Indemnités pour licenciements abusifs : ce qui se fait en Europe
Plusieurs pays dans le monde ont instauré ou tenté d'instaurer des barèmes de compensation en cas de licenciements abusifs, comme la France dans ses tribunaux de prud'hommes. Les montants varient en fonction de l'âge, de l'ancienneté, du caractère « déraisonnable » de la décision… Tour d'Europe des pratiques.
La Cour de cassation a validé ce mercredi le barème des indemnités pour licenciement abusif instauré dans les tribunaux de prud'hommes par les ordonnances réformant le droit du travail à l'automne 2017. Ce dispositif est très décrié par les syndicats. Depuis cette réforme, les salariés licenciés peuvent recevoir un à vingt mois maximum de salaire d'indemnités, selon leur ancienneté, mis à part les cas de harcèlement ou de discrimination.
De tels barèmes pour licenciement abusif existent pourtant un peu partout ailleurs en Europe, avec souvent des plafonds se fondant sur l'ancienneté, comme en France. Mais dans quelques pays, ils ont été retoqués car jugés non conformes à la Charte sociale européenne (CSE).
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Finlande et Italie, barèmes invalidés
L'article 24 de la Charte sociale européenne (CSE) du 3 mai 1996 dispose que les travailleurs ont droit à une « indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée » en cas de licenciement sans motif valable. Cet article a servi de fondement pour interdire les barèmes d'indemnité en Finlande (entre 3 et 30 mois) et en Italie (entre 6 et 36 mois).
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En septembre 2016, le Comité européen des droits sociaux a invalidé le système finlandais, considérant qu'il violait l'article 24 en ne couvrant pas le préjudice subi dans « certains cas » et en ne prévoyant pas la réintégration du salarié. Deux ans plus tard, la Cour constitutionnelle italienne a déclaré non conforme à la Constitution le calcul de l'indemnisation, uniquement fondée sur l'ancienneté, en plus de considérations relatives à l'article 24. Pour le cas finlandais, le Comité européen devrait procéder à une réévaluation en octobre de cette année.
Caractère « déraisonnable »
Mais de très nombreux pays continuent à avoir des barèmes, avec plafonds et planchers. C'est le cas de l'Espagne où le barème est précisément fixé et a été nettement revu à la baisse pour les salariés depuis la réforme du travail de 2012. Le montant est de 33 jours de salaire par année travaillée, avec un maximum de 24 mensualités. La réintégration du salarié injustement licencié est prévue par la législation.
En Allemagne, l'indemnité se situe en général autour d'un demi-salaire mensuel brut par année de service. Elle peut aller jusqu'à 18 mois de salaire brut pour les salariés âgés de plus de 55 ans et ayant une ancienneté supérieure à 20 ans. La réintégration de l'employé dans l'entreprise est possible si le salarié le souhaite. Sinon, l'employeur doit verser l'indemnité prévue.
En Belgique, le montant des indemnités dépend également du caractère « manifestement déraisonnable » du licenciement. Le plancher se situe à trois semaines et le plafond à 17 semaines de rémunération.
Aux Pays-Bas, pas de plafond
Aux Pays-Bas, le montant des compensations est librement déterminé par la Cour . Les avocats de la défense peuvent demander une compensation égale au salaire que l'employé aurait perçu si le contrat s'était terminé normalement. Cependant, la Cour peut décider de réajuster cette somme, pour que les indemnités soient « raisonnables » et « justes », mais doit accorder un minimum de trois mois de salaire de compensation.
La Suède est souvent citée en exemple. Le pays privilégie les accords à l'amiable négociés entre l'employeur et l'employé, épaulé par son syndicat. Mais en cas de procès, le pays accorde le plafond le plus généreux d'Europe : jusqu'à 32 mois d'indemnités.
Youssr YoussefAvec AFP