
La fraude fiscale est une infraction grave et n’a plus droit de cité. Quand cette faute est commise de façon répétée, délibérée, sur de longues périodes, elle doit être sévèrement sanctionnée. C’est en substance ce qu’a expliqué, vrendredi 5 juillet, la présidente de la 11e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, Caroline Viguier, pour condamner Dieudonné M’Bala M’Bala, 53 ans, à deux ans de prison ferme et 200 000 euros d’amende dans son procès pour « fraude fiscale, blanchiment, abus de biens sociaux et organisation frauduleuse d’insolvabilité ». Ni le polémiste, ni ses avocats, ni sa compagne, Noémie Montagne, n’étaient présents à l’audience.
Pour motiver sa décision, la présidente a également rappelé le lourd casier du polémiste avec le fisc, de « très nombreux antécédents, vingt condamnations », preuve qu’il « ne se conforme pas aux décisions antérieures de la justice ». La fraude, le blanchiment, l’abus de biens sociaux, l’organisation d’insolvabilité ont été constitués « pendant cinq ans, au préjudice de six parties civiles ». L’importance des sommes détournées – plus de 1 million d’euros – envoyées en France, au Cameroun, en Chine, aux Emirats arabes unis, en Belgique, en Suisse, en Chine, justifie aussi la peine prononcée.
La perquisition qui a eu lieu, début 2014, au domicile du couple, avait permis de saisir 657 000 euros et 15 200 dollars en liquide. La recette déclarée au Trésor public des spectacles donnés par Dieudonné, condamné à plusieurs reprises pour antisémitisme, injure et provocation à la haine et à la discrimination raciale, est sans proportion avec cet argent en espèces. Quant aux sommes présentées comme des « dons » du père du polémiste, elles ne peuvent justifier les transferts de fonds à l’étranger, signalés plusieurs fois par Tracfin, a considéré la présidente. Elle a ordonné la confiscation des espèces saisies en euros et en dollars, placées sous scellés.
« Il y aura appel »
Toutes les procédures soulevées par les avocats ont été rejetées. L’ordonnance de renvoi qu’ils contestaient pour « insuffisance de motivation » ? « Le juge a répondu à l’essentiel des questions. » L’absence de mise en examen préalable ? Les prévenus ont pu s’expliquer sur les faits. Le supplément d’information demandé ? « Le tribunal s’estime suffisamment informé. » Dieudonné M’Bala M’Bala est en revanche relaxé pour la fraude fiscale à l’impôt de solidarité sur la fortune.
La compagne du polémiste, Noémie Montagne, condamnée à dix-huit mois de prison avec sursis et dix ans d’interdiction d’exercer une profession commerciale ou industrielle, est reconnue coupable de fraude fiscale et d’omission d’écriture comptable, en tant que gérante de droit de leur société Les Productions de la plume. La SARL est condamnée à une amende de 50 000 euros. Le couple est solidairement tenu au paiement des impôts fraudés. La direction générale des finances publiques obtient 80 000 euros en réparation du préjudice subi par l’Etat français, la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme, 4 000 euros pour préjudice moral, l’Union des étudiants juifs de France, 1 000 euros.
L’avocate de Mme Montagne, Me Isabelle Coutant-Peyre, seule présente au tribunal, a annoncé à la sortie de l’audience : « Bien entendu, il y aura appel. » « Pot de terre contre pot de fer », « David contre Goliath », elle a multiplié les clichés pour présenter sa cliente et son compagnon comme les victimes d’une revanche politique. « Il s’agit d’empêcher son activité d’artiste car il dit des choses qui déplaisent. » L’appel n’empêchera pas le paiement des amendes, car la présidente a prononcé l’exécution provisoire du jugement. Autrement dit, Dieudonné M’Bala M’Bala est obligé de payer maintenant, sans avoir récupéré l’argent sous scellés.
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