Ce n'est pas une pratique nouvelle mais le grand public l'a découvert récemment dans une vidéo L214. On y voit des vaches dont l'estomac a été perforé par un trou et dans lequel un hublot a été posé pour étudier leur digestion. Le groupe Avril, mis en cause, défend un procédé utilisé exclusivement à des fins de recherche.Il est, en ce sens, soutenu par le gouvernement. 

"C’est affreux", "révoltant", "horrible". Les réactions outrées se sont multipliées après la diffusion, fin juin, d’une vidéo d’une "vache à hublot" par L214, une association qui défend les droits des animaux. Les estomacs des six vaches filmées ont été perforé d’un trou de 15 cm dans lequel un hublot a été posé pour étudier leur digestion. Les images ont été tournées entre février et mai 2019 dans un centre expérimental du groupe agro-industriel Avril dans la Sarthe.
"Les manipulations sont nombreuses : en période d’expérimentation on peut ouvrir et refermer leur hublot six fois en l’espace de 48 heures pour y faire des prélèvements", décrit L214, "Sans compter la pose même du hublot, une opération invasive qui génère des douleurs postopératoires et nécessite une prise de médicaments durant plusieurs jours – des antibiotiques durant deux semaines-, selon un opérateur du centre".
Une pratique déjà appliquée en 1970
Le groupe Avril mis en cause, déplore "la manipulation d’images montées, tournées de nuit à des fins sensationnalistes". Et de poursuivre : "Ce procédé est utilisé dans le monde entier exclusivement à des fins de recherche. Il s’accompagne d’un suivi vétérinaire extrêmement rigoureux et représente à l’heure actuelle l’unique solution permettant d’étudier la digestion des protéines végétales".
De fait, l’Institut national de recherche agronomique (INRA) a déclaré à l’AFP utiliser également cette technique sur une trentaine de vaches. Et le Monde a retrouvé dans les archives de l’Institut national de l’audiovisuel (INA) un documentaire datant de 1970 décrivant cette technologie : "les fistules sont un livre ouvert sur les mystères de la genèse de nos plats favoris".
La science contre le bien-être animal
Mais cette pratique, aussi vieille soit-elle, le grand public vient, lui, de la découvrir. Et il est sous le choc. Au fil des années, le bien-être animal a pris une place grandissante dans le débat public, notamment sous l’impulsion des vidéos chocs de L214. Les marques ont dû s’adapter à ce nouveau paradigme et s’imposer des meilleures pratiques. Panzani, Système U, Monoprix, Casino… plusieurs entreprises ont ainsi décidé, sous la pression des consommateurs, de ne plus vendre d’œufs de poule en batterie à des échéances allant de 2020 à 2025. Les vaches à hublot suivront-elles la même issue ?
L’INRA, tout comme le groupe Avril, ont annoncé vouloir mettre fin à cette pratique d’ici 2025. Mais le gouvernement, lui, la défend. "C’est choquant", a reconnu la secrétaire d’État à la Transition écologique Brune Poirson chez Public Sénat mais "ce sont des pratiques scientifiques et qui ne font pas souffrir l’animal. On en est sûr car on sait mesurer le stress chez les animaux". Même son de cloche chez le ministre de l’Agriculture Didier Guillaume qui défend la recherche. Des arguments qui font suite au discours politique générale d’Edouard Philippe à l’Assemblée nationale. Le Premier ministre avait alors déclaré : "Je crois en la science. Je voudrais qu’elle ait plus de place dans le débat public et que nos choix sont dictés par elle".
Marina Fabre, @fabre_marina

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