui ils forment un « pôle d’indépendance » (62 % du capital). Le reste appartient à des investisseurs partenaires (Doxa et Ecofinance). En vue de la cession de toutes leurs parts, Mediapart, économiquement en pleine forme (plus de 150.000 abonnés et une marge d’exploitation de 18 %), a été valorisé à 16,3 millions d’euros par des experts indépendants. Le rachat sera financé par les excédents du journal (4,4 millions), des donations effectuées par des actionnaires (à hauteur d’un million) et un emprunt bancaire (10,9 millions d’euros) contracté par la Société pour la Protection de l’Indépendance de Mediapart.

Le site restera financé exclusivement par ses contenus (abonnements, ventes de livres…), sans toucher de recettes publicitaires, ni de subventions de l’Etat ou des GAFA. Le dispositif, accepté par les fondateurs et actionnaires de Mediapart, validé par le fisc et approuvé par les salariés à 93 % lors d’une consultation interne, doit voir le jour d’ici fin octobre et s’accompagnera « d’un jeu de pouvoirs et de contrepouvoirs », selon Edwy Plenel. Histoire d’assurer une parfaite étanchéité entre le FPL, structure « à mi-chemin entre une fondation et une association », selon Marie-Hélène Smiejan, et l’activité commerciale de Mediapart.

Sur le sujet TéléObs

Sujets associés à l'article

Annuler