Une nouvelle analyse ADN révèle l'origine des Philistins

Les récits historiques et l'archéologie s'accordent pour dire que les plus grands antagonistes de la Bible hébraïque étaient « différents », mais en quoi exactement ?

De Kristin Romey
Une nouvelle étude ADN a été lancée à la suite de la découverte en 2016 d'un ancien cimetière philistin sur le site d'Ashkelon, dans l'actuel sud d'Israël.
PHOTOGRAPHIE DE Melissa Aja, Expédition Leon Levy

La toute première étude ADN pratiquée sur des échantillons prélevés sur un ancien site philistin nous offre un aperçu génétique unique sur les origines des fauteurs de troubles les plus notoires de l'Ancien Testament.

Les auteurs de la Bible hébraïque ont précisé que les Philistins ne leur ressemblaient pas : ce groupe d'« incirconcis » est décrit dans plusieurs passages comme venus du « pays de Caphtor » (Crète moderne) avant de prendre le contrôle de la région côtière de ce qui est maintenant le sud d'Israël et la bande de Gaza. Ils ont fait la guerre à leurs voisins israélites, s'emparant même de l'arche de l'alliance pendant un certain temps. Leurs représentants dans la Bible comprennent le géant Goliath, qui a été abattu par le futur roi David, et Dalila, qui a coupé les cheveux de l’israélite Samson, le privant ainsi de sa force exceptionnelle.

Les archéologues modernes s'accordent à dire que les Philistins étaient différents de leurs voisins : leur arrivée sur les rives orientales de la Méditerranée au début du 12e siècle av. J.-C. est relatée par des poteries faisant de nombreux parallèles avec le monde grec antique, l'utilisation de hiéroglyphes crétois et la consommation de porc.

L'ADN prélevé dans des sépultures du cimetière d'Ashkelon établi entre le 10e et le 9e siècle avant J.-C. a été comparé au cimetière d'enfants philistin, ainsi qu'aux sépultures des personnes qui vivaient dans la région avant l'arrivée des Philistins, au début du 12e siècle avant notre ère.
PHOTOGRAPHIE DE Melissa Aja, Expédition Leon Levy

De nombreux chercheurs associent également la présence des Philistins aux exploits des peuples de la mer, une mystérieuse confédération de tribus qui, selon des sources égyptiennes et d’autres sources historiques, semble avoir ravagé l’est de la Méditerranée à la fin de l’âge du bronze entre le 13e siècle et le début du 12e siècle avant J.-C.

Cette nouvelle étude publiée cette semaine dans la revue la Science Advance, basée sur la découverte en 2016 d'un cimetière dans l'ancienne ville philistine d'Ashkelon, sur la côte sud d'Israël, offre un regard fascinant sur les origines génétiques et l'héritage des Philistins. La recherche semble corroborer leur origine étrangère, mais révèle que cette population s'est rapidement mélangée avec les locaux.

L'étude a analysé l'ADN de dix ensembles de restes humains mis au jour à Ashkelon au cours de trois périodes différentes : un lieu de sépulture datant de l'âge du bronze moyen / tardif (environ 1650-1200 av. J.-C.), antérieur à la présence philistine dans la région ; des sépultures d'enfants datant de la fin des années 1100 avant notre ère, et donc d'après l'arrivée des Philistins au début de l'âge du fer ; et des personnes enterrées dans le cimetière philistin à la fin de l'âge du fer (entre le 10e et 9e siècles avant notre ère).

Les quatre échantillons ADN du début de l’âge du fer, provenant tous de nourrissons enterrés sous le plancher des maisons philistines, incluent proportionnellement plus d'« origines européennes additionnelles » dans leurs signatures génétiques (environ 14 %) que les échantillons antérieurs à l’âge du bronze (2 % à 9 %), selon les chercheurs. Bien que les origines de cette « ascendance européenne » additionnelle ne soient pas concluantes, les modèles les plus plausibles renvoient à la Grèce, à la Crète, à la Sardaigne et à la péninsule ibérique.

Daniel Master, directeur de l'expédition à Ashkelon et co-auteur de l'étude, qualifie ces résultats de « preuve directe » qui corrobore la théorie selon laquelle les Philistins ont migré vers l'ouest avant de s'installer à Ashkelon au 12e siècle avant notre ère.

« Cela correspond aux textes égyptiens et aux autres textes que nous connaissons, et au [matériel archéologique]. »

Ce que les chercheurs trouvent encore plus inhabituel est que cet « élan » spécifique disparaît rapidement et est statistiquement insignifiant dans l'ADN des échantillons d'étude prélevés dans le cimetière d'Ashkelon établi seulement quelques siècles après. Les dernières sépultures philistines ont des signatures génétiques très similaires aux populations locales qui vivaient dans la région avant l’arrivée des Philistins.

« Nous avons réussi à saisir ce mouvement migratoire vers Ashkelon en provenance du sud de l'Europe », explique Michal Feldman, archéologue à l'Institut Max Planck et co-auteur de l'étude. « Ensuite, [la présence génétique philistine] disparaît très rapidement dans les 200 ans, probablement parce que les [Philistins] se sont mêlés aux locaux et que ce type de signature génétique a été dilué au sein de la population locale. »

« Depuis plus d'un siècle, la provenance des Philistins fait débat », écrit par email l'archéologue Eric Cline, qui n'a pas pris part à l'étude. « Nous avons désormais la réponse : l'Europe méridionale, et probablement plus spécifiquement la Grèce continentale, la Crète ou la Sardaigne. Cela correspond à ce qui semblait être la réponse la plus probable précédemment, en particulier si l'on en jugeait par [les vestiges archéologiques mis au jour], et cela semble donc être une conclusion logique. »

Aren Maeir, un archéologue qui dirige les fouilles dans la ville philistine de Tell-es-Safi / Gath et qui n'a pas non plus pris part aux recherches en cours, met toutefois en garde contre une simplification excessive de l'histoire des Philistins, désignant ces figures bibliques antagonistes comme un groupe « entêté » et « transculturel, composé de peuples d'origines diverses ».

« Bien que je convienne tout à fait qu'il y avait une composante [étrangère] importante parmi les Philistins au début de l'âge du fer, ces composantes étrangères n'avaient pas une seule et même origine et, c'est d'autant plus important, ils se sont mêlés aux populations locales dès le début de l'âge du fer », écrit Aren Maeir dans un email.

Pour Daniel Master, le plus intéressant est le fait que, malgré la rapide assimilation génétique subie par les Philistins, ils restèrent un groupe culturel distinct, clairement identifiable de leurs voisins pendant plus de cinq siècles, jusqu'à leur conquête par les Babyloniens en 604 avant notre ère.

« C'est assez intéressant de voir comment [la génétique des Philistins] a changé en si peu de temps », observe l'archéologue. « Parce que si vous vous basez uniquement sur les textes bibliques, vous pourriez croire que personne ne voulait se mêler aux Philistins »

 

Cet article a initialement paru sur le site nationalgeographic.com en langue anglaise.

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