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Une sieste par jour, le meilleur médicament

Reine des week-ends et des vacances, la sieste devrait être pratiquée au quotidien. Elle réparerait ainsi le déficit de sommeil chronique, véritable fléau pour la santé

Noon, or The Siesta, after Millet, 1890 (oil on canvas) by Gogh, Vincent van (1853-90); 73x91 cm; Musee d'Orsay, Paris, France; (add.info.: La Meridienne ou La Sieste;) — © Vincent Van Gogh/Bridgeman/Images/Leemage
Noon, or The Siesta, after Millet, 1890 (oil on canvas) by Gogh, Vincent van (1853-90); 73x91 cm; Musee d'Orsay, Paris, France; (add.info.: La Meridienne ou La Sieste;) — © Vincent Van Gogh/Bridgeman/Images/Leemage

Après une petite nuit, on est déphasé et saisi de somnolences carabinées qui font de notre lit une oasis rêvée. On pense alors que dormir n’agit que sur la concentration et l’acuité. C’est très loin de la réalité. Durant le sommeil, un bataillon d’agents s’activent pour notre cœur, notre équilibre alimentaire, l’élimination de nos toxines, l’apaisement de nos douleurs, notre mémoire, nos défenses immunitaires, notre créativité et notre humeur. «Alors que tout semble à l’abandon, observe Brice Faraut, docteur en neurosciences, une foule d’équipes soignantes soulagent le corps des maux du jour et le consolident.» Voilà pourquoi on parle de «sommeil réparateur»…

Mais ce grand réglage n’est possible qu’à partir de sept heures de sommeil nocturne, note le spécialiste. Or, parce qu’il travaille loin de chez lui et doit se lever aux aurores, qu’il est rivé aux écrans ou encore insomniaque (20% de la population), l’adulte contemporain creuse quotidiennement sa dette de sommeil et met sa santé en danger – près d’un tiers des accidents cardiovasculaires y sont liés. La solution? Faire une sieste chaque jour, répond Brice Faraut dans Sauvés par la sieste, brillant ouvrage à la fois scientifique et pratique. Le chercheur y montre à quel point un somme quotidien de 10 à 90 minutes selon les âges et les besoins, rééquilibre le corps de manière spectaculaire.

Le monde entier ne dort pas assez

Le nombre de personnes dormant moins de six heures par nuit ne cesse d’augmenter, pointe le chercheur. Aux Etats-Unis, ce chiffre était de 12% en 1998, il est aujourd’hui de 20%. En France, plus de 30% des 18-65 ans ne dorment que cinq heures et demie par nuit. Mais le record est détenu par la Corée, dont 37% des adultes consacrent moins de six heures au sommeil. Comme les petits dormeurs – cette catégorie de personnes à qui six heures de sommeil suffisent – ne représentent que 7% de la population, le calcul est vite fait. Les autres, le 83% de moyens dormeurs dont les besoins avoisinent sept à huit heures de sommeil par nuit, sont en déficit chronique. Et on ne parle pas des gros dormeurs, ces 10% qui peinent sans leurs neuf heures de sommeil quotidien…

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Les symptômes de cette dette? Rhumes fréquents, maux de tête ou de dos, difficultés à se concentrer, irritabilité, bâillements incessants. Et cette conséquence, plutôt inattendue, mais logique: parce que le manque de sommeil inhibe la sécrétion de leptine, l’hormone de la satiété, ne pas dormir en suffisance augmente le risque d’obésité. D’autant que l’individu épuisé a tendance à confondre faim et fatigue et privilégie le sucre pour se donner un coup de fouet. Dans l’ouvrage, les travailleurs de nuit, type routiers, soignants ou professionnels de la sécurité, confirment ce risque.

La micro-sieste, surévaluée

La solution? Simple comme bonjour. Pour retrouver ou préserver son équilibre, il suffit de s’assoupir ne serait-ce que 10 minutes par jour, vers 15 heures, heure à laquelle l’horloge circadienne provoque une baisse d’énergie naturelle. «En plus des grandes fatigues, assure Brice Faraut, la sieste lutte, comme le sommeil de nuit, contre la douleur, la morosité, la fragilité immunitaire, le stress, l’hypertension, le surpoids et les maladies cardiovasculaires.» Pourquoi, dès lors, ne pas la prendre au sérieux et lui accorder une place équivalente à celle qu’on réserve aux repas? D’autant qu’au paradis de la sieste, chacun peut choisir celle qu’il préfère. Petit guide «siestif».

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Sans y être totalement opposé, Brice Faraut ne conseille pas la micro-sieste, celle de Dali qui disait s’endormir en tenant un stylo à la main de sorte à se réveiller sitôt que l’objet chutait, car, affirme le neuroscientifique, la sieste éclair de 30 à 90 secondes ne réduit pas la fatigue. Elle n’améliore pas non plus «la vigilance subjective et objective, les performances et la vigueur».

A chacun sa sieste idéale

En matière de brièveté, le spécialiste recommande la sieste de 10 minutes, appelée power nap par les Anglo-Saxons. Elle est la plus pratiquée en milieu professionnel, car elle redynamise à court terme les performances cognitives. C’est la sieste idéale avant une séance ou un rendez-vous importants. Comme elle reste en sommeil lent léger -l'une des quatre phases du sommeil, elle évite à son bénéficiaire l’effet d’inertie ou sentiment vaseux au réveil. Dans le meilleur des mondes, il faudrait s’étendre pour cette sieste rapide, de sorte à éviter les tensions dans la nuque, mais la personne peut aussi incliner le siège de son bureau ou de sa voiture à 40°. En revanche, cette sieste légère ne diminue pas le stress et n’ensoleille pas son bénéficiaire.

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Pour atteindre ces résultats, il faut viser la sieste de 20 à 30 minutes. Celle-ci, qui inclut une phase de sommeil lent profond, atténue le stress, améliore l’humeur et renforce l’immunité. Surtout, surtout, c’est elle qui réduit les risques d’accidents cardiovasculaires. Malheureusement, elle peut provoquer un effet d’inertie au réveil. Pour lutter contre ce désagrément, on peut soit boire un café avant l'endormissement – la caféine met pile 20 minutes pour agir –, soit se programmer mentalement l’heure du réveil, ou encore se faire réveiller par une lumière particulière, celle qui bloque la sécrétion de mélatonine, l’hormone du sommeil, pour adoucir la phase de transition.

Le paradoxal pour les sportifs

Reste enfin la sieste d’une heure et demie, celle qui permet d’accomplir un cycle total de sommeil et, dès lors, d’atteindre la phase du sommeil paradoxal qui a aussi ses vertus. Pour mémoire, le sommeil paradoxal correspond à cette étape ultime durant laquelle le tonus musculaire est à plat et l’activité cérébrale à fond. C’est le moment des rêves, qui favorise la digestion des émotions et consolide la mémoire procédurale – cette mémoire qui permet de conduire ou de faire du vélo. «Les sportifs, les musiciens et les danseurs auraient intérêt à recourir à cette longue sieste pour améliorer l’habileté de leur mouvement», conseille Brice Faraut.

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Cette sieste est aussi idéale en fin matinée pour les personnes qui ont passé une nuit blanche, ce qui, en langage scientifique, se dit «rembourser une dette de sommeil immédiate». Bon à savoir pour l’été, saison propice à de fréquents «remboursements de dette de sommeil immédiate», non?