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Femmes de chambre : les syndicats dénoncent le «blabla» de Marlène Schiappa

Des syndicalistes et des élus se sont rassemblés, ce mercredi à Paris, pour défendre les précaires du nettoyage dans l'hôtellerie. Au même moment, une réunion était organisée par la secrétaire d'Etat à l'Egalité femmes-hommes avec des entreprises du secteur.
par Amandine Cailhol, Photos Corentin Fohlen
publié le 3 juillet 2019 à 19h56

Tout le monde parlait d'elles, ce mercredi après-midi, au secrétariat d'Etat chargé de l'égalité entre les femmes et les hommes. Mais, elles, n'étaient pas là. Elles, ce sont les femmes de chambre, que Marlène Schiappa a promis de défendre mi-juin, afin d'améliorer leurs conditions de travail. Pour aider ces travailleuses du nettoyage, trop souvent «invisibles», la secrétaire d'Etat organisait, ce jour, une réunion avec les principales fédérations et employeurs du secteur. Un «premier échange», a expliqué la secrétaire d'Etat, pour avoir une «meilleure compréhension des enjeux du secteur». Le tout devant, à terme, déboucher, sur «des propositions concrètes» pour améliorer leur sort. Un rendez-vous et des promesses qui laissent un goût amer à ceux qui se battent depuis des années aux côtés de ces femmes et multiplient, avec elles, les piquets de grève, notamment dans le secteur de l'hôtellerie. Au même moment, ils étaient une trentaine, principalement des syndicalistes, à s'être rassemblés à quelques rues des bureaux de la secrétaire d'Etat pour réclamer de «véritables» solutions pour les précaires du nettoyage.

Sous les drapeaux de la CGT des hôtels de prestige et économiques (CGT HPE), à l'initiative du rassemblement, et ceux de la Confédération nationale du travail-Solidarité ouvrière  (CNT-SO), syndicat anarchiste lui aussi en première ligne sur ces luttes, plusieurs soutiens ont pris la parole au nom des femmes de chambre. Expliquant l'absence des principales intéressées par les dernières longues luttes «fatigantes» et la précarité qui rend parfois difficile la mobilisation, Claude Lévy, de la CGT HPE s'est réjoui que le sujet soit enfin à l'agenda du gouvernement. Tout en craignant que cela ne se résume à de «beaux discours».

«Des miettes de boulot»

Les députés de La France insoumise Eric Coquerel et François Ruffin étaient eux aussi présents, venus notamment défendre les «168 femmes de ménage» de l'Assemblée nationale, employées par quatre sociétés de sous-traitance. Pêle-mêle, les manifestants ont dénoncé les «cadences infernales», la «pénibilité» des tâches et la précarité salariale de ces femmes, souvent à temps partiel, avec seulement «des miettes de boulot» payées au smic. Mais aussi les «méthodes de voyous» de certains employeurs qui payent les salariées «à la chambre» ou ne déclarent pas toutes les heures de travail effectuées. Des maux qui reviennent souvent, à chaque conflit social dans le secteur. Dernier en date : celui des hôtels Campanile et Première classe du pont de Suresnes, aux portes de Paris, qui s'est conclu fin juin, après trente-deux jours de grève, par une victoire et des hausses de rémunération. Ou encore à Marseille, où une grève dure depuis des mois au NH Collection, un quatre étoiles de la ville.

Pour les manifestants, le nœud du problème se trouve dans la sous-traitance du nettoyage. Un «fléau» dans le secteur de l'hôtellerie, qu'il convient, disent-ils, d'interdire. «C'est la sous-traitance qui permet aux employeurs de multiplier les CDD à répétition et les temps partiels. Pour obtenir l'égalité réelle entre les femmes et les hommes, il faut lutter contre ces formes de travail», prévient Ana Azaria, de l'organisation de Femmes Egalité. Selon la militante, cette externalisation est d'autant plus «inexplicable», puisque le nettoyage est au cœur du métier de l'hôtellerie. Mais les syndicats sont désunis sur le sujet et tous ne partagent pas ces revendications. La branche FO du secteur, par exemple, ne défend pas un tel changement de modèle économique. «Nous ne sommes pas demandeurs de la sous-traitance, mais à partir du moment où elle existe, il faut trouver des solutions», explique Jean Hédou, de FO. Pour lui, il est notamment nécessaire de mettre en place des «mesures réglementaires» pour réguler les horaires de travail de ces salariés.

«Arrêtons l’hypocrisie !»

Dans la cour du secrétariat d'Etat, Marlène Schiappa a précisé son calendrier : une mission sur les conditions de travail des femmes de chambre – mais aussi, de manière plus large, des travailleurs du nettoyage – au Conseil supérieur de l'égalité professionnelle devrait être lancée dès septembre. Les premières propositions sont attendues pour l'automne, pour un «changement des pratiques» dès 2020. Mais elle est restée plutôt floue sur les débouchés concrets que cette mission pourrait avoir. La question des horaires décalés devrait être à l'ordre du jour. «Dans les bureaux et les entreprises, il va falloir s'habituer à croiser des femmes de ménage dans la journée et partager un même espace de vie», a-t-elle insisté. Les conditions physiques de travail, et «la question des troubles musculosquelettiques», ou encore l'enjeu de la formation, et notamment de «l'alphabétisation», pour «permettre à ces femmes des évolutions dans le métier» seront aussi évoquées. Tout comme la question des marchés publics, l'Etat étant aussi client des agences de nettoyage, a souligné la secrétaire d'Etat.

Pas de quoi convaincre la CNT-SO, qui s'agaçait déjà, quelques jours plus tôt, dans un communiqué : «Arrêtons l'hypocrisie ! Pour améliorer le sort des femmes de chambre, il faudrait déjà revenir sur les mesures prises contre tous les salariés, par cette majorité ou la précédente à laquelle était déjà associée Macron.» Ni Claude Lévy, de la CGT HPE : «Si la secrétaire d'Etat veut être efficace, qu'elle demande à l'inspection du travail d'aller voir ce qu'il se passe dans ces entreprises. Qu'elle mette la pression sur les donneurs d'ordre et les employeurs.» Dans une lettre adressée à Marlène Schiappa, le 26 juin, le cégétiste s'offusquait que les syndicats les plus combatifs, comme le sien, ne soient pas invités autour de la table pour débattre. Il devrait finalement pouvoir faire entendre ses revendications. Devant les journalistes, la secrétaire d'Etat a affirmé qu'elle ne fermerait la porte à personne pour échanger sur le sujet.

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