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Un psychiatre schwytzois prétend «soigner» l’homosexualité

Selon le magazine suisse alémanique «Gesundheitstipp», un psychiatre schwytzois a accepté d’entamer une thérapie pour «remédier» à l’homosexualité de l’un de ses patients à travers une technique travaillant sur les mouvements oculaires

Pour Muriel Waeger, directrice romande de Pink Cross, «ce type de «thérapies» est traumatisant pour les individus qui les subissent». — © Shutterstock
Pour Muriel Waeger, directrice romande de Pink Cross, «ce type de «thérapies» est traumatisant pour les individus qui les subissent». — © Shutterstock

«Nous regardons ensemble ce qui vous plaît chez les hommes, car c’est précisément ce qui vous fait défaut. Vous devez devenir un vrai homme, vous sentir bien dans votre propre sexe, puis vous commencerez forcément à vous intéresser à l’autre sexe.» C’est ainsi que Lukas Kiener, psychiatre FMH schwytzois, s’est adressé à un jeune homosexuel de 24 ans lors de leur toute première consultation de thérapie «de conversion», le 26 avril dernier.

Le magazine mensuel suisse alémanique Gesundheitstipp s’est consacré plusieurs semaines à l’obtention d’un rendez-vous avec ce médecin, dont les pratiques avaient été dénoncées auprès d’organisations de soutien pour les personnes homosexuelles. D’abord méfiant, le docteur Lukas Kiener a finalement accepté d’accueillir celui qu’il croyait être un nouveau patient.

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Cette information, médiatisée le 3 juillet, surgit peu après le dépôt d’une motion qui vise à interdire la pratique des thérapies de conversion destinées aux personnes homosexuelles, le 21 juin. Les initiateurs du projet, Rosmarie Quadranti et Angelo Barrile, s’étaient d’abord confrontés à un Conseil fédéral sceptique quant à l’existence de ce problème en Suisse, qui se manifeste généralement dans le cadre de thérapies non reconnues.

Des thérapies destructrices

Dans le cas de Lukas Kiener, il s’agit d’un médecin qui a proposé de remédier à l’homosexualité du jeune homme à travers l’EMDR, une technique visant à réduire les traumatismes en travaillant avec le mouvement des yeux. Le psychiatre a voulu rassurer son faux patient en lui indiquant que les 40 premières consultations seraient prises en charge par l’assurance, et qu’il serait facile de demander une prolongation.

Une situation qui inquiète Muriel Waeger, directrice romande de Pink Cross, la Fédération suisse des hommes gais et bi: «Ce type de «thérapies» est traumatisant pour les individus qui les subissent, d’autant plus qu’il s’agit souvent de personnes fragilisées, poussées à consulter par une famille aux valeurs trop conservatrices pour les accepter dans leur identité sexuelle. La situation empire lorsqu’une autorité médicale vient renforcer l’idée qu’il s’agirait d’une maladie.» Selon l’association Stop Suicide, la communauté LGBTQI+ est en effet deux à cinq fois plus touchée que la moyenne suisse par les risques de suicide. Le fait que ces pratiques dangereuses soient financées par les assurances maladie de base est selon elle affligeant.

Les mentalités contribuent au problème

L’Association suisse des psychothérapeutes et l’Association mondiale de psychiatrie condamnent déjà les thérapies de conversion, considérées comme des abus d’autorité. Le fait que le docteur Kiener ait pu effectuer ces prestations jusqu’ici souligne que le problème ne se situe pas seulement au niveau légal: pour Muriel Waeger, les psychiatres devraient faire l’objet de contrôles plus stricts, mais il faudrait également intervenir au niveau de l’éducation des médecins quant à la situation des personnes LGBTQI+.