Trois raisons d’aller voir l’exposition Berthe Morisot

LE PARISIEN WEEK-END. Le Musée d’Orsay, à Paris, a rassemblé 73 toiles de la peintre française, pilier de l’impressionnisme. Une grande artiste, injustement méconnue.

 Avec des cadrages modernes, elle représentait souvent ses personnages près d’une fenêtre, comme dans son «Eugène Manet à l’île de Wight» (1875).
Avec des cadrages modernes, elle représentait souvent ses personnages près d’une fenêtre, comme dans son «Eugène Manet à l’île de Wight» (1875). SP/Bridgeman

    Berthe Morisot (1841-1895) fut une impressionniste novatrice, et l'une des rares femmes de ce groupe. Le Musée d'Orsay, qui abrite le plus grand nombre d'œuvres de ce mouvement, ne l'avait pourtant jamais mise en vedette. L'erreur est aujourd'hui réparée, à la faveur de l'exposition de 73 toiles, dont la moitié provient de collections particulières. Cette sélection, axée sur les portraits, contribue à battre en brèche certains clichés. Derrière l'image d'une bourgeoise parisienne qui apprendrait à peindre auprès de ses sœurs pour tuer le temps se cache une acharnée de travail, ne vivant que pour l'art.

    « Je n'obtiendrai mon indépendance qu'à force de persévérance et en manifestant très ouvertement l'intention de m'émanciper », écrit-elle en 1871. Rétive au mariage, elle finira, après avoir repoussé tous ses prétendants, par épouser l'un des deux frères de son ami Edouard Manet, Eugène. Comme ses pairs impressionnistes, elle cultive une fascination pour les variations de lumière, le goût du travail en plein air, et un rapport sensible, presque sensuel, à la couleur.

    1. Une icône de l'impressionnisme

    « Il n'y a, dans tout le groupe révolutionnaire, qu'un impressionniste, c'est madame Berthe Morisot », écrit le journaliste Paul Mantz, en 1877. Elégante formule qui témoigne du talent de la trentenaire. La peintre participe à toutes les expositions du mouvement, sauf en 1879, juste après la naissance de sa fille Julie, l'un de ses futurs modèles.

    Contrairement à sa consœur Eva Gonzalès, qui s'inspire ouvertement d'Edouard Manet, Morisot veut imposer son style. « Comme arrangement, cela ressemble à un Manet et j'en suis agacée », écrit-elle à propos de « Femme et enfant au balcon » (1874). Elle y parviendra, avec autant de force que de grâce.

    2. Une technique de peinture très singulière

    Prêt exceptionnel du musée Marmottan-Monet, un Autoportrait tardif de 1885 présente des pourtours restés vierges de tout motif. Négligence ? Flemme de l'artiste ? Loin de là ! Parmi ses petits camarades, Berthe Morisot est celle qui pousse à leur paroxysme les expérimentations dans le domaine du « non-fini ».

    Autoportrait de Berthe Morisot (1841-1895). Musée Marmottan
    Autoportrait de Berthe Morisot (1841-1895). Musée Marmottan SP/Bridgeman

    En 1880, un critique va jusqu'à la surnommer « l'ange de l'inachevé ». Avec le temps, son geste s'accélère, au point que sa touche s'apparente parfois à de lumineux traits de crayon, comme autant de rayons de couleurs nerveusement couchés sur la toile. Rapide comme l'éclair, Berthe est passée maître dans l'art de la suggestion, visée ultime de l'impressionnisme.

    3. Des tableaux aux cadrages novateurs

    La modernité de Berthe Morisot tient moins au choix de ses thèmes qu'à son art de la mise en scène et du cadrage. Ses personnages, elle les représente le plus souvent près d'une fenêtre, sur un balcon, sous une véranda, dans des espaces entre intérieur et extérieur, qui invitent, selon elle, à la rêverie.

    L'artiste a aussi tendance à resserrer ses cadrages, afin de souligner le caractère intime de scènes domestiques. Dans « Jeune femme se poudrant », elle était allée jusqu'à replier les bords de la toile, faisant disparaître un flacon sur la gauche, et un tableau dans le coin supérieur droit. Ce portrait de 1877 est présenté déplié à Orsay.

    «Berthe Morisot (1841-1895)», jusqu'au 22 septembre au Musée d'Orsay, Paris (7e). www.musee-orsay.fr