A la barre

Actions antimigrants : prison ferme requise contre trois cadres de Génération identitaire

Le 22 avril 2018, les prévenus avaient préparé et organisé des opérations antiréfugiés aux cols de l’Echelle et de Montgenèvre au-dessus de Briançon.
par François Carrel, Correspondant à Grenoble
publié le 11 juillet 2019 à 20h32
Le procès de trois responsables de l’association d’extrême droite Génération Identitaire (GI) s’est tenu ce jeudi devant le tribunal correctionnel de Gap (Hautes-Alpes), plus d’un an après les opérations antimigrants qu’ils avaient préparées et dirigées sur la frontière montagnarde franco-italienne, aux cols de l’Echelle et de Montgenèvre au-dessus de Briançon. Les prévenus étaient poursuivis, conjointement à l’association GI elle-même, pour «activités exercées dans des conditions à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique», délit passible d’un an de prison et 15 000 euros d’amende.
Des trois prévenus, seul le président de GI, Clément Gandelin, alias «Clément Galant», s’est présenté devant le tribunal. Il a dénoncé un «procès politique» avant de se murer dans le silence durant toute l’audience. Les deux autres prévenus, Romain Espino, porte-parole de GI, et Damien Lefevre, alias «Damien Rieu», ex-cadre de l’association et assistant parlementaire du député RN Gilbert Collard, ne se sont pas présentés.

Remises de migrants et dénonciations

Du 21 au 22 avril 2018, à la tête d’une centaine de jeunes militants vêtus de doudounes bleu et sous la bannière «Defend Europe», ils avaient soigneusement mis en scène une fermeture de la frontière au col de l’Echelle, point de passage enneigé emprunté par les migrants, pour démontrer, rondes à l’appui, «que ce que les dirigeants politiques ne font pas est possible puisque des militants le font». Dans les jours suivants, une partie des militants, toujours revêtus de leur tenue évoquant un uniforme policier, avait multiplié les «patrouilles» autour de Briançon et du poste frontière du col de Montgenèvre. L’enquête, détaillée durant le procès, a confirmé qu’ils avaient bien procédé à des remises de migrants à la police aux frontières et dénoncé à la gendarmerie un automobiliste «avec des gens de couleur qui se cachaient» à bord.
Ce procès était très attendu par les défenseurs locaux des droits de migrants, au premier rang desquels l’association «Tous Migrants». Cette dernière n’a eu de cesse de dénoncer le «deux poids deux mesures» du parquet, puisque le procureur de la République de Gap, Raphaël Balland, avait très tôt classé sans suite une première enquête préliminaire à l’encontre des militants de GI, tandis qu’il avait poursuivi, et obtenu la condamnation dans les mois suivants, de militants solidaires accusés d’avoir facilité le passage de la frontière à des migrants. Le procureur avait cependant ouvert une nouvelle enquête contre GI en mai 2018, pour «immixtion dans une fonction publique». Un an plus tard, il envoyait GI devant le tribunal, sans avoir retenu ce délit cependant, ne retenant que celui de «confusion avec l’exercice d’une fonction publique», moins grave.

«Etes-vous officier de police judiciaire ? Procureur ?»

Tous Migrants n’a pas laissé passer l’occasion de ce procès : elle demande à être reconnue partie civile et son avocate, Maeva Binimelis, a pu plaider à l’audience, pour dénoncer les «atteintes aux droits fondamentaux de ceux qui sont la cible de GI», rappelant que «le franchissement d’une frontière intérieure n’est pas un délit». Elle a demandé la condamnation de Génération identitaire à l’euro symbolique.
Le procureur a détaillé l’ensemble de l’opération de GI et ses «trois piliers» : «L’action du 21 avril», «les maraudes pour appréhender des migrants» et la volonté de «démontrer que les associations pro-migrants faisaient passer des migrants illégalement». Il a fermement interpellé GI : «Appréhender des migrants, enquêter sur les pro-migrants qui seraient complices des passeurs, mais de quel droit ? […] Etes-vous officier de police judiciaire ? Procureur ?» Relevant un «enfumage» de GI, il a requis 6 mois d’emprisonnement ferme et l’interdiction d’exercer les droits civiques pendant un an à l’encontre des 3 prévenus, et 75 000€ d’amende à l’encontre de l’association GI.
Des réquisitions qualifiées par l’avocate de Tous Migrants de «sévères mais justifiées, contre des personnes qui ont un casier judiciaire pour des infractions qu’ils ont commises dans le même contexte et qui n’ont plus droit à du sursis», saluant «un véritable travail juridique réalisé par le parquet». Me Pierre-Vincent Lambert, avocat de GI, a au contraire déploré la tenue «d’une pièce de théâtre politico-médiatique plus qu’un procès pénal» contre une «action médiatique» d’un «mouvement politique». Sa ligne de défense : à aucun moment ses clients n’ont formellement tenté de se faire passer pour des policiers… Le jugement a été mis délibéré et sera rendu le 29 août prochain.
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