Pénuries de médicaments : greffé du rein, il doit s'approvisionner à 400 km de chez lui

Greffé du rein depuis 19 ans, Alain, habitant l'Essonne, prend quotidiennement un médicament pour éviter un rejet. Mais face à la pénurie, il a dû s'approvisionner en Vendée.

Alain, greffé depuis près de 20 ans, a besoin de prendre quotidiennement du CellCept pour rester en vie
Alain, greffé depuis près de 20 ans, a besoin de prendre quotidiennement du CellCept pour rester en vie. Le médicament coûte plus de 55 euros la boîte, remboursé à 100% (©DR)
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C’est un cri du cœur, un appel à l’aide. Vendredi 4 juillet 2019, en fin d’après-midi, Hélène a laissé éclater son indignation et sa colère sur les réseaux sociaux

La pharmacie vient de me signaler que ce médicament (CellCept) est en rupture fabricant. C’est un traitement anti-rejet vital pour tous les transplantés. Cette rupture est due au fait que les laboratoires vendent aux pays les plus offrants dont ne fait évidemment pas partie la France. Impensable et scandaleux en 2019. Il y a un vrai danger de mort pour tous les greffés !

Ces mots, elle ne les écrit pas pour elle, mais pour son mari, greffé du rein. Alain, 55 ans, souffre de la maladie de Berger, une maladie auto-immune atteignant les reins, et n’a pas eu d’autre choix, il y a presque 20 ans, que de subir une lourde transplantation. « A l’époque, il avait un rein qui ne fonctionnait plus, l’autre qui était attaqué à 80% », se souvient Hélène.

Le couple, qui vit à Breuillet (Essonne), a surmonté les difficultés, conscient que la santé d’Alain resterait désormais fragile.

« Chaque jour, je prends environ une quinzaine de médicaments, confie l’Essonnien. Après la greffe, les premiers temps étaient difficiles et le CellCept 500 mg était le médicament anti-rejet que je supportais le mieux. Aujourd’hui, il est vital pour moi. »

Le 4 juillet, Hélène, la femme d'Alain, a posté un message sur les réseaux sociaux pour témoigner sur les conséquences
Le 4 juillet, Hélène, la femme d’Alain, a posté un message sur les réseaux sociaux pour témoigner sur les conséquences (©Copie d’écran Facebook)

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Les médicaments vitaux de plus en plus touchés

A raison de trois comprimés par jour, le malade ne peut donc pas se permettre de manquer de stock. Le médecin de la famille, contacté par Actu Essonne, confirme :

En cas d’arrêt de la prise de ce médicament, la dégradation de l’état de santé peut être assez rapide, en quelques jours.

Et c’est justement là que le bât blesse. Ces dernières années, le marché français du médicament est en proie à des pénuries touchant notamment les médicaments d’intérêt thérapeutique majeur (MITM).

En cause ? La hausse de la demande mondiale, l’augmentation du prix de vente de certains traitements jugés peu attrayants par les laboratoires ou les intermédiaires, mais aussi une politique de « flux tendus » visant à limiter les stocks.

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« C’est une tendance de fond qui s’accentue ces derniers mois, observe le médecin d’Alain. Elle touche de plus en plus de médicaments vitaux comme les anti-cancéreux, les produits contre l’hypertension, les corticoïdes, et donc les médicaments anti-rejet d’organe. »

Un quart des Français touché

D’après une enquête publiée en janvier 2019 à l’initiative de France Assos Santé, un quart des Français s’est déjà vu refuser la délivrance d’un médicament ou d’un vaccin pour cause de pénurie.

Et Hélène en a fait le malheureux constat :

Mon pharmacien m’a dit qu’il n’en avait plus et que le produit était en rupture de fabrication. On a fait plusieurs pharmacies et c’était pareil. C’est la première fois que ça nous arrive. Finalement, une des mes filles qui vit en Vendée a réussi à s’en procurer. Elle va pouvoir nous le ramener pendant les vacances.

Plusieurs pharmaciens consultés nous ont confirmé l’information : « Oui, le CellCept 500 mg est en rupture fabricant, confie l’un d’eux. Sur ce genre de médicament de forte importance, le marché à tendance à se tendre ces dernières années. »

Un autre explique que « les labos tentent de faire grimper les prix sur des médicaments au ‘service médical rendu élevé’, alors que l’Etat fait tout pour qu’ils soient au maximum accessibles, c’est-à-dire remboursables. Il y a des négociations. » Avant de préciser : « il existe néanmoins des génériques, y compris pour le CellCept. »

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« Ce n’est pas du Doliprane »

Mais encore faut-il que ces génériques soient tolérés par les malades. Dans le cas d’Alain, son chirurgien lui a déconseillé les génériques, prétendant qu’il n’avait pas assez de recul.

Là encore, son médecin traitant acquiesce : « Le problème de ces médicaments, c’est que la tolérance est sensible. Quand un produit vous convient, vous avez donc tendance à le garder. »

Si Alain avait encore sous la main assez de comprimés pour dix jours de traitement, ce n’est pas forcément le cas de tout le monde : « On parle quand même de la vie des gens, ce n’est pas du Doliprane, rappelle-t-il. Comment font les gens qui sont ric-rac ? »

Des mesures annoncées par le gouvernement

Contacté, le laboratoire Roche, qui fabrique le CellCept, assure qu' »il n’y a jamais eu de rupture de stock grâce à une gestion responsable », mais admet « certaines tensions d’approvisionnement » :

A partir de mi-juin, il y a eu des retards dans les approvisionnements chez les grossistes répartiteurs. Mais suivant les besoins formulés par les officines, nous avons pioché dans nos stocks de dépannage.

La direction assure par ailleurs qu’un premier réapprovisionnement a été effectué fin juin, avant un deuxième début juillet : « Cette semaine, un dernier arrivage va permettre de rééquilibrer les stocks. Tout sera revenu à la normale en fin de semaine prochaine. »

En attendant, la ministre de la Santé Agnès Buzyn a présenté lundi 8 juillet une série de mesures pour éviter qu’une telle crise ne se reproduise à l’avenir. Parmi elles : pouvoir fournir aux patients la « date approximative » de la prochaine disponibilité d’un médicament.

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