#PayeTonBurnOutMilitant : épuisées, les militantes féministes jettent l'éponge

Par Megan Bourdon
Banière @VsCyberH
L’association Féministes contre le cyberharcèlement a annoncé, ce jeudi 11 juillet, qu’elle cesserait d’accompagner les victimes. Épuisées, méprisées et précarisées, ses membres dénoncent le manque de moyens et l'inaction des pouvoirs publics, sur Twitter, sous le #PayeTonBurnOutMilitant.

Après plus de trois ans de combat, l’association Féministes contre le cyber-harcèlement (@VsCyberH) a annoncé le 11 juillet vouloir cesser définitivement ses actions d’accompagnement des victimes de violences et de harcèlement. Il y a moins d'un mois, le tumblr Paye ta Shneck, qui recensait les témoignages de victimes de harcèlement de rue, jetait également l'éponge, après 7 ans d'existence. 

En cause ? Le manque de moyens, le mépris des pouvoirs publics, mais aussi l’épuisement physique et moral. Sur Twitter, sous le hashtag #PayeTonBurnOutMilitant, ces activistes expriment leur désillusion face à un phénomène de violence qui est loin de décroître.  

Traumatisme de compassion 

Traumatisme vicariant ou traumatisme de compassion. C’est le mal qui guette les militantes féministes sur Internet. Cette forme de burn-out vise les professionnels de l’écoute et de l’aide à la personne. Il est dû à l’accumulation des récits de souffrances des victimes et leur accompagnement, or « cet accompagnement engage la responsabilité morale et émotionnelle importante », indique le communiqué de presse de @VsCyberH .

L'exposition à leurs récits répétés (...) ont un impact profond sur notre équilibre émotionnel et psychique 

L'association annonce donc vouloir recentrer ses actions et revenir à son activité d'origine, à savoir « le plaidoyer, l’information, la sensibilisation et la formation. ». 

D’autres militantes témoignent également du sentiment de vacuité résultant de leurs actions face au caractère systémique des violences... qu'elles-mêmes subissent. 

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Mépris d’État et manque de moyen

« Nous ne pouvons plus faire le travail de l’État à nos dépends », poursuit l’association dans son communiqué qui estime que les pouvoirs publics manquent également de considération à l'égard de leur cause : « Notre militantisme nous épuise, et le mépris affiché par les autorités concernées pour ces questions de soin et d’accès à la justice nous met en danger. ». 

Les effets d’annonce politique entendus çà et là depuis des années n’ont rien changé

Sous ce hashtag, Alice Coffin, journaliste et membre de l’association des journalistes LGBT+, pointe du doigt la question du bénévolat des militants, qui a selon elle « des conséquences majeures sur les discussions politiques dans ce pays. ». Laure Salmona, co-fondatrice de l’association Féministes contre le cyber-harcèlement parle même de « deuxième journée de travail ».

Le gouvernement a annoncé avoir fait des violences faites aux femmes et de la lutte contre le cyber-harcèlement le cheval de bataille de son quinquennat, mais la réalité du terrain s'avère toute autre. « Les effets d’annonce politique entendus çà et là depuis des années n’ont rien changé concrètement pour les victimes. », estiment les militantes.

Des chiffres toujours plus glaçant

Force est de constater que face aux chiffres des violences faites aux femmes et notamment des féminicides en France, le sentiment d'échec est considérable. Depuis le début de l'année, 76 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint selon les chiffres de l'association #NousToutes.

121 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-compagnon

Et vu ceux communiqués par le ministère de l'Intérieur le 10 juillet, selon qui durant l'année 2018, 121 femmes, soit, une femme tous les trois jours, sont mortes sous les coups de leur conjoint ou ex-compagnon, les statistiques ne devraient pas aller en s'arrangeant. Le 6 juillet dernier, la secrétaire d’État à l’égalité femmes-hommes, Marlène Schiappa, a annoncé la tenue d'un Grenelle des violences conjugales à Matignon, à la rentrée prochaine. Une annonce mal reçue par de nombreuses militantes qui ne cessent de d'alerter sur l'urgence de la situation.

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