La Corée du Nord lance un logiciel à la gloire du parti unique

Le 5 juillet, la Corée du Nord a annoncé le lancement d’un logiciel dédié à l’enseignement de l’idéologie du parti unique aux citoyens nord-coréens.
La Corée du Nord lance un logiciel à la gloire du parti unique

Le 5 juillet, la Corée du Nord a annoncé le lancement d’un logiciel dédié à l’enseignement de l’idéologie du parti unique aux citoyens nord-coréens. Une forme de contre-offensive  face aux influences étrangères qui s’introduisent de plus en plus dans le pays. 

Le pays le moins connecté du monde entame une offensive technologique. À l’occasion des 25 ans de la mort du fondateur de la « République populaire démocratique de Corée » Kim II Sung, la péninsule a fait une annonce pour le moins surprenante : le lancement d’une plateforme à visée éducative sur la pensée des fondateurs de la nation. 

Selon un article publié le 5 juillet par Rodong Sinmun, un quotidien officiel du parti, ce logiciel contiendra des écrits du défunt Kim II Sung, de Kim Jong-il – son fils et leader du pays jusqu’en 2011 – et des propos du dirigeant actuel Kim Jong-un. Le programme intitulé Chongseo 1.0 sera distribué via le réseau Intranet – un réseau informatique privé, interne au pays – et compatible avec les systèmes d’exploitation de Windows et de Red Star OS, le Linux nord-coréen. La deuxième version, déjà en cours de développement, devrait inclure d’autres options comme la synthèse vocale, soit la lecture des textes avec un synthétiseur vocal. « Les Nord-Coréens doivent faire plus d’efforts pour apprendre les enseignements du fondateur Kim », avance un article publié le 8 juillet dans le même média officiel Rodong Sinmun. 

Une contre-offensive technologique

« Cette attention portée à l’idéologie fait partie d’une stratégie plus large du gouvernement nord-coréen de répliquer face aux influences étrangères qui s’introduisent de plus en plus dans le pays  », analyse la BBC. En 2016, l’ONG américaine Human Right Foundation a en effet lancé une offensive technologique du nom de Flash Drives for Freedom. Le projet vise à transmettre de l’information aux citoyens nord-coréens via des clefs USB, transmises grâce à un réseau illégal transitant par la Chine, des ballons ou des drones envoyés depuis la frontière entre les deux Corées. Les activistes revendiquent 1,3 million de personnes touchées (à la fin 2018).

 

« Pour le régime, une clef USB est une menace bien plus importante qu’une bombe nucléaire »

La raison de ce succès s’explique par l’envie des Nord-Coréens d’accéder à la culture, explique à CBC Alex Gladstein, directeur de la stratégie de Humans Rights Foundation : « Cette dernière décennie, il est devenu commun, pour les Nord-Coréens, de regarder en secret des programmes de divertissement. Mais ce qui est intéressant, c’est que depuis quelques années, ils sont aussi en demande d’un nouveau type d’informations ».

Les activistes envoient donc illégalement via ces clés USB des drama sud-coréens – très populaires au Nord, mais aussi des documentaires sur des faits politiques majeurs comme le Printemps arabe, des informations sur la Corée du Sud, ou des pages Wikipédia dédiées à Kim Jong-Un ou à la Corée du Nord. Ces contenus sont souvent choisis par les réfugiés nord-coréens en Corée du Sud, qui connaissent bien les besoins des habitants locaux, précise CBC. 

Ces outils de transfert sont une réelle menace pour l’État nord-coréen. « Pour le régime, une clef USB est une menace bien plus importante qu’une bombe nucléaire », déclarait en 2017 le réfugié nord-coréen Jung Gwang-il dans une interview pour la chaîne YouTube Jigsaw. L’État coréen l’a bien compris et met les bouchées doubles pour contrôler ces risques, comme l’a révélé une enquête d’Amnesty International en 2016 : « Des moyens de plus en plus sophistiqués sont utilisés par le régime totalitaire pour repérer les appels internationaux et le visionnage de films étrangers », développe le rapport. La Corée du Nord dispose par exemple de son propre antivirus et a investi dans la formation d’une armée de 1200 hackers peu après l’arrivée de Kim Jong-un au pouvoir en 2011. 

L’insaisissable Intranet nord-coréen

L’histoire technologique de la Corée du Nord est très récente et encore peu connue. Après avoir créé son Intranet en 2000, le pays a adopté en 2002 le réseau GSM, avant de le geler en 2004, puis de le réinstaurer en 2008, cette fois-ci avec la technologie 3G. La péninsule produit aussi ses propres smartphones avec des composants chinois, dont le dernier en date, du nom de « Pyongang 2425 », est sorti en avril dernier. Mais pas question pour les citoyens coréens d’avoir accès au réseau Internet classique. La péninsule a préféré développer son Intranet, composé d’une faible quantités de domaines.

Une ouverture accidentelle du réseau en 2016 a permis au monde entier d’y accéder. Au total, le réseau ne compterait que 28 sites, selon le réseau social Reddit qui les a listés. Le site Sogwang détenu par l’État affirme que les Nord-Coréens utilisent le réseau Intranet pour jouer à des jeux, lire des livres, écouter de la musique, faire du karaoké et apprendre à cuisiner. 

Bien installé, cet Intranet n’est toutefois pas accessible à tous les citoyens puisque l’utilisation d’un ordinateur personnel est conditionné à l’obtention d’une autorisation officielle. En outre, le seul fournisseur officiel d’ordinateurs, Morning Panda, n’en produit qu’un millier par an. Et ce sont majoritairement les habitants de la capitale qui y ont accès dans les universités, les bureaux gouvernementaux ou les cybercafés. Surtout, la Corée du Nord est bloquée sur le plan technique : le pays est souvent victime de coupures d’électricité et son réseau est fortement dépendant de la Chine, qui a le pouvoir de couper la connexion à tout moment. 

 

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Image à la Une : Une clef USB est insérée à l’intérieur d’un portrait de Kim Jong-un, l’actuel dirigeant de la Corée du Nord, pour dénoncer la dictature / Flash Drives for Freedom 

 

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