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Santé

Deux nouveaux antibiotiques prometteurs contre les bactéries résistantes

A partir d'une toxine bactérienne, des chercheurs rennais ont développé deux antibiotiques efficaces contre les bactéries résistantes aux antibiotiques.

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Deux nouveaux antibiotiques prometteurs contre les bactéries résistantes

En l'absence de politique adaptée contre l'antibiorésistance, en 2050 dans le monde 10 millions de personnes pourraient mourir d'infections par des bactéries antibiorésistantes, selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

TEK IMAGE / SCIENCE PHOTO LIBRARY / ABO / Science Photo Library / AFP

Un nouvel antibiotique vient d'être créé, issu d'une toxine… bactérienne ! Les chercheurs se sont en effet basés sur une protéine de staphylocoque doré, modifiée pour ne s'attaquer qu'aux bactéries. Une découverte importante, alors que nos antibiotiques sont de moins en moins efficaces en raison du développement de gènes de résistances chez les bactéries. Ces résultats sont publiés dans la revue Plos Biology.

L'antibiorésistance pourrait faire 10 millions de morts en 2050

Nos antibiotiques sont de moins en moins efficaces. Par leur usage trop - ou pas assez, selon les régions du monde - systématique et pas toujours approprié, ou encore des rejets dans l'environnement, les bactéries se retrouvent en contact avec des antibiotiques à une dose non létale… Leur donnant l'opportunité de survivre jusqu'à ce que certaines d'entre elles naissent porteuses d'une mutation génétique permettant d'y résister. Or, les bactéries possèdent un mécanisme appelé conjugaison, par lequel elles peuvent s'échanger les gènes utiles. Et ainsi répandre ces résistances.

Le résultat, c'est qu'en l'absence de politique adaptée, en 2050 dans le monde, 10 millions de personnes pourraient mourir d'infections par des bactéries antibiorésistantes, selon l'Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Un chiffre supérieur à celui du cancer, qui tue 8 millions de personnes par an. "La résistance aux antibiotiques constitue aujourd'hui l'une des plus graves menaces pesant sur la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le développement", alertait l'OMS en novembre 2018, craignant l'avènement "d'une ère post-antibiotique dans laquelle des infections courantes et de petites blessures seront à nouveau mortelles".

CONSEILS. Pour lutter à son échelle contre les antibiorésistances, pensez à ne prendre des antibiotiques que sur ordonnance, ce qui évite de les utiliser contre une maladie virale, contre lesquelles ils ne sont pas efficaces. De plus, finissez toujours votre prescription jusqu'au bout, même si vous allez mieux. Sans quoi, des bactéries survivantes pourraient en profiter pour développer des résistances. Retrouvez plus de conseils dans notre article sur l'antibiorésistance.

Une toxine bactérienne… antibactérienne !

Pour l'OMS et les différentes autorités de santé, les solutions sont multiples : mieux utiliser nos antibiotiques, les empêcher d'être relargués dans l'environnement, et bien sûr trouver de nouvelles molécules contre lesquelles les bactéries ne sont pas encore résistantes. C'est sur cette dernière option que se sont concentrés les chercheurs de l'Inserm et de l'université de Rennes. "Tout est parti d’une découverte fondamentale en 2011", explique Brice Felden, directeur du laboratoire ARN régulateurs bactériens et médecine de Rennes. "Nous nous sommes rendu compte qu’une toxine fabriquée par les staphylocoques dorés, dont le rôle était de faciliter l’infection, était également capable de tuer d’autres bactéries présentes dans notre organisme".

60 % de survie chez la souris après infection par des bactéries multirésistantes

Mais cette molécule ne pouvait pas être utilisée en l'état, car elle possédait "une double activité toxique (ndlr : pour nos cellules) et antibiotique". "Nous nous sommes dit que si nous arrivions à dissocier ces 2 activités, nous serions capables de créer un nouvel antibiotique dépourvu de toxicité sur notre organisme", relate Brice Felden. En collaboration avec des chimistes, l'équipe a pu synthétiser une vingtaine de versions raccourcies et modifiées de la protéine initiale. "Il a fallu la contribution et l’imagination de l’équipe et de nos collaborateurs chimistes pour concevoir les molécules les plus actives possibles", commente Brice Felden. Les tests sur la souris ont alors montré une efficacité de deux de ces molécules sur la vingtaine de départ, contre des Staphylocoques dorés et des Pseudomonas aeruginosas antibiorésistants. Pour tuer les bactéries, ces protéines modifiées se lient fortement avec la membrane bactérienne, qui devient alors poreuse et entraîne la mort des bactéries. Ils observent ainsi 60 % de survie chez les souris traitées, contre seulement 20 % dans le groupe contrôle sans le nouvel antibiotique.

Une molécule non toxique, qui ne semble pas entraîner le développement de résistances

Fait d'une importance majeure, les bactéries laissées en contact avec ces nouveaux antibiotiques n'ont pas développé de résistance, malgré les conditions voulues propices. Pour autant, l'expérience n'ayant duré que 15 jours, il faudra confirmer cette conclusion. De plus, aucune toxicité sur les autres cellules et organes, que ce soit chez l’animal ou sur des cellules humaines n’a été observée. "Nous les avons testés à des doses 10 à 50 fois supérieures à la dose efficace sans observer de toxicité", précise Brice Felden.

Prochaine étape : démarrer les essais cliniques de phase I, pour juger de la toxicité réelle chez l’humain volontaire sain. Le brevet vient d’être licencié et une start-up vient d’être créée.

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