Dans le Puy-de-Dôme, une femme victime de violence conjugale témoigne : « La seule solution, c'était partir »

Accueillie par l'Anef 63, Sarah (*), une femme victime de violence a souhaité partager son histoire. Alors que l'Anef du Puy-de-Dôme a accueilli 121 victimes de violences conjugales, toutes ont été hébergées en urgence, après avoir contacté le 115.


Par Chloé Tridera

Publié le 17 juillet 2019 à 07h00

Lorsque des femmes fuient le domicile conjugal, elles sont accompagnées par des travailleurs sociaux et des psychologues de l’Anef 63. L’association Avec 63 s’occupe également de l’accompagnement au quotidien des femmes victimes de violences conjugales qui veulent sortir de la tourmente. Photo d'illustration © SALESSE Florian

Une histoire difficile dont Sarah a du mal à parler.

Il y a encore moins d’un an, elle subissait les coups de son mari. « Il hurlait, claquait les portes, jetait les chaises. » Des mots lourds de sens et une violence physique et psychologique qu’elle a du mal à verbaliser. Elle explique qu’elle mettait ses gestes sur le dos d’une pathologie. « J’ai essayé de l’aider pendant plusieurs années. Je lui ai dit d’aller se faire soigner, mais il s’en moquait », murmure-t-elle. Jusqu’au moment où elle réalise que les coups du conjoint atteignent ses trois enfants. « Mon fils m’a suppliée de faire quelque chose, raconte-t-elle. Il m’a dit “sinon c’est moi qui pars”. »

Au fil du récit, le visage de Sarah se crispe. Retracer ces mois de tourmente alors qu’elle commence à peine à lui tourner le dos, l’exercice semble insoutenable. De ses mots, on entend presque distinctement l’écho des claquements de porte.

« Je craignais d’avoir fait le mauvais choix pour mes enfants »

Un soir, la peur a envahi Sarah. L’urgence s’est fait ressentir et elle a écouté l’un de ses trois enfants. « Si leur mère va mal, ils le voient directement », glisse-t-elle. Et elle s’est organisée pour préparer sa fuite, épaulée par des assistantes sociales et une personne de son village. Sarah a profité de l’absence de son mari pour quitter le domicile. Avec ses enfants et quelques bagages en main, direction Clermont-Ferrand. « J’ai tout laissé là-bas », se souvient-elle.

Comme 121 personnes victimes de violences accueillies en 2018 par l’Association nationale d’entraide du Puy-de-Dôme (Anef 63), Sarah a été prise en charge après avoir contacté le 115. Mais par manque de places dans les trois logements d’urgence que compte le département, elle s’est retrouvée à l’hôtel pendant plusieurs semaines.

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121 personnes victimes de violence herbergées en urgence en 2018

« C’était difficile pour reprendre une vie normale. Là-bas, je regrettais d’être partie, confie-t-elle. Je craignais d’avoir fait le mauvais choix pour mes enfants. » Les enfants ont changé d’école, dans une ville que ni eux ni Sarah ne connaissaient. Psychologiquement, Sarah se sentait démunie. « Je n’avais aucun repères. J’oubliais des rendez-vous avec les assistantes sociales, des dossiers administratifs à remplir… » Malgré cette situation précaire, la peur s’est estompée, doucement. Elle a pris conscience que ses enfants étaient en danger avec leur père.

« Il fallait qu’ils grandissent dans un milieu sain. À leur âge ce sont des éponges, ils voient quand les choses vont mal. La seule solution, c’était partir. »
Sarah

Depuis quelques mois, elle réside dans l’un des appartements d’urgence mis à disposition par l’Anef 63 pour être en autonomie, un meublé. Les larmes se muent en un sourire timide. « J’ai eu un peu de chance d’avoir eu un appartement rapidement », reconnaît-elle.

Lorsque des femmes fuient le domicile conjugal, elles sont accompagnées par des travailleurs sociaux et des psychologues de l’Anef 63. L’association Avec 63 s’occupe également de l’accompagnement au quotidien des femmes victimes de violences conjugales qui veulent sortir de la tourmente


Un soulagement pour Sarah. « Ses enfants l’aident, atteste l’éducatrice qui l’accompagne. Quand on vient faire des visites à l’appartement, on comprend facilement qu’ils chouchoutent leur mère ». En face, le sourire de la maman s’amplifie.

« Je n’ai plus peur, je peux tout faire »

Désormais, Sarah va mieux. Elle et ses enfants « respirent ». « J’avais perdu ma vie quand je suis partie. Grâce à l’Anef, j’ai commencé à retrouver une vie de femme, comme les autres. Une mère, et une femme », lâche-t-elle dans un soupir de soulagement.

Bientôt, et avec l’aide de l’Anef, elle pourra trouver un appartement par ses propres moyens, en bail glissant ( **), elle passera son permis, et entamera une formation. « Je n’ai plus peur, je peux tout faire?! ». Enfin apaisée, elle sait l’enfer derrière elle.

(*) Le prénom de la personne a été modifié.

(**) L’association prend le bail à son nom le temps qu'une personne régularise sa situation

Chloé Tridera

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