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Par Chloé Tridera
Publié le 17 juillet 2019 à 07h00
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Une histoire difficile dont Sarah a du mal à parler.
Il y a encore moins d’un an, elle subissait les coups de son mari. « Il hurlait, claquait les portes, jetait les chaises. » Des mots lourds de sens et une violence physique et psychologique qu’elle a du mal à verbaliser. Elle explique qu’elle mettait ses gestes sur le dos d’une pathologie. « J’ai essayé de l’aider pendant plusieurs années. Je lui ai dit d’aller se faire soigner, mais il s’en moquait », murmure-t-elle. Jusqu’au moment où elle réalise que les coups du conjoint atteignent ses trois enfants. « Mon fils m’a suppliée de faire quelque chose, raconte-t-elle. Il m’a dit “sinon c’est moi qui pars”. »
Au fil du récit, le visage de Sarah se crispe. Retracer ces mois de tourmente alors qu’elle commence à peine à lui tourner le dos, l’exercice semble insoutenable. De ses mots, on entend presque distinctement l’écho des claquements de porte.
Un soir, la peur a envahi Sarah. L’urgence s’est fait ressentir et elle a écouté l’un de ses trois enfants. « Si leur mère va mal, ils le voient directement », glisse-t-elle. Et elle s’est organisée pour préparer sa fuite, épaulée par des assistantes sociales et une personne de son village. Sarah a profité de l’absence de son mari pour quitter le domicile. Avec ses enfants et quelques bagages en main, direction Clermont-Ferrand. « J’ai tout laissé là-bas », se souvient-elle.
Comme 121 personnes victimes de violences accueillies en 2018 par l’Association nationale d’entraide du Puy-de-Dôme (Anef 63), Sarah a été prise en charge après avoir contacté le 115. Mais par manque de places dans les trois logements d’urgence que compte le département, elle s’est retrouvée à l’hôtel pendant plusieurs semaines.
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« C’était difficile pour reprendre une vie normale. Là-bas, je regrettais d’être partie, confie-t-elle. Je craignais d’avoir fait le mauvais choix pour mes enfants. » Les enfants ont changé d’école, dans une ville que ni eux ni Sarah ne connaissaient. Psychologiquement, Sarah se sentait démunie. « Je n’avais aucun repères. J’oubliais des rendez-vous avec les assistantes sociales, des dossiers administratifs à remplir… » Malgré cette situation précaire, la peur s’est estompée, doucement. Elle a pris conscience que ses enfants étaient en danger avec leur père.
« Il fallait qu’ils grandissent dans un milieu sain. À leur âge ce sont des éponges, ils voient quand les choses vont mal. La seule solution, c’était partir. »
Depuis quelques mois, elle réside dans l’un des appartements d’urgence mis à disposition par l’Anef 63 pour être en autonomie, un meublé. Les larmes se muent en un sourire timide. « J’ai eu un peu de chance d’avoir eu un appartement rapidement », reconnaît-elle.
Un soulagement pour Sarah. « Ses enfants l’aident, atteste l’éducatrice qui l’accompagne. Quand on vient faire des visites à l’appartement, on comprend facilement qu’ils chouchoutent leur mère ». En face, le sourire de la maman s’amplifie.
Désormais, Sarah va mieux. Elle et ses enfants « respirent ». « J’avais perdu ma vie quand je suis partie. Grâce à l’Anef, j’ai commencé à retrouver une vie de femme, comme les autres. Une mère, et une femme », lâche-t-elle dans un soupir de soulagement.
Bientôt, et avec l’aide de l’Anef, elle pourra trouver un appartement par ses propres moyens, en bail glissant ( **), elle passera son permis, et entamera une formation. « Je n’ai plus peur, je peux tout faire?! ». Enfin apaisée, elle sait l’enfer derrière elle.
(*) Le prénom de la personne a été modifié.
(**) L’association prend le bail à son nom le temps qu'une personne régularise sa situation
Chloé Tridera
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