Accusation de viol au Hellfest : des associations féministes critiquent une communication déplacée

Après le témoignage d’une festivalière disant avoir été violée dans l’enceinte du festival, un communiqué des organisateurs a fait réagir plusieurs collectifs féministes.

Par Jean-Baptiste Roch

Publié le 04 juillet 2019 à 20h52

Mis à jour le 08 décembre 2020 à 00h50

Samedi 29 juin, on apprenait qu’une festivalière ayant assisté au Hellfest Open Air Festival le week-end précédent à Clisson (44), déclarait avoir été violée dans l’enceinte du rassemblement. Dans un message posté sur l’un des forums privés de festivaliers, relayé ensuite par des internautes sur Facebook, la jeune femme, expliquant avoir été droguée puis violée dans une tente du camping, lançait un appel à témoignages pour l’aider à retrouver son agresseur. Pour l’heure, elle n’a pas encore porté plainte. 

Mais l’histoire s’est vite répandue dans les médias, et les organisateurs du plus gros festival de metal en France ont été forcés de réagir. Via un communiqué publié le 2 juillet sur le compte Facebook de l’évènement, ils assurent avec un embarras palpable avoir « déployé tous (les) moyens afin d’éclaircir ce triste récit, qui nous a également bouleversé ». Avant d’expliquer qu’après avoir enquêté de leur côté (visionnage des enregistrements de caméra de surveillance, audit des équipes du festival), tenté d’entrer en contact avec la victime sans succès, ils n’ont « pas trouvé d'image susceptible de pouvoir correspondre à la description des faits. »

Et d’appeler à ce que la victime se manifeste enfin, haut et fort : « Bien sûr, nous ne nous permettrions pas de remettre en cause un tel témoignage. Nous demandons donc à cette festivalière de prendre contact avec les services de gendarmerie ou le procureur de la République dans les plus brefs délais. »

En attendant, les organisateurs s’élèvent contre la large couverture médiatique de l’affaire, les enjoignant à ne pas salir l’image du festival et des fans de metal : « De véritables professionnels du journalisme se doivent d’attendre que des faits tangibles soient réellement constatés [...], avant de titrer sur des faits aussi graves et préjudiciables pour l’image d’un événement. Et plus largement, pour l’image de toute une communauté reconnue pour son attitude exemplaire et respectueuse. » Un lien à la fin du post renvoie d’ailleurs à la campagne « Ici c’est cool », à laquelle le Hellfest s’est associé, pour sensibiliser le public aux agressions sexistes et sexuelles lors de festivals.

76% des plaintes pour viol classées sans suite en 2017

Il faut dire que, à l’instar de nombreux autres événements (en Suède cette année, un festival a ainsi été annulé après plusieurs plaintes pour viols en 2018), le Hellfest a déjà été confronté à des faits de violences sexuelles, comme nous l’avions relaté en 2017. A l’époque, le directeur Ben Barbaud nous avait avoué son désarroi : « On est face à un phénomène de société. [...] Le harcèlement sexuel a probablement toujours existé, mais la parole semble aujourd’hui se libérer, tant mieux. A nous de trouver la bonne réponse. »

Si le Hellfest ne peut être tenu responsable de ce qui est arrivé cette année, le festival semble,  comme d’autres, avoir encore du mal à prendre la mesure du problème. La tonalité de son communiqué, trop suspicieux et autocentré, est mal passée, notamment auprès des associations féministes. Lesquelles ont rapidement répondu. A commencer par Les Effronté.e.s, qui ont qualifié dans un communiqué de « scandaleux » le post du festival, l’accusant de minimiser la gravité des faits en parlant d’« agressions sexuelles » au lieu d’un « viol », et d’avoir « comme instinct premier de décrédibiliser la victime et de démontrer comme il serait peu probable que ses affirmations soient vraies ».

Dans la foulée, une autre association féministe, Stop harcèlement de rue, s’est aussi déclarée solidaire de la victime, écrivant qu’il convient de respecter « son choix de préserver son anonymat et sa vie privée, les moyens de communication pour dénoncer son agression, et son choix de déposer plainte ». Les Effronté.e.s rappellent qu’en France, « 76% des plaintes pour viol seront classées sans suite et que seulement 10% d’entre elles aboutiront à une condamnation ». Et d’ajouter : « Ne nous demandons pas pourquoi seulement 10% des victimes portent plainte…». Sur sa page Facebook, Stop harcèlement de rue a réécrit le communiqué du Hellfest tel, selon elle, qu’il aurait dû l’être à l’origine. La direction du Hellfest, qui n’a pas répondu à nos appels, n’a pas encore réagi.

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