POLLUTION

Les émissions importées, face cachée de la mondialisation

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Container chinois entrant dans le port de commerce de Felixstow (Royaume-Uni), le 19 mai 2011. PHOTO : © John HARRIS/REPORT DIGITAL - REA

Notre impact sur le climat n’est pas celui que l’on croit. Un Français moyen émet chaque année un volume de gaz à effet de serre équivalent à 11 tonnes de CO2. Et non 6,6 tonnes, si l’on s’en tient à notre inventaire national, qui ne comptabilise que les sources situées à l’intérieur des frontières : maisons et écoles que l’on chauffe, autos qui roulent, usines qui tournent. En effet, la production des biens que nous importons génère elle aussi des émissions de CO2 et autres gaz à effet de serre. Et comme nous importons une très large part de ce que nous consommons, cela alourdit d’autant notre bilan.

D’où le grand écart des chiffres, selon que l’on raisonne sur la base des émissions d’un territoire, ou sur la base de la consommation de sa population. Un problème que n’a pas manqué de souligner le premier rapport du Haut conseil sur le climat (HCC) paru au début de l’été : « Les émissions liées aux produits importés et consommés par les Français ne sont pas explicitement prises en compte dans les objectifs nationaux chiffrés. »

Consommation ou territoire, deux façons divergentes d’estimer les émissions de CO2

Emissions de gaz à effet de serre en France selon l'approche "consommation" ou l'approche "territoire", en 1995 et 2015*

* Estimation. « L’approche territoire » comptabilise l’ensemble du CO2 émis sur tout le territoire (y compris les exportations), « l’approche population » tient compte de l’ensemble de la consommation de ses habitants, en retirant du CO2 émis sur le territoire ce qui est exporté (qui n’est donc pas consommé par la population nationale) mais en y ajoutant le CO2 émis par les produits importés du reste du monde.

Si l’on regarde la carte des émissions de CO2 par pays, la prise en compte des importations (ou des exportations) nettes de CO2 change considérablement la donne.

Selon les chiffres du Global Carbon Project, les émissions chinoises devraient ainsi être abaissées de 13 % environ, tandis que celles de l’Union européenne seraient réévaluées de 24 %, et de 39 % dans le cas de la France, dont les importations nettes de CO2 rapportées aux émissions nationales ont bien plus progressé que la moyenne européenne. Ces données internationales sont probablement très sous-estimées : selon l’administration française, les émissions nettes importées (tous gaz à effet de serre confondus) représentent 67 % des émissions du territoire hexagonal en 2015.

Au-delà de la question des chiffres sur la part importée de nos émissions, le sujet est surtout celui de notre consommation frénétique de biens émissifs, où qu’ils soient produits. La réalité est que les Français rejettent plus de gaz à effet de serre qu’il y a vingt ans, contrairement à ce que nous serinent nos statistiques habituelles.

 

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Commentaires (4)
Northman 10/07/2019
Avec les GES importés , on commence à rentrer dans le dur, le sérieux des choses. Commerce international avec ses traités de libre échange, production d'énergie décarbonnée (pour ne pas dire nucléaire) incitant à la surconsommation, délires du tout numérique etc. vont en prendre un coup dans l'aile.
Philippe V 09/07/2019
Il est effectivement important de prendre en compte les émissions de GES des produits que nous importons. Pour le premier tableau (émissions du territoire,...) il serait intéressant de connaître la nature des chiffres. Est-ce des tonnes de CO2 pour le pays? Est-ce des kg par habitants? Sans cette indication, on ne sait ce dont on parle.
Axel 05/07/2019
La mise perspective est intéressante, surtout lorsque l’on sait que l’Europe demande à la Chine de réduire ses émissions de GES, alors qu’ils proviennent des biens exportés que nous consommons ensuite en Europe…
franco 05/07/2019
Le concept de consommation devient trop vague quand on le mesure avec des chiffres, cela ne nous dit rien sur le comportement à avoir devant un problème réel. De plus, si cet amalgame de comportements chiffrés devait nous perturber, la prémisse "irrévocable" de la croissance économique nous balance dans le sentiment contraire. De quoi parlons nous ici...cela ressemble plus à du folklore littéraire, pas de vrai sens de la dimension des changements qu'il nous faut appréhender.
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