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Mozambique : témoignages de résilience dans un pays ravagé par deux cyclones

Un enfant rempli un bidon d'eau dans le camp pour personnes déplacées par les récents cyclones au Mozambique.
Photo © UNICEF/Karel Prinsloo
Un enfant rempli un bidon d'eau dans le camp pour personnes déplacées par les récents cyclones au Mozambique.

Mozambique : témoignages de résilience dans un pays ravagé par deux cyclones

Climat et environnement

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres,  se rend jeudi et vendredi au Mozambique, un pays qui en mars, puis en avril, a été frappé par Idai, puis Kenneth, deux cyclones dévastateurs. Les travaux de reconstruction, estimés à 3,2 milliards de dollars, devraient bientôt commencer.

Lorsque les vents ont commencé à souffler dans la nuit du 14 mars, atteignant une vitesse maximale de 195 kilomètres à l'heure, le toit en tôle a été la première chose emportée de la maison de la famille Mutizo.

À l'intérieur du minuscule foyer, maintenu par des morceaux de plastiques, de carton et de briques, Laurinda, 62 ans ; ses deux enfants adultes, Teresa et Ernesto ; ainsi que le bébé d'un an de Teresa ; et deux adolescents que la famille a adoptés il y a des années, se sont serrés dans les bras, ensemble.

En un instant, le salon de coiffure de Teresa, attenant à leur maison, s'est tout simplement envolé.

Quelques instants plus tard, c'était l'atelier d'Ernesto, où le cyclone a détruit la photocopieuse et l'ordinateur dans lesquels il avait investi les économies qu'il avait réalisées en travaillant comme coiffeur.

La famille espérait que les deux petits machambas où Laurinda cultivait du riz, leur gagne-pain, survivraient. Mais le matin, ils ont découvert qu’ils avaient aussi été détruits.

Lorsque les Mutizos ont découvert que leurs moyens de subsistance avaient disparu, beaucoup d'autres familles en sont venues à la même conclusion : les cyclones ne laissent derrière eux que des débris là où il y avait des commerces. Selon les Nations Unies, le cyclone Idai a touché 1,85 million de personnes dans les provinces d'Inhambane, de Manica, de Tete, de Zambézia et de Sofala. Dans la ville de Beira en particulier, 90% des infrastructures ont été endommagées.

Six semaines plus tard, alors que les gens se remettaient à peine d'Idai, un deuxième cyclone dévastateur, Kenneth, a frappé les provinces de Cabo Delgado et de Nampula, au nord du pays, touchant plus de 400.000 personnes.

Les deux cyclones ont ensuite été suivis de semaines de pluies torrentielles. A un moment donné, un travailleur humanitaire de l'ONU a décrit la zone inondée comme « un océan intérieur » aussi grand que le Luxembourg, soit une superficie d’environ 125 kilomètres de long sur 25 kilomètres de large.

Des personnes marchent dans une zone inondée après l'arrivée du cyclone Idai à Beira,au Mozambique, le 24 mars 2019.
UNICEF/Prinsloo
Des personnes marchent dans une zone inondée après l'arrivée du cyclone Idai à Beira,au Mozambique, le 24 mars 2019.

Guterres au Mozambique

Le Secrétaire général de l'ONU, António Guterres, est attendu ce jeudi au Mozambique, quatre mois après la première catastrophe naturelle. Il rencontrera le President, Filipe Nyusi, et recevra des informations actualisées des agences sur le terrain avant de visiter certaines des zones affectées par les cyclones.

Le mois dernier, le Mozambique a accueilli une conférence des donateurs, espérant recueillir 3,2 milliards de dollars pour faciliter la reconstruction des zones touchées. Or, à ce jour, les bailleurs de fonds internationaux ne se sont engagés qu'à hauteur de 1,2 milliard de dollars.

A l'époque, le Secrétaire général de l'ONU avait déclaré que, « c'est le moment de traduire en gestes concrets notre solidarité avec un pays touché par l'une des pires catastrophes météorologiques de l'histoire africaine ». Avant d’ajouter que la catastrophe « nous met également en garde sur l'urgence de lutter contre le changement climatique ».

Résilience

António Guterres se rendra à Beira, la deuxième plus grande ville du Mozambique. Sur place, il visitera l'école 25 de Junho. C'est dans ce quartier que les Mutizos vivent, dormant dans des salles de classe surpeuplées et prenant des repas distribués par les agences des Nations Unies et leurs partenaires, jusqu'à ce qu'ils puissent réparer leur maison endommagée.

Frederico Francisco est le directeur de cette école qui accueille aujourd'hui environ 5.000 enfants, de la 1ère à la 9ème année. Organisé en trois équipes, à partir de six heures du matin, les garçons et les filles vêtus d'uniformes bleu foncé et bleu clair, remplissent les salles de classe qui peuvent regrouper jusqu'à 90 élèves. 

« Avant le cyclone, notre priorité était de construire des toilettes. Nous n'avons qu'une seule toilette pour les garçons et une pour les filles », explique M. Francisco. « Mais maintenant, les toits sont notre principale préoccupation ».

L'école dispose de cinq pavillons différents. L'une d'eux a été achevé l'année dernière et construit par la communauté. Les fenêtres sont toujours brisées et les toits de tôle ont été emportés par le vent, quelques morceaux arrachés restant suspendus au-dessus des élèves alors qu'ils apprennent les mathématiques et les sciences sous le soleil.

Au milieu du campus, un pavillon a survécu, intact. Il a ouvert ses portes en février, un mois avant le cyclone, et a été construit par ONU-Habitat, avec une grande prise en compte de la résilience aux événements climatiques extrêmes.

C'est là qu'Ivanilda Samuel, 10 ans, étudie le portugais, sa matière préférée. Elle aimerait que son école ait un nouveau toit. Mais elle est heureuse d'être retournée à l'école après seulement deux semaines. La jeune fille a dit avoir « eu très peur » pendant le cyclone et que retourner en classe, avec tous ses amis, l’a aidée à ne plus penser à cette nuit-là.

Une femme avec son bébé dans un camp pour personnes déplacées par les cyclones dans les environs de Beira, au Mozambique.
Photo UNICEF/Karel Prinsloo
Une femme avec son bébé dans un camp pour personnes déplacées par les cyclones dans les environs de Beira, au Mozambique.

Retour à la vie

Comme Ivanilda, la plupart des Mozambicains ont essayé de retrouver une vie normale. Les Mutizos préparent des bolinhos, une pâte au beurre frit, qu'ils vendent dans la rue avec d'autres bonbons. la ville de Beira a été nettoyée, avec l'aide de plus de 40 camions mis à disposition par des entreprises privées. Dans les zones les plus touchées par le cyclone Idai, la distribution de nourriture d'urgence touche à sa fin, après une période de trois mois et quelques prolongations. Il en sera de même fin juillet dans les quartiers touchés par le cyclone Kenneth.

Le Coordonnateur des secours d’urgence du Programme alimentaire mondial (PAM) à Idai, Peter Rodrigues, a déclaré que son agence avait atteint à ce jour environ 1,6 million de personnes. Dans la deuxième phase de distribution alimentaire, qui durera jusqu'à la prochaine campagne agricole, vers mars 2020, le PAM aidera « entre environ 600.000 à 700.000 personnes vulnérables de plus », pour un coût de 110 millions de dollars.

À l'heure actuelle, tous les logements temporaires ferment. A Beira, environ 46.000 personnes vivent dans 15 camps de réinstallation permanents. Dans les zones qui ont été durement touchées par le deuxième cyclone, environ 1.300 personnes vivent dans des camps.

Hortênsia Arnaldo Abreu Júlio, 26 ans, et ses trois enfants font partie des familles qui ne rentrent pas chez elles. Elle vivait à Mataquari, un quartier de Beira, mais sa maison a été complètement détruite. « Il n'y a plus rien sur place pour que j'y retourne », dit-elle.

Lorsque le cyclone a frappé, elle et ses enfants, âgés de 5 à 11 ans, ont déménagé chez sa mère. Quand la maison est devenue dangereuse, ils se sont réfugiés dans la voiture de son frère pendant quelques jours. Elle a ensuite vécu dans un abri temporaire dans une école et a ensuite été transférée dans un centre communautaire.

Elle dit qu'elle « n'avait plus aucun moyen de trouver quelque chose pour nourrir les enfants ». Dans ces centres, elle pouvait avoir quelque chose à leur donner à manger, au moins un peu de riz, de la farine, des haricots, quelque chose à manger ».

Elle a ensuite obtenu un logement permanent dans le camp de Mutuwa, à environ 40 minutes au nord de Beira, avec environ 375 autres familles. Ils vivent dans des tentes fournies par l'Agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), et d'autres partenaires. Beaucoup viennent de villages qui sont constamment inondés et qui ne sont plus considérés comme sûrs pour y vivre.

Aruminda avec son frère Antonio dans un camp de personnes déplacées par le cyclone Idai au Mozambique.
Photo : UNICEF/De Wet
Aruminda avec son frère Antonio dans un camp de personnes déplacées par le cyclone Idai au Mozambique.

Les trois enfants d'Hortênsia ont recommencé à retourner à l'école, dans un camp soutenu par l'ONU, mais elle craint que ce ne soit pas « une école permanente », où ils n'obtiendront pas un certificat pour leurs études et leurs progrès en classe. Sa tente est parfaitement organisée, avec une division au milieu, des vêtements parfaitement pliés et rangés en petits tas, des casseroles et des poêles près de l'entrée, près du feu qu'elle allume quelques fois par jour pour cuire le riz et les haricots qu'elle a reçus.

Autour de la tente, elle a pu cultiver une dizaine de plants de légumes différents en quelques semaines. Il y a des haricots, des patates douces, des oignons, et elle a même commencé à récolter des légumes verts.

« Une parcelle de terre a toujours été mon rêve », dit-elle. Hortênsia « pleurait beaucoup » après le cyclone, lorsque ses enfants ont dû coucher avec des dizaines d'étrangers dans des pièces bondées. « J'ai prié pour une maison et un terrain. Un endroit où moi et mes fils pourrions être en sécurité ».

Dans le camp, elle a recommencé à rêver d'une maison. Elle espère obtenir des matériaux pour ensuite pouvoir construire sa maison elle-même. C'est également dans le camp qu'elle a découvert qu'elle porte le nom de fleurs, les hortensias, et qu'elle s’est émerveillée de leur beauté lorsqu'on lui montrait des photos sur un smartphone.

« Peut-être qu'un jour, je les planterai devant ma maison », dit-elle. « Pouvez-vous imaginer, après tout cela, avoir une maison et des fleurs ? Les gens ne le croiraient  pas ».