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La Poste condamnée à 120 000 euros d’amende pour prêt de main-d’œuvre illicite

En 2013, un coursier employé par un sous-traitant de Coliposte, filiale de l’entreprise publique, est mort. Seydou Bagaga n’était pas déclaré, ni payé, et n’avait pas de contrat de travail.

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Publié le 09 juillet 2019 à 11h37, modifié le 09 juillet 2019 à 17h16

Temps de Lecture 3 min.

La Poste s’est vu infliger, le 8 juillet, par le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) une amende de 120 000 euros pour prêt de main-d’œuvre illicite dans la livraison des colis.

C’est la première fois que La Poste, poursuivie pour prêt de main-d’œuvre illicite dans la livraison des colis, est condamnée pour cette infraction. L’opérateur public s’est vu infliger, le 8 juillet, par le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) une amende de 120 000 euros pour ce fait constitué à l’agence Coliposte d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). Le procureur avait demandé la « peine maximale » de 150 000 euros. Cette infraction vise à empêcher une entreprise de recourir, uniquement par souci d’économies, à un sous-traitant plutôt qu’à des embauches ou à l’intérim.

L’affaire avait été déclenchée par l’enquête de l’inspection du travail après la mort accidentelle le 8 janvier 2013 de Seydou Bagaga, un livreur malien en situation régulière, employé par un sous-traitant, DNC. Trois semaines plus tôt, l’homme, qui avait été recruté début décembre 2012, était tombé dans la Seine en tentant d’y récupérer un colis qu’il devait livrer sur une péniche à Boulogne-Billancourt.

L’enquête avait montré que M. Bagaga n’était pas déclaré, ni payé et n’avait pas de contrat de travail, ce que Coliposte ne pouvait ignorer. Son employeur DNC avait indiqué qu’il était « en formation » et qu’il devait être déclaré si cette période avait été concluante. Une disposition illégale « préférée » pourtant par La Poste, selon cet employeur. Ce que le responsable de l’agence avait démenti lors du procès le 12 mai.

Le patron de la société de sous-traitance, DNC, ainsi que le responsable de l’agence, poursuivis tous deux pour prêt illicite de main-d’œuvre et marchandage, ont été condamnés à six mois d’emprisonnement avec sursis. Le premier étant en outre poursuivi pour travail dissimulé.

Une seconde plainte

La Poste a réagi en indiquant qu’elle « va étudier cette décision (…) en vue d’un possible appel ». Et que l’« accident tragique » de M. Bagaga « n’est aucunement représentatif ni des conditions de travail des salariés des sous-traitants ni des conditions de recours aux entreprises sous-traitantes ».

Partie civile, aux côtés de la CGT et de l’UNSA, SUD-PTT s’est réjoui de cette condamnation qui « va crédibiliser ce que nous dénonçons depuis des années », indique Thierry Lagoutte, représentant du syndicat. Celui-ci a déposé une seconde plainte avec la CGT en octobre 2017 afin d’« étendre le périmètre du dossier à toutes les agences d’Ile-de-France », où la sous-traitance représenterait en moyenne 80 % de la livraison des colis, selon la CGT. La Poste se défend en avançant un taux de 20 % de sous-traitance sur la France entière.

L’enquête à Issy-les-Moulineaux avait montré que postiers et sous-traitants accomplissaient le même travail, triaient les colis côte à côte dans l’agence, que La Poste intervenait dans la gestion quotidienne des sous-traitants. Les livraisons les plus compliquées, c’est-à-dire chez les particuliers ou dans les entreprises, étaient destinées aux sous-traitants qui pouvaient avoir 100 ou 200 colis à distribuer dans la journée, contre une centaine pour les postiers qui, eux, amenaient les colis groupés dans les bureaux de poste ou les points relais.

« Rien n’a changé  »

Les sous-traitants travaillaient six jours sur sept, réalisant dans certains cas deux tournées par jour, « de 6 heures à 18 heures, mais seules 35 heures par semaine sont déclarées », indique Romain Ung, livreur détaché comme secrétaire départemental de SUD-PTT chez Coliposte Ile-de-France. « Il faut être sportif pour monter six étages par un escalier en bois à l’ancienne en portant jusqu’à 30 kg, souligne Nassim (prénom modifié), un salarié d’un sous-traitant à l’agence d’Issy-les-Moulineaux. Si le client est absent, il faut revenir le lendemain. Pour les postiers, c’est plus facile. » Une division sociale du travail, que cependant nie La Poste : « Tous les livreurs – postiers et sous-traitants sans distinction – distribuent les colis aux particuliers. »

La situation a-t-elle évolué depuis la mort de M. Bagaga ? Les réunions, qui étaient communes aux sous-traitants et aux postiers, ne le sont plus. « Depuis environ deux ans, chaque société de sous-traitance a un référent [chef d’équipe], qui est l’interlocuteur avec La Poste quand il y a un problème avec un de ses livreurs », précise Casimir Largent, secrétaire général de la CGT-La Poste à Paris. Cette mesure étant censée garantir la non-ingérence de La Poste dans la gestion quotidienne de l’activité du sous-traitant, un des éléments importants caractérisant le prêt de main-d’œuvre illicite. Et puis, « La Poste a mis un coup de peinture au sol pour délimiter une zone pour les sous-traitants et une pour les postiers, indique M. Lagoutte. Mais tout cela n’est qu’une opération de façade. Quand on discute avec les sous-traitants, on voit bien que rien n’a changé ».

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La sous-traitance est restée majoritaire à Issy-les-Moulineaux, selon SUD et la CGT. « On est quarante-trois salariés sous-traitants pour dix postiers, actuellement », précise Nassim. En 2013, ils étaient respectivement vingt-sept et six.

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