Publicité

Libertinage, antimonarchisme... Le vrai visage des comptines de notre enfance

Rue des Archives/©Rue des Archives/BCA

«Au clair de la lune», «Le Roi Dagobert»... Ces chansonnettes ont bercé nos jeunes années. Vous doutiez-vous de leur origine, parfois sulfureuse? Le Figaro vous propose, grâce à l’ouvrage Ce qu’on entend dans les chansons, des berceuses aux grands succès du répertoire français de Serge Hureau et d’Olivier Hussenet, de le découvrir.

Qui se souvient de la voix d’une mère, d’un père ou peut-être d’une grand-mère, nous chantant des berceuses pour nous endormir? Pour que la nuit fasse moins peur et que le silence soit moins pesant? Ces comptines , nous les transportons depuis. Certains connaissent même plusieurs strophes. Mais combien étions-nous à savoir que certaines cachaient une histoire étonnante et parfois, sulfureuse? Le Figaro vous propose, grâce à l’ouvrage Ce qu’on entend dans les chansons, des berceuses aux grands succès du répertoire français (Points) de Serge Hureau et d’Olivier Hussenet, de le découvrir.

» LIRE AUSSI - Pourquoi il est essentiel que vos enfants écrivent à la main

» VOIR AUSSI - Erotisme, torture, cannibalisme? la face cachée des comptines françaises

Erotisme, torture, cannibalisme ? la face cachée des comptines françaises - Regarder sur Figaro Live

C’est un peu le tube du répertoire enfantin: l’indémodable, l’intemporel «Au clair de la lune». Combien de parents ont endormi leurs bambins en leur fredonnant cette comptine, née sous le règne du Roi-Soleil, et que nous connaissons tous par cœur? «Au clair de la lune, / Mon ami Pierrot, / Prête-moi ta plume / Pour écrire un mot...» Mais sommes-nous bien certains de saisir le sens de cette petite histoire? En effet, elle est loin d’être innocente. «Car à mesure que l’on découvre les paroles de chacun de ses couplets, on prend conscience de quelle chose elle parle, de la chose précisément», notent les auteurs. La chansonnette met en scène Pierrot, un petit personnage «un peu mou, prêt à se mettre au lit tout seul» et Arlequin, dit «Lubin», «égrillard Vénitien à masque de chat à la batte toujours prête». Voilà six mois que ce dernier est privé de tout. Il n’a qu’une envie: «manger, boire et faire l’amour».

Face aux avances de Lubin, Pierrot l’envoie chez la voisine: «Je crois qu’elle y est. / Car dans sa cuisine, / On bat le briquet». Cette voisine, Colombine, «attend d’offrir la chaude hospitalité de son feu ou de tailler plus qu’une bavette, de tailler... une plume», précisent les auteurs. Lubin frappant à sa porte, «la brune» lui ouvre. Au dernier couplet de nous donner le fin mot de l’histoire: «Au clair de la lune, / On n’y voit qu’un peu. / On cherche la plume, / On cherche le feu. / En cherchant d’la sorte / Je n’sais c’qu’on trouva... / Mais je sais qu’la porte / Sur eux se ferma».

Antimonarchisme et libertinage...

«Le Roi Dagobert» est une chanson anonyme sur l’air de La Fanfare du cerf, une sonnerie de chasse. Elle naît dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Elle aussi l’expression d’un antimonarchisme certain. D’abord, entendons bien que la chanson «n’a presque rien à voir avec Dagobert Ier (né vers 602), vice-roi puis roi d’Austrasie, puis enfin roi des Francs à partir de 639. Rien si ce n’est son nom et celui de saint Éloi, évêque de Noyon, qui fut son ministre des Finances». En réalité, cette comptine, qui compte 22 couplets, est à l’origine une vaste moquerie. Elle tourne en dérision les Louis XIV, XV et XVI. Prenons le premier couplet: «Le bon roi Dagobert / Avait sa culotte à l’envers. / Le grand saint Eloi / Lui dit: Ô mon roi! / Votre Majesté / Est mal culottée. / C’est vrai, lui dit le roi, / Je vais la remettre à l’endroit». Selon Serge Hureau et Olivier Hussenet, nous pouvons y lire une «attaque déguisée envers le roi Louis XV» dont on raille les mœurs libertines.

Mais aussi, son avarice: «As-tu deux sous? Prête-les-moi» ou encore, le fait qu’il soit un mauvais chef de guerre: «Votre Majesté / Pourrait se blesser. / C’est vrai, lui dit le roi, / Qu’on me donne un sabre de bois» (couplet 12). Les détracteurs de Louis XVI n’hésitèrent pas non plus à évoquer la supposée tromperie de sa conjointe: «Marie-Antoinette était réputée avoir trompé le roi avec le comte suédois Axel de Fersen: le galant ‘‘assez vert’’ du couplet 19 semble évoquer le prétendu cocufiage de ce roi qui mit du temps à avoir des héritiers».

» LIRE AUSSI - Vous ne direz plus jamais ces expressions comme avant

Mais alors, comment expliquer que ce chant persifleur soit devenu une comptine? D’abord, sa structure répétitive mais surtout, «à cause du personnage du roi Dagobert qui se dessine au fur et à mesure des dialogues avec son conseiller saint Éloi: il apparaît comme un enfant malhabile, ignorant, peureux, capricieux et incapable de prendre une décision sans son précepteur».

«Ah! vous dirai-je, Maman»: cette rengaine est une déformation d’une chanson qui date du XVIIIe siècle, La Confidence. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle n’était absolument pas destinée aux enfants. En effet, «il s’agissait d’un texte d’initiation amoureuse, sous la forme de la confidence d’une jeune fille à sa mère. Cet aveu de la découverte de l’amour signale que la demoiselle a bel et bien quitté l’enfance». À savoir: «Ah! vous dirai-je, Maman / Ce qui cause mon tourment? / Depuis que j’ai vu Sylvandre, / Me regarder d’un air tendre, / Mon cœur dit à chaque instant / Peut-on vivre sans amant?» La première édition de cette petite histoire date de 1761 et est signée François Bouin. Elle relate ce geste du jeune homme qui se rêve berger: «Belle brunette, / Flore est moins belle que toi, / L’amour, moins tendre que moi.» Flore fait ici référence à «la déesse de la fertilité et du printemps» que l’on trouve dans Les Métamorphoses d’Ovide.

» Vous pouvez également suivre Figaro Langue française sur Twitter.
» Posez toutes vos questions sur la langue française grâce à notre Forum.
» Retrouvez notre rubrique langue française sur Le Figaro Store.

Libertinage, antimonarchisme... Le vrai visage des comptines de notre enfance

S'ABONNER
Partager

Partager via :

Plus d'options

S'abonner
12 commentaires
  • Signifer Ortog

    le

    Dans les années 60, une gamine à bien chantée le plaisir de sucer une sucette à l'anis, "Lorsque le sucre d'orge
    Parfumé à l'anis
    Coule dans la gorge d'Annie
    Elle est au paradis"
    et tout cela pour quelques pennys !

  • galite

    le

    Il y a jolie lurette que les pères de la psychanalyse ont révélé les ressorts sexuels tant des contes que des chansons dites enfantines.

À lire aussi