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En Bretagne, le tsunami d'algues vertes fait désordre

Dans la baie de Saint-Brieuc, la marée verte n'a jamais été aussi massive et précoce. Le phénomène semble avoir été géré de façon hasardeuse par les collectivités.

Pierre Bafoil , Mis à jour le
Les algues vertes sont de retour dans la baie de Saint-Brieuc.
Les algues vertes sont de retour dans la baie de Saint-Brieuc. © Sipa

La quantité d'algues vertes échouées dans la baie de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor) a été historique ces dernières semaines. Les conditions météorologiques hivernales et printanières ont favorisé une prolifération exceptionnelle assez mal gérée. "On a fait face à un tsunami", soupire Jean-Yves Le Guern, responsable de l'usine de valorisation organique de Lantic, qui traite les algues vertes de la baie briochine. Incapable de faire face, cette dernière a fermé ses portes le 3 juillet. À Lantic, on sèche les algues vertes afin qu'elles ne libèrent pas d'hydrogène sulfuré, ce gaz toxique mis en cause dans plusieurs morts, humaines et animales, ces dernières années. En quelques semaines et bien plus tôt qu'habituellement, l'usine a dû engranger plus de 8.000 tonnes d'algues, soit la quantité totale de l'an passé.

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Une odeur pestilentielle s'est vite dégagée du bâtiment, à tel point que les riverains ont menacé de le bloquer. "J'ai dû fermer, les conditions de sécurité n'étaient plus réunies, s'agace Thierry Burlot, président du syndicat Kerval, qui gère l'usine. Les algues étaient pleines de vase, j'ai des milliers de mètres cubes de jus toxique. Je n'ai pas compris s'ils ramassaient différemment cette année, mais j'ai dit aux collectivités : 'Débrouillez-vous'."

Séchage sous la pluie

Vérification faite, la façon de collecter n'a pas changé. Elle n'a d'ailleurs pas évolué depuis des décennies. "C'est le problème, on a les mêmes moyens que nos grands-parents quand ils étaient enfants, peste Mickaël Cosson, le maire d'Hillion, dans la baie, qui a dû fermer trois plages face à la prolifération d'algues vertes. Il faudrait aller chercher les algues en mer avant échouage." Une option appelée de leurs vœux, en vain, par tous les acteurs depuis longtemps.

Pour l'instant, les prestataires missionnés par l'agglomération de Saint-Brieuc envoient des tracteurs charger les algues sur l'estran et les déposer en amont pour les égoutter pendant quarante-huit heures avant qu'une autre société ne les transporte. Mais cette année, des ondées sont venues perturber le processus et accélérer la putréfaction d'algues qui, arrivées à l'usine, étaient décomposées et pleines de sable. D'où la vase et l'odeur. Étrange de les avoir fait sécher sous la pluie.

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On n'a jamais été confronté à de telles quantités depuis que les mesures existent

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"On ne peut pas faire autrement, grommelle Claude Blanchard, le vice-président de Saint-Brieuc Armor Agglomération. On ne maîtrise pas tout." Le son de cloche est un peu différent du côté de la direction technique de l'agglo. "On n'a pas prévu de système pour couvrir les algues, glisse l'un des responsables. On n'a pas pu tenir le rythme." "Ils n'avaient qu'à faire une plateforme de séchage, s'énerve Christian Le Maître, le maire de Lantic, inquiet des odeurs échappées de l'usine. Ils n'ont pas à nous envoyer des algues non égouttées, bourrées de sable : c'est dangereux. Il fallait prévoir."

D'autant que le Centre d'étude et de valorisation des algues avait prévu le phénomène massif et précoce, et lancé l'alerte dès l'automne. "On n'a jamais été confronté à de telles quantités depuis que les mesures existent, observe Sylvain Ballu, chargé de la surveillance des marées vertes, qui l'avait signalé une nouvelle fois en février. Il faut mettre plus de moyens." À leur décharge, les élus ont envoyé il y a deux mois une missive, restée lettre morte, au ministère de l'Écologie pour l'alerter sur la situation exceptionnelle qui se profilait.
Dans la baie, les collectivités épandent les algues sur des terres agricoles en attendant la réouverture de l'usine, prévue pour le début de la semaine. En espérant que cette fois-ci la quantité pourra être gérée et les algues mieux égouttées. Au moins jusqu'à l'année prochaine. 

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